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30/06/2023 | FRANCE | N°23NT00229

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 juin 2023, 23NT00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche.

Par un jugement n° 2216726 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugeme

nt du 10 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche.

Par un jugement n° 2216726 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de se saisir de sa demande d'asile et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen pourtant visé de méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été examiné ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il n'est pas établi que l'agent qui a consulté le fichier Eurodac y était habilité ;

- il n'a pas été informé du traitement de ses empreintes digitales ;

- la preuve de l'envoi d'un formulaire de requête complet conforme à l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que de la confirmation de la reprise en charge n'est pas établie ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, né le 12 mai 1997, est entré en France le 21 octobre 2022 selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 14 novembre 2022. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes. M. B... relève appel du jugement du 10 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux pages 13 à 15 de sa requête et de son mémoire présentés devant le tribunal administratif, M. B... avait invoqué le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a bien visé ce moyen mais, alors qu'il n'était pas inopérant, n'y a pas répondu dans le jugement attaqué. M. B... est donc fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier et à en solliciter, pour ce motif, l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2022 portant transfert auprès des autorités autrichiennes.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 7 décembre 2022 :

4. En premier lieu, l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Autriche de M. B... comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent, notamment au sujet de son état de santé et de sa situation familiale. Il ne ressort pas de la motivation de cet arrêté, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen de la situation de M. B... doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises ont formulé leur demande de prise en charge le 18 novembre 2022, soit dans le délai prévu par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, que le formulaire adressé par ces autorités a été reçu par les autorités autrichiennes le même jour et que les autorités autrichiennes ont donné implicitement leur accord le 3 décembre 2022 au transfert de l'intéressé, conformément au 2 de l'article 25 de ce règlement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi qu'une requête aux fins de prise en charge a été effectivement présentée aux autorités autrichiennes et acceptée doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ". Aux termes de l'article 18 de ce même règlement, " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29 le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les critères prévus à l'article 13 du règlement ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres et qu'en particulier, les dispositions de cet article ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.

7. Il ressort du résumé de son entretien du 14 novembre 2022 que M. B... a traversé le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine et la Serbie puis est entré en Autriche où il a déposé une demande d'asile le 18 octobre 2022. Par suite, alors même que M. B... aurait auparavant franchi irrégulièrement la frontière de la Grèce, l'Autriche est, pour les raisons évoquées ci-dessus, l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Le moyen tiré de l'erreur de droit quant à la mise en œuvre des critères de détermination de l'Etat responsable doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 14 novembre 2022, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, par le biais d'un interprète en langue pachtou, qu'il a déclaré comprendre. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du 14 novembre 2022 qu'il a déclaré que " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise " et " avoir compris la procédure engagée à son encontre ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 14 novembre 2022 que M. B... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à M. B... lors de l'introduction du dépôt de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, il n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 et, en tout état de cause, de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

12. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. B... qu'il a bénéficié le 14 novembre 2022, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions en garantissant la confidentialité. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 14 novembre 2022 que M. B... a été mis à même de s'exprimer sur sa situation. De même, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national du seul fait que l'agent qui a procédé à cet entretien n'est identifié que par la mention " Préfecture du Val-d'Oise ", ses initiales et le tampon partiellement illisible de cette préfecture. En tout état de cause, l'absence de plus de précision sur l'identité dudit agent n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

13. En sixième lieu, si M. B... soutient qu'il n'est pas établi que l'agent qui a consulté le fichier Eurodac y était habilité, il n'invoque pas de texte précis qui aurait été méconnu à ce titre. En particulier, ni les dispositions de l'article 34 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, ni celles de l'article 3 du " règlement Eurodac ", dont il se prévaut, ne font mention de règles particulières à cet égard. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent qui a consulté le fichier Eurodac n'y était pas habilité.

14. En septième lieu, aux termes de l'article 34 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre d'origine assure la sécurité des données avant et pendant leur transmission au système central. / 2. Chaque État membre adopte, pour toutes les données traitées par ses autorités compétentes en vertu du présent règlement, les mesures nécessaires, y compris un plan de sécurité, pour: / (...) / b) empêcher l'accès de toute personne non autorisée aux installations nationales dans lesquelles l'État membre mène des opérations conformément à l'objet d'Eurodac (contrôle à l'entrée de l'installation); / (...) f) veiller à ce que les personnes autorisées à avoir accès à Eurodac n'aient accès qu'aux données pour lesquelles l'autorisation a été accordée, l'accès n'étant possible qu'avec un code d'identification individuel et unique et par un mode d'accès confidentiel (contrôle de l'accès aux données); / (...) / i) garantir qu'il soit possible de vérifier et de déterminer quelles données ont été traitées dans Eurodac, à quel moment, par qui et dans quel but (contrôle de l'enregistrement des données); / (...) ".

15. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Par suite, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Dans ces conditions, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités autrichiennes serait illégale au motif qu'il n'aurait pas été informé de l'identité du responsable du traitement de ses empreintes digitales qui a également consulté le fichier Eurodac.

16. En huitième lieu, l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". Par ailleurs, l'article 2 du même règlement définit, s'agissant de demandeurs ou bénéficiaires d'une protection internationale majeurs, comme " membres de la famille, dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des Etats membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable (...) / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur (...) ".

17. Le frère de M. B..., qui a obtenu le statut de réfugié en France, ne peut être regardé comme un membre de sa famille au sens des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En tout état de cause, il n'est pas contesté qu'il n'a exprimé le souhait que la demande d'asile de celui-ci soit examinée en France que le 20 décembre 2022 soit postérieurement à la décision attaquée, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 de ce règlement doit donc être écarté.

18. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

19. La seule circonstance que le frère de M. B... réside en France avec le statut de réfugié ne suffit pas à établir que le préfet de de Maine-et-Loire aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard à l'entrée récente du requérant en France, au fait qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est marié mais que son épouse ne réside pas en France et alors que son frère et lui, âgés respectivement de 31 et 25 ans, à la date de l'arrêté attaqué, ne résident pas dans le même département. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

20. En dixième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

21. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

22. M. B... fait état de l'existence de défaillances et de violences affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités autrichiennes, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Autriche est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

24. Le présent arrêt, qui rejette la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Autriche, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2216726 du tribunal administratif de Nantes du 10 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B..., à Me Renaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- M. Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00229
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-30;23nt00229 ?
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