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13/07/2023 | FRANCE | N°22NT01413

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 juillet 2023, 22NT01413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association nationale des supporters (ANS) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 du préfet du Finistère portant diverses mesures d'interdiction temporaires à l'occasion du match de football Stade brestois 29 - Olympique de Marseille du dimanche 30 août 2020.

Par un jugement n° 2003703 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai 2

022 et 20 janvier 2023, l'ANS, représentée par Me Barthélemy, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association nationale des supporters (ANS) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 du préfet du Finistère portant diverses mesures d'interdiction temporaires à l'occasion du match de football Stade brestois 29 - Olympique de Marseille du dimanche 30 août 2020.

Par un jugement n° 2003703 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai 2022 et 20 janvier 2023, l'ANS, représentée par Me Barthélemy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 du préfet du Finistère, à tout le moins son article 2, notamment en ce qu'il vise les personnes déjà munies d'un billet dans le respect de la jauge de 5 000 personnes et n'ayant pas séjourné dans les Bouches-du-Rhône dans les deux semaines précédant la rencontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement au titre de la première instance et de l'appel.

Elle soutient que :

- l'existence de risques de troubles graves à l'ordre public n'est pas établie ;

- l'article 2 de l'arrêté contesté ne prévient en rien la diffusion du covid-19 et est disproportionné et porte atteinte au principe d'égalité et à la liberté dès lors qu'il a pour seule conséquence de pousser les supporters de l'OM à dissimuler leur appartenance et préjudicie à ses supporters habitant à proximité de Brest ;

- des mesures alternatives étaient plus adaptées pour prévenir le risque épidémique, notamment le recours à l'article L. 332-16-1 du code du sport au lieu de l'article L. 332-16-2 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de l'ANS ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de l'ANS ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du sport ;

- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;

- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la deuxième journée du championnat de France de football professionnel (Ligue 1), opposant, au stade Francis Le Blé à Brest, le dimanche 30 août 2020 à 21 heures, les équipes du Stade Brestois 29 (SB29) et de l'Olympique de Marseille (OM), le préfet du Finistère, par un arrêté du 20 août 2020, a interdit, entre 14 heures et minuit, dans un périmètre déterminé aux abords du stade, la consommation, le transport et la vente à emporter de boissons alcoolisées, et, entre 8 heures et minuit, à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de l'OM ou se comportant comme tel d'accéder au stade et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans le même périmètre. L'association nationale des supporters (ANS) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, sur le fondement des dispositions de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé a défini au niveau national, au I de son article 1er, les règles d'hygiène et de distanciation, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites " barrières ", qui doivent être observées en toutes circonstances, et prévu au II du même article, l'obligation d'organiser en particulier les rassemblements et réunions en veillant au strict respect de ces mesures. Aux termes du I de l'article 3 de ce décret : " Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des dispositions de l'article 1er (...) ". Selon son article 29 : " Le préfet de département est habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu du présent titre. (...) ". Il appartient aux autorités de l'Etat d'assurer la préservation de l'ordre public, en particulier sur le plan sanitaire en période d'épidémie, et sa conciliation avec les libertés fondamentales que sont notamment la liberté d'aller et venir, la liberté d'association, la liberté de réunion et la liberté d'expression.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 332-16-1 du code du sport : " Le ministre de l'intérieur peut, par arrêté, interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public. / L'arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait qui la motivent ainsi que les communes de point de départ et de destination auxquelles elle s'applique (...) ". Aux termes de l'article L. 332-16-2 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département (...) peut, par arrêté, restreindre la liberté d'aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public. / L'arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s'applique (...) ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le département des Bouches-du-Rhône, classé en zone de circulation active du virus le 13 août 2020 par une modification du décret du 10 juillet 2020, était, à la date de l'arrêté contesté, fortement affecté par l'épidémie de covid-19, le préfet de ce département ayant rendu obligatoire le port du masque dans toute la ville de Marseille et ordonné, le 26 août, la fermeture des bars, restaurants et commerces d'alimentation tous les jours de 23 heures à 6 heures dans l'ensemble du département. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, et alors même que les supporters de l'OM ne résident pas tous dans les Bouches-du-Rhône, le risque sanitaire grave lié au déplacement de nombreuses personnes en provenance de ce département dans celui du Finistère, beaucoup moins affecté, doit être regardé comme caractérisé du fait de la rencontre du 30 août 2020. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas plus sérieusement contesté que les accès au stade Francis le Blé de Brest et ses abords sont exigus et que le respect des règles d'hygiène et de distanciation entre les personnes y est, de ce fait, particulièrement difficile, quand bien même le préfet du Finistère n'avait pas autorisé l'accueil de plus de 5 000 personnes dans l'enceinte sportive. Par suite, à supposer même que toutes les mesures pour prévenir l'épidémie n'auraient pas été adoptées, comme définir des jauges moins importantes ou interdire de rencontre les joueurs ou membres de l'encadrement de l'OM qui auraient été contaminés par le covid-19 et quand bien même un grand nombre des supporters de l'OM souhaitant assister à la rencontre proviendraient des alentours de Brest, l'ANS n'est pas fondée à soutenir que la gravité des risques ayant motivé l'arrêté contesté ne serait pas établie.

5. En second lieu, alors même que le maire de Brest avait rendu le port du masque obligatoire par un arrêté du 19 août 2020, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour prévenir le risque sanitaire ainsi établi, pouvaient être prises des mesures aussi efficaces et moins contraignantes que la restriction de déplacement prévue par l'article L. 332-16-2 du code du sport, la mesure litigieuse étant de nature à dissuader une grande partie des supporters de l'OM des Bouches-du-Rhône de se déplacer pour assister à la rencontre du 30 août 2020 et ainsi à limiter les risques de propagation de l'épidémie depuis un département et une ville fortement affectés par la covid-19. Dans ces circonstances précises de fait et de lieu, les interdictions posées par l'arrêté contesté qui imposent seulement aux supporters de l'Olympique de Marseille, s'ils entendent se prévaloir de cette qualité ou se comporter comme tels, de ne pas stationner ou circuler dans le périmètre défini par cet arrêté, qui instituent une restriction limitée dans le temps et sur le plan géographique, justifiée par le risque sanitaire existant et non par la seule qualité de supporter des personnes visées, doivent être regardées comme des mesures adaptées, nécessaires et proportionnées à leur finalité et n'ont pas porté d'atteinte disproportionnée aux principes d'égalité et de liberté d'aller et venir.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'ANS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ANS demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association nationale des supporters est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association nationale des supporters, au préfet du Finistère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01413
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-13;22nt01413 ?
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