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30/06/2023 | FRANCE | N°22NT00382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 30 juin 2023, 22NT00382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., en sa qualité de tutrice de Mme G... C..., a demandé au tribunal administratif de Rennes de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident médical dont elle a été victime le 27 octobre 2009, avec intérêts à compter du 28 novembre 2013 et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1805774 du 10 décembre 2021, le tribunal a

dministratif de Rennes a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 1 278 702,84 euros e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., en sa qualité de tutrice de Mme G... C..., a demandé au tribunal administratif de Rennes de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) l'indemnisation des préjudices résultant de l'accident médical dont elle a été victime le 27 octobre 2009, avec intérêts à compter du 28 novembre 2013 et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1805774 du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 1 278 702,84 euros en réparation des préjudices de Mme C..., sous déduction de la provision déjà versée, avec intérêts à compter du 29 novembre 2013 et capitalisation à compter du 29 novembre 2018, ainsi que le remboursement, à échéance annuelle et sur justificatifs, des frais de change, des frais d'hébergement et des frais d'assistance par tierce personne sur justificatifs et après déduction des prestations éventuellement versées et dans la limite du montant des rentes annuelles réclamées à ces titres et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2022, Mme E... A..., en sa qualité de tutrice de Mme G... C..., représentée par Me Cartron, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 décembre 2021 en portant aux sommes de :

- 754 551,92 euros, hors rente future, l'indemnité compensatrice des préjudices patrimoniaux mise à la charge de l'ONIAM,

- 80 240,35 euros le montant total des rentes compensatrices des préjudices patrimoniaux futurs, outre les arrérages échus à compter de leur point de départ et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation de ces rentes par application du barème diffusé par la gazette du Palais du 15 septembre 2020,

- 867 245 euros l'indemnité réparatrice de ses préjudices extrapatrimoniaux ;

2°) de laisser les frais d'expertise à la charge de l'ONIAM ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe de la réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale n'est pas contesté ;

- s'agissant des préjudices patrimoniaux, doivent être mises à la charge de l'ONIAM :

- une somme de 6 150 euros au titre des honoraires du médecin qui l'a examinée lors de la mise sous tutelle et du médecin conseil ;

- une somme de 19 996,26 euros en remboursement des dépenses de soins à domicile qu'elle a exposés du 31 décembre 2015 au 31 mai 2021, et, à compter de l'arrêt à intervenir, une rente annuelle capitalisée sur la base d'une somme annuelle de 4 570,79 euros et en fonction du point de rente retenu par le barème publié à la gazette du palais ;

- une somme de 10 157,97 euros au titre des frais d'acquisition des fauteuils roulants en 2012 et 2017, ainsi qu'une rente annuelle de 1 264 euros au titre des frais de renouvellement du fauteuil électrique ;

- une somme de 29 euros et une rente annuelle de 234 euros jusqu'à la date de l'arrêt, et à compter de cette date, pour l'avenir, une rente annuelle de 234 euros à capitaliser en retenant un euro de rente viagère de 37,944 pour une femme de 48 ans en considération d'un taux d'intérêt de 0% ;

- une somme de 63 440 euros en remboursement des frais d'hébergement à la maison d'accueil spécialisée (MAS) Ty Aven de Rosporden restés à sa charge jusqu'au 31 mai 2021, ainsi que le versement d'une rente annuelle de 6 161,50 euros jusqu'à la mise à disposition de l'arrêt, et à capitaliser pour le futur par application du barème publié à la gazette du Palais qui retient un euro de rente de 37.944 pour une femme de 48 ans, soit un capital de 232 653,64 euros ;

- une somme de 21 985,17 euros en remboursement des frais d'accompagnement à la vie sociale exposés du 1er août 2015 au 31 mai 2021 ainsi que le versement d'une rente annuelle de 4 058,80 euros à compter du 1er juin 2021 jusqu'à la date de l'arrêt, et la capitalisation de cette rente pour le futur ;

- une somme de 233 144,09 euros au titre de l'assistance par tierce personne au domicile de sa sœur sur la base de 588 jours à raison de 9 heures par jour d'aide active et de 15 heures par jour d'aide passive ; une rente annuelle de 45 782,50 euros à compter du 15 novembre 2019 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, et sa capitalisation pour le futur ;

- une somme de 22 940 euros au titre de la perte de gains professionnels subis de 2011 à 2016 puis une rente annuelle de 4 588 euros à compter du 1er janvier 2017, à capitaliser à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

- une somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- une somme de 52 854,63 euros au titre des frais d'adaptation du logement exposés, ainsi qu'une rente annuelle de 5 285,47 euros à compter du 1er juin 2013 à capitaliser à compter de l'arrêt à intervenir au titre du renouvellement ;

- une somme de 41 625,20 euros au titre des frais d'adaptation du véhicule, et au titre du renouvellement une rente annuelle de 8 325,04 euros à compter du 27 juillet 2011 à capitaliser à compter de l'arrêt à intervenir ;

- une somme de 3 355,20 euros restée à sa charge en remboursement des frais de transport pour se rendre chez sa sœur avant l'acquisition du véhicule adapté ;

- S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux, doivent être mises à la charge de l'ONIAM :

- une somme de 7 245 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire :

- une somme de 30 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- une somme de 40 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation ;

- une somme de 600 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- une somme de 45 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- une somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- une somme de 50 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- une somme de 45 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- l'ensemble de ces sommes devant être majoré des intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2013, date de sa réclamation préalable, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré les 24 mai 2022, le centre hospitalier de Lannion, représenté par Me Le Prado, demande à la cour de le mettre hors de cause.

Il soutient qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de Mme C....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mai et 14 octobre 2022, et un mémoire non communiqué enregistré le 9 juin 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes (ONIAM), représenté par Me Ravaut, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de ramener l'indemnisation de Mme C... à la somme de 18 204,83 euros, outre une rente annuelle de 549,70 euros au titre des frais de change et des frais d'assurance du fauteuil roulant sur production de justificatifs du montant des sommes laissées à sa charge et de condamner Mme C... à lui verser le trop-perçu résultant de la provision de 300 000 euros qu'elle a reçue.

Il soutient que :

- il ne conteste pas le principe de sa responsabilité au titre de la solidarité nationale ;

- les sommes versées à la requérante par la BPCE au titre de la garantie des accidents de la vie doivent être déduites de l'indemnisation mise à sa charge ; ne pourront en conséquence être mis à sa charge l'incapacité temporaire de travail, l'incapacité permanente partielle, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, les souffrances endurées, les frais d'aménagement du domicile et du véhicule et les frais d'assistance par une tierce personne et les conséquences permanentes sur la vie professionnelle, garantis par le contrat ;

Sur les préjudices patrimoniaux ;

- aucun recours des tiers payeurs ne saurait être accueilli à son encontre ;

- la somme de 150 euros allouée par les premiers juges au titre des honoraires du médecin qui l'a examinée dans le cadre de la mise sous tutelle peut être confirmée ;

- la somme allouée par les premiers juges au titre des frais de change n'étant pas contestée, elle sera confirmée ;

- les demandes au titre des frais d'acquisition, d'entretien et de renouvellement du fauteuil roulant doivent être rejetées ;

- les frais d'assurance du fauteuil roulant devront être ramenés à la somme de 419 euros pour la période allant du 15 avril 2018 au 31 décembre 2019 et à compter du 1er janvier 2020 une rente annuelle de 234 euros à condition de justifier de ce règlement ;

- la somme de 6 000 euros allouée par les premiers juges au titre des honoraires du médecin conseil devront être ramenés à la somme de 700 euros conformément au référentiel ONIAM ;

- au titre de l'assistance par une tierce personne, il conviendra de déduire l'aide allouée par le département au titre de la prestation de compensation du handicap à ce titre ;

- la demande présentée au titre des frais d'hébergement à la maison d'accueil spécialisée, soit le forfait journalier laissé à sa charge, ne pourra être pris en charge qu'à hauteur de la moitié du forfait journalier, dont il convient de déduire l'aide du département au titre de la PCH établissement et la majoration tierce personne qui lui est versée par la CPAM, et les éventuelles prestations prises en charge par sa mutuelle à ce titre ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- au titre de l'assistance tierce personne, les 15 heures passives ne sont pas justifiées, dès lors qu'elle n'est pas sous assistance respiratoire, qu'elle peut s'alimenter par voie orale et ne présente pas de fausse route ; il convient de retenir 7 heures non spécialisée sur la base d'un taux horaire de 18 euros par jour et 2 heures spécialisées sur la base d'un taux horaire de 23 euros par jour ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- sur les frais d'adaptation du véhicule, seul le surcoût d'acquisition et les aménagements peuvent être pris en charge pour 20 552,15 euros et un renouvellement tous les 7 ans, soit une somme globale au titre des frais passés et futurs qui ne peut excéder 90 280,64 euros ;

- les frais de transport avant acquisition du véhicule ayant été intégralement pris en charge, elle ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre ;

- les frais d'adaptation du logement doivent être ramenés à la somme de 27 536,55 euros ;

- l'indemnité réparatrice des frais d'adaptation du logement ne sauraient excéder 27 536,55 euros ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- le jugement doit être confirmé sur la perte de revenus ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- l'incidence professionnelle n'est pas établie ; en toute hypothèse, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- la requérante n'établit pas sa perte de revenus au titre de la retraite ;

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

- elle ne peut prétendre à l'indemnisation que de 295 jours de déficit fonctionnel total, soit la somme de 4 425 euros ;

- il ne conteste pas l'évaluation des souffrances endurées ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- seul le préjudice esthétique permanent pourra être indemnisé ;

- le déficit fonctionnel permanent ne pourra être indemnisé qu'à hauteur de 403 273 euros ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", elle ne peut être indemnisée à ce titre ;

- le préjudice esthétique permanent doit être évalué à 20 700 euros ; toutefois, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", son indemnisation ne peut être mise à sa charge ;

- le préjudice d'agrément n'est pas justifié ; en toute hypothèse, ce poste de préjudice étant pris en charge dans le cadre du contrat " garanties accidents de la vie ", l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut être mise à sa charge ;

- le préjudice sexuel étant pris en charge au titre du contrat " garantie des accidents de la vie ", il ne peut donner lieu à indemnisation ; seule une somme de 10 000 euros peut être allouée au titre du préjudice d'établissement ;

- les intérêts ne pourront courir qu'à compter du jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Cartron, représentant Mme C....

Une note en délibéré a été présentée le 15 juin 2023 pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 octobre 2009, Mme C..., alors âgée de 36 ans, a été hospitalisée au centre hospitalier (CH) de Lannion-Trestel afin d'y subir une intervention chirurgicale. Dans les suites d'une anesthésie générale avec injection de curare, elle a été victime d'un choc allergique à l'origine de graves séquelles. A la demande de Mme A..., sœur de l'intéressée désignée comme tutrice, le juge des référés a ordonné le 13 décembre 2012 une expertise médicale confiée au docteur B..., anesthésiste réanimateur, qui a déposé son rapport le 20 février 2013. La réclamation préalable présentée pour Mme C... à l'ONIAM le 28 novembre 2013 a été rejetée le lendemain par cet office. Par une ordonnance n° 1400658 du 12 mai 2014, la présidente du tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à verser à Mme C... la somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices. Par jugement du 10 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes, a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 1 278 702,84 euros en réparation de ses préjudices, sous déduction de la provision déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013 et capitalisation des intérêts à compter du 29 novembre 2018 ainsi que le versement annuel sur justificatifs d'une somme correspondant aux frais de change, d'hébergement et d'assistance par tierce personne selon des modalités définies dans le jugement. Mme A..., agissant en qualité de tutrice de Mme C..., relève appel de ce jugement en ce qu'il a insuffisamment fait droit à ses demandes. L'ONIAM ne conteste pas le principe de la réparation au titre de la solidarité nationale mais demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'une part, de rejeter ses conclusions en réparation d'un certain nombre de chefs de préjudice, d'autre part, de ramener l'indemnisation des autres préjudices subis par Mme C... à la somme de 18 204,83 euros, outre une rente annuelle de 549,70 euros sur production de justificatifs du montant des sommes laissées à sa charge au titre des frais de change et des frais d'assurance du fauteuil roulant, et enfin, de condamner Mme C... à lui reverser le trop-perçu résultant de la provision de 300 000 euros qui lui a été accordée.

Sur les préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les frais divers :

2. Mme C... a droit au titre de la solidarité nationale au remboursement des honoraires du Dr D... qui l'a examinée dans le cadre de la procédure de mise sous tutelle ainsi que de ceux du médecin conseil qui l'a assistée dans le cadre des opérations d'expertise et qui sont en lien direct avec l'accident médical dont elle a été victime. Une somme de 6 150 euros sera mise à la charge de l'Office au titre de ces frais divers.

En ce qui concerne les dépenses de santé :

3. Les parties ne contestent pas la somme mise à la charge de l'ONIAM au titre des dépenses de santé relatives aux frais de change laissés à la charge de Mme C... jusqu'à la date du jugement attaqué, soit la somme de 2 510,83 euros jusqu'au 10 décembre 2021. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge de l'ONIAM. En revanche, s'agissant de la période postérieure, il résulte de l'instruction que le département du Finistère a accordé à Mme C... au titre des frais de change pour ses retours à domicile une somme de 50 euros par mois, soit un montant annuel de 600 euros supérieur à la somme annuelle de 315,70 euros réclamée. Dès lors, la demande d'indemnisation des frais de change laissés à la charge de la requérante à compter du 10 décembre 2021 doit être rejetée.

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

4. Tout d'abord, si Mme C... justifie avoir exposé une somme de 3 837,97 euros pour l'acquisition et l'entretien de son premier fauteuil roulant en 2012, il ressort de l'état des débours de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qu'une somme globale de 8 271,39 euros a été versée à la requérante au titre des frais d'appareillage entre le 1er septembre 2010 et le 9 décembre 2014, sans que la requérante ne précise ce que ces débours ont pour objet de recouvrer. En outre, si la requérante justifie par ailleurs avoir acquis en 2017 un fauteuil roulant électrique d'un montant de 10 972,27 euros, dont 6 320 euros n'ont pas été pris en charge par la sécurité sociale, il résulte de l'instruction que la somme de 6 320 euros ainsi laissée à sa charge a été entièrement remboursée à l'intéressée par la mutuelle Pro BTP à laquelle elle est affiliée. Dès lors, la requérante, qui ne justifie pas avoir dû s'acquitter d'un reste à charge au titre de ces frais d'acquisition et d'entretien de fauteuil roulant, n'établit pas la réalité du préjudice dont elle demande à être indemnisée. Dans ces conditions, Mme C... ne peut davantage prétendre à son indemnisation pour le futur.

5. Mme C... justifie en revanche avoir souscrit un contrat d'assurance auprès de la compagnie d'assurance MMA pour assurer son fauteuil roulant électrique acquis en 2017 dont le coût annuel s'élève à 234 euros à compter du 15 mai 2018, outre une échéance initiale de 29 euros versée en avril 2018, et produit un échéancier de versements d'une somme mensuelle de 34 euros jusqu'au 31 décembre 2019. En dépit de la mesure d'instruction diligentée, Mme C... se borne à produire pour justifier des versements au-delà de cette date un document non signé daté de mars 2018 qui n'établit pas qu'elle a continué à assurer ce fauteuil roulant à compter du 1er janvier 2020. Dès lors, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 419 euros que Mme C... justifie avoir exposée au titre de l'assurance de son fauteuil roulant du 15 mai 2018 au 31 décembre 2019 et de rejeter les conclusions présentées au même titre à compter du 1er janvier 2020.

En ce qui concerne les frais d'hébergement et d'assistance par une tierce personne :

6. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant.

S'agissant des frais exposés jusqu'à la date du présent arrêt :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que depuis le 6 septembre 2010, date de consolidation de son état de santé, Mme C... est prise en charge à la maison d'accueil spécialisée (MAS) de Rosporden. Elle justifie avoir supporté la somme totale de 76 620 euros au titre du forfait hospitalier journalier, resté à sa charge en application des articles L. 344-1 du code de l'action sociale et des familles et de l'article L.174- 4 du code de la sécurité sociale, lors de son séjour dans cet établissement de 2010 jusqu'au 31 décembre 2022. A compter de cette date, et jusqu'à celle du présent arrêt, les dépenses exposées à ce titre peuvent être évaluées à la somme de 3 150 euros. Le montant des frais d'hébergement restés à la charge de Mme C... jusqu'à la date du présent arrêt peut donc être fixé à la somme de 79 770 euros.

8. En deuxième lieu, Mme C... justifie, par la production du relevé de la mutualité soins et services à domicile, avoir exposé des dépenses d'assistance par une tierce personne d'août 2015 à février 2021 d'un montant de 21 912,06 euros à raison de 673 heures de prestations d'accompagnement à la vie sociale réalisées par un service d'aide à domicile intervenant à la maison d'accueil spécialisée de Rosporden. Il convient cependant de déduire de cette somme les aides versées par le département du Finistère au titre de la PCH " établissement " dont il résulte de l'instruction, notamment du retour de la mesure d'instruction, qu'elle correspond à l'indemnisation de l'aide humaine nécessaire lorsque Mme C... séjourne à la maison d'accueil spécialisée. Il résulte de l'instruction que la somme qui lui a été accordée à ce titre par le département pour la période allant du

1er décembre 2010 à la date du présent arrêt peut être évaluée à la somme de 13 593,63 euros (soit 4 500 euros pour la période allant du 1er décembre 2010 au 30 avril 2014 ; 8 193,63 euros pour la période allant du 1er mai 2015 au 31 décembre 2022 et 900 euros entre le 1er janvier et le 30 juin 2023). La requérante peut donc prétendre au remboursement de la somme de 8 318,43 euros (21 912,06 - 13 593,63).

9. En troisième lieu, Mme C... soutient avoir été hébergée au domicile de sa sœur 588 jours entre le 6 septembre 2010 et le 14 novembre 2019 en s'appuyant sur les " registres des absences " établis par l'établissement d'accueil spécialisé. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, ce document ne permet pas de déterminer avec suffisamment de précisions le motif de ces absences et d'établir que celles-ci correspondent effectivement aux jours passés au domicile de Mme A.... Si Mme C... soutient par ailleurs que depuis le 1er novembre 2019, elle est hébergée chez sa sœur 104 jours par an, elle n'apporte pas d'éléments probants au soutien de ces allégations. A l'instar des premiers juges, il y a donc lieu de procéder à l'indemnisation de ce poste de préjudice sur la base des relevés de versement de la prestation de compensation du handicap (PCH) établis par la direction des personnes âgées et des personnes handicapées du département du Finistère, qui déterminent au vu des justificatifs qui ont été produits par Mme C... à ce service, le nombre de jours qu'elle a effectivement passés au domicile de sa sœur. Il résulte de ces relevés que Mme C... a été hébergée au domicile de sa sœur 450 jours entre le 1er décembre 2010 et le 30 avril 2021, ce qui fait une moyenne de 42 jours par an.

10. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui demeure atteinte d'une incapacité permanente partielle de 92%, présente de graves séquelles motrices et neurologiques qui la placent dans un état de dépendance que l'expert judiciaire qualifie d'absolu en relevant une perte d'autonomie totale. L'expert indique que l'état de santé de Mme C... rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne à raison de 24 heures sur 24, et plus précisément de 7 heures d'aide humaine directe pour sa toilette, les repas, les soins, l'habillage, de 2 heures d'aide aux loisirs, de 5 heures de surveillance, ainsi que de 10 heures de présence sécuritaire nocturne. Il résulte de l'instruction, en particulier du diagnostic d'accessibilité et d'autonomie établi en 2011, qu'un service infirmier a été mis en place trois fois par jour pour les changes, la toilette, l'habillage et la mise au fauteuil. Les dix heures de présence nocturne n'impliquent pas d'intervention particulière de la part de la sœur de Mme C... sauf en cas de réveils difficiles, dès lors que le sommeil de la requérante est qualifié de " facile " et qu'elle est autonome sur le plan respiratoire.

11. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du besoin d'assistance par une tierce personne de Mme C... en le fixant à trois heures d'aide spécialisée et onze heures d'aide non spécialisée par jour, à hauteur de 42 jours par an sur l'ensemble de la période considérée. Il y a lieu d'évaluer, pour la période allant jusqu'à la date du présent arrêt, à 541 jours d'hébergement au domicile de Mme A..., correspondant à 1 623 heures spécialisées qu'il y a lieu d'indemniser selon une moyenne sur l'ensemble de la période de 18 euros de l'heure et à 5 951 heures non spécialisées qu'il y a lieu d'indemniser selon une moyenne de 13 euros de l'heure, en tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail le dimanche, sur une base de 412 jours par an pour tenir compte des congés et des jours fériés. Le montant total des frais d'assistance par une tierce personne pour la période allant du 1er décembre 2010 à la date de l'arrêt peut donc être fixé à la somme totale de 120 218,85 euros, dont il convient de déduire la PCH perçue au cours de cette période au titre de l'aide humaine d'un montant de 16 500 euros, soit un total de 103 718,85 euros.

S'agissant des frais futurs :

12. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondant à l'indemnisation qui lui est due.

13. En premier lieu, à compter de la date du présent arrêt, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une rente trimestrielle, qui doit être évaluée sur la base des frais d'établissement que Mme C... justifie avoir exposés à ce titre en 2022, soit à la somme de 1 575 euros. Le montant de cette rente sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base notamment des justificatifs des frais exposés au cours de l'année passée, que Mme C... devra adresser à l'ONIAM et sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction que le besoin d'assistance par une tierce personne de Mme C..., lorsqu'elle est prise en charge au domicile de sa sœur peut être estimé à 14 heures par jour, réparties en 3 heures d'aide spécialisée, à hauteur de 23 euros de l'heure, et 14 heures d'aide non spécialisée, à hauteur de 17 euros de l'heure, en tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail le dimanche, sur une base de 412 jours par an pour tenir compte des congés et des jours fériés. Compte tenu de la PCH perçue au titre de l'aide humaine à la date du présent arrêt, soit 31,92 euros par jour, le montant de la rente trimestrielle à mettre à la charge de l'ONIAM à raison d'une résidence au domicile de sa sœur à raison de 42 jours par an, est de 2 696,91 euros [(3*23*42/4*1,128) + (11*17*42/4*1,128)) - (31,92*42/4), à verser à Mme C.... Le montant de cette rente sera actualisé chaque année au regard des éléments mentionnés ci-dessus, en fonction notamment du temps de présence de Mme C... au domicile de sa sœur, et des aides versées par le département au titre de l'aide humaine familiale, dont l'intéressée devra justifier auprès de l'ONIAM. Il sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les frais de logement adaptés :

15. Il y a lieu d'accorder à ce titre à Mme C... la somme de 36 513,64 euros afin d'indemniser les frais d'adaptation à son handicap du logement de sa sœur dans lequel elle est hébergée dont il est justifié, correspondant à l'agrandissement d'une pièce de bureau au rez-de-chaussée afin de la transformer en chambre, la création d'une salle de bain attenante prise sur la surface du garage ainsi que l'aménagement des extérieurs pour permettre le passage du fauteuil roulant, qui incluent l'aménagement du " carpark " dès lors que la salle de bain est créée sur une partie de la surface du garage initial. Il y a lieu, en revanche, d'écarter la demande de renouvellement de ces mêmes frais par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne les frais d'adaptation du véhicule :

16. Il résulte de l'instruction et en particulier du diagnostic d'accessibilité et d'autonomie réalisé, que Mme C..., qui possédait un véhicule Ford Orion d'occasion, a fait l'acquisition le 27 juillet 2011 d'un véhicule neuf expert Tepee active 5 places afin de pouvoir y charger son fauteuil roulant. Seul le surcoût d'acquisition d'un tel véhicule, évalué à 12 629,10 euros par le cabinet d'expertise, ainsi que les aménagements nécessités par le handicap de Mme C... qui s'élèvent à 7 923,05 euros selon justificatif, peuvent être indemnisés, soit une somme globale de 20 552,15 euros, dont il y a lieu de déduire la somme de 5 000 euros qui a été versée à la requérante au titre de la PCH " aménagement du véhicule " en 2012, soit la somme de 15 552,15 euros.

17. Mme C... est également fondée à obtenir le remboursement des frais de renouvellement de ces dépenses, sur la base d'un renouvellement tous les 7 ans, représentant une rente annuelle de 2 221,73 euros. L'intéressée ne justifiant pas d'un tel renouvellement avant le présent arrêt, il y a lieu de lui accorder la somme de 15 552, 15 euros pour lui permettre d'y procéder. En outre, à compter de la date du présent arrêt, la rente précitée sera capitalisée selon les modalités indiquées au point 5, ce qui représente une somme de 80 506, 40 euros.

18. La somme totale due à Mme C... au titre des frais de véhicule adaptés passés et futurs s'élève donc à 111 610,70 euros.

En ce qui concerne les frais de transport :

19. Il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme C... a perçu du département une somme de 2 800 ,98 euros au titre du surcoût de transport pour la période allant du 1er décembre 2010 au 31 décembre 2011 et que Mme C... est titulaire d'une pension d'invalidité et présente un taux d'incapacité supérieur à 66,6% qui lui ouvre droit à la prise en charge de ses frais de transport par la sécurité sociale. Dès lors, il y a lieu d'écarter la demande présentée à ce titre par Mme C....

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels :

20. Il résulte de l'instruction qu'avant l'accident, Mme C... exerçait le métier de carreleuse. Il est constant que l'accident médical dont elle a été victime la rend inapte à l'exercice de sa profession et plus généralement à l'exercice de toute activité professionnelle. Il résulte en particulier de l'avis d'impôt sur le revenu de Mme C... au titre des revenus de l'année 2007 que pour une année de travail complète, la requérante percevait des revenus d'environ 13 000 euros, soit pour la période allant du 26 octobre 2009 à la date du présent arrêt une somme qu'il y a lieu d'évaluer à 176 540 euros. Il résulte de l'instruction qu'au cours de cette même période, Mme C... a perçu des indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant de 18 412,24 euros du 25 novembre 2009 au 26 septembre 2011, dont seulement 50% sont soumises à l'impôt sur le revenu, des revenus déclarés à l'administration fiscale qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 100 000 euros au vu des avis d'imposition produits, ainsi que l'allocation adulte handicapé, non soumise à l'impôt sur le revenu d'un montant total qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 25 400 euros sur la période considérée, soit des revenus de substitution de 134 606 euros. Il s'ensuit que la perte de revenus subie par Mme C... à raison de son accident doit être évaluée à la date du présent arrêt à la somme 41 933 euros.

21. A compter de la date du présent arrêt, il y a lieu d'accorder à Mme C... une rente annuelle jusqu'à l'âge légal de la retraite, soit 64 ans, sur la base d'une perte de revenus annuelle arrondie à 3 150 euros, en retenant un point de rente de 13,693 sur la base du barème publié à la gazette du Palais en 2022, soit la somme de 43 132,95 euros. Au titre de la période postérieure, eu égard notamment aux revenus de substitution que Mme C... perçoit, le préjudice ne revêt pas un caractère certain et ne peut donner lieu à indemnisation.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

22. Mme C..., qui exerçait l'activité professionnelle de carreleuse, sollicite le versement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle en faisant valoir que son état de santé annihile définitivement ses perspectives professionnelles. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait justifié d'une chance sérieuse d'augmenter ses revenus professionnels, dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle, distincte de la perte de ses revenus. En outre, et dès lors que l'accident médical non fautif dont elle a été victime l'a rendue inapte à l'exercice de toute activité professionnelle, le préjudice résultant de l'inactivité forcée ne peut être indemnisé qu'au titre des troubles dans les conditions d'existence ou du préjudice moral.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

23. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme C... a subi, antérieurement à la date de consolidation de son état de santé, le 6 septembre 2010, un déficit fonctionnel temporaire total pendant 295 jours en lien avec l'accident médical, dont il sera fait une équitable appréciation, en l'évaluant à la somme totale de 5 000 euros.

24. En deuxième lieu, l'expert a évalué à 7, sur une échelle de 7, le préjudice esthétique temporaire subi par la requérante, qu'il justifie par l'obligation d'être alitée ou en fauteuil, l'absence de contrôle des mimiques, et l'absence de possibilité de port de toilettes. Il y a lieu d'évaluer à la somme de 15 000 euros le préjudice esthétique subi jusqu'à la date de consolidation.

25. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'expert a évalué les souffrances endurées par Mme C... à 5 sur une échelle de 7 au regard des seuls séjours en réanimation et en rééducation. Il y a lieu, pour tenir compte également des souffrances psychiques en lien avec l'accident, d'évaluer les souffrances endurées par Mme C... dans les circonstances particulières de l'espèce à hauteur de 35 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

26. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme C..., qui était âgée de trente-sept ans à la date de la consolidation, demeure atteinte d'un déficit fonctionnel de 92%, caractérisé par de très graves et lourdes séquelles motrices et neurologiques qui la placent dans un état de dépendance absolue et rendent impossible son insertion en dehors d'un milieu protégé et adapté. Il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent en l'évaluant à la somme de 430 000 euros.

27. En deuxième lieu, l'expert a évalué à 5 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique permanent de Mme C... en retenant notamment l'obligation d'être au lit ou en fauteuil, les diverses rétractations, l'absence de contrôle de mimiques, et le fait de ne pouvoir porter de toilettes. Eu égard à l'âge de l'intéressée et aux séquelles physiques présentées, il sera fait une équitable appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 45 000 euros.

28. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'avant son accident,

Mme C... était licenciée d'un club de pétanque et qu'elle était championne de pétanque en doublette au niveau national. Il sera fait une équitable appréciation du préjudice d'agrément résultant de son accident en lui allouant une somme de 5 000 euros.

29. En quatrième lieu, il résulte du rapport d'expertise que Mme C... subit un très important préjudice sexuel ainsi qu'un préjudice d'établissement qui doivent être évalués dans les circonstances de l'espèce au regard de son jeune âge à la somme globale de 50 000 euros.

30. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par Mme C... consécutivement à l'accident médical dont elle a été victime doivent, en l'espèce, être évalués, outre les rentes trimestrielles de 1 575 euros au titre des frais futurs d'hébergement en établissement spécialisé et de 2 696,91 euros pour les frais futurs d'assistance par une tierce personne, à la somme totale à 1 019 077,40 euros. Il y a lieu de déduire de cette somme la provision de 300 000 euros qui lui a été accordée par le juge des référés ainsi que les sommes perçues par Mme C... au titre du contrat " garantie des accidents de la vie " qu'elle a souscrit, et dont elle a justifié à hauteur d'une provision de 80 000 euros sans préjudice de sommes susceptibles de lui être versées à l'avenir. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas satisfait à l'intégralité de sa demande. En revanche, l'ONIAM est fondé à demander que le jugement attaqué soit réformé en ramenant à cette somme le montant de l'indemnité destinée à réparer les préjudices subis en raison de l'accident médical non fautif dont Mme C... a été victime.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

31. La somme qui sera ainsi mise à la charge de l'ONIAM, conformément à ce qui a été dit au point précédent, portera intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2013, date de réception de la réclamation préalable de Mme C... par l'ONIAM.

32. Les intérêts échus à compter du 29 novembre 2018, date à laquelle la capitalisation a été demandée, porteront eux-mêmes intérêts à compter de cette date puis à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais liés au litige :

33. Dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais d'expertise doivent être laissés à la charge de l'ONIAM.

34. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par Mme C... au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le capital que doit verser l'ONIAM à Mme C... est ramené à la somme de 1 019 077,40 euros, dont seront déduites la provision de 300 000 euros et les garanties assurantielles au titre du contrat " garantie des accidents de la vie " déjà versées et qu'il appartiendra à Mme C... de justifier. La somme ainsi due à l'intéressée sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2023. Les intérêts échus au 29 novembre 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'ONIAM versera à Mme C... une rente trimestrielle de 1 575 euros au titre des frais futurs d'hébergement en maison d'accueil spécialisée, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base des justificatifs qui seront présentés par Mme C..., des frais exposés au cours de l'année passée et des prestations sociales versées à ce titre, et sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme C... une rente trimestrielle de 2 696,91 euros au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, en fonction du temps de présence de Mme C... au domicile de sa sœur, Mme A..., et des prestations sociales versées à ce titre, et sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 décembre 2021 est réformé en tant qu'il est contraire aux articles 2 à 4 ci-dessus.

Article 6 : Le surplus des conclusions de l'ONIAM est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., en sa qualité de tutrice de

Mme G... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, au centre hospitalier de Lannion-Trestel, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sud, à la Pro BTP et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Morbihan.

Une copie en sera adressée, pour information, à l'expert.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00382
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CARTRON DOMINIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-30;22nt00382 ?
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