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21/07/2023 | FRANCE | N°23NT01062

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 juillet 2023, 23NT01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

13 mars 2023 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301422 du 17 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. P

ar une requête enregistrée sous le n° 23NT01062 le 11 avril 2023 M. A..., représenté par Me Dahani, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

13 mars 2023 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301422 du 17 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NT01062 le 11 avril 2023 M. A..., représenté par Me Dahani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, enfin de supprimer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, méconnaît les dispositions des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2023, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NT01064 le 11 avril 2023 M. A..., représentée par Me Dahani, demande à la cour :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 13 mars 2023 du préfet de la Sarthe ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, enfin de supprimer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'informations Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'urgence est justifiée ;

- les mêmes moyens que ceux invoqués dans le cadre de la requête n°23NT01062 sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2023, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

11 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Dahani, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant du Surinam, né le 2 décembre 1990, relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il demande, par une seconde requête, la suspension de l'exécution de cet arrêté

2. Les requêtes n° 23NT01062 et n° 23NT01064, présentées par M. A..., concernent la situation d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23NT01062 :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre sa décision.

4. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...). ".

5. Les attestations de fréquentation scolaire de M. A... dans le département français de la Guyane entre 1999 et 2010 n'établissent pas la preuve d'une résidence habituelle de l'intéressé en France. L'attestation de sa grand-mère selon laquelle elle a hébergé M. A... à Saint-Laurent-du-Maroni entre 1991 et 2010 n'est pas corroborée par des documents administratifs ou officiels permettant de démontrer la résidence habituelle du requérant en France avant l'âge de treize ans. L'attestation de la mère du requérant affirmant avoir hébergé M. A... de 2010 à 2016 avant qu'il rejoigne la métropole porte sur une période postérieure à l'âge de treize ans de l'intéressé. Dès lors, le moyen invoqué par M. A... et tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. M. A..., qui est célibataire et sans enfant ni attaches particulièrement intenses en France, et notamment dans le département de la Guyane, reprend en appel, sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit, ses moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, d'écarter ces moyens.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

8. M. A... a été condamné en métropole à plusieurs reprises à des peines d'emprisonnement et incarcéré du 16 décembre 2016 au 25 juillet 2018 et du 24 février 2021 au 7 mars 2022 pour notamment des infractions à la législation sur les stupéfiants. Au regard de ces éléments, le préfet de la Sarthe a pu légalement estimer que son comportement constituait une menace à l'ordre public pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

9. M. A... a refusé d'exécuter une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de la Sarthe le 4 mars 2022 en refusant d'embarquer sur un vol à destination du Surinam le 13 mars 2023. Ainsi, le préfet, en estimant qu'il existait un risque que M. A... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte des points 8 et 9 que le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :

14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

15. Le préfet de la Sarthe, en indiquant que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de retour de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale ", et en explicitant préalablement les caractéristiques de la situation de M. A... au regard notamment de son séjour irrégulier en France depuis 2017, de ses condamnations pénales, de son comportement menaçant l'ordre public et de son refus d'exécuter une précédente mesure d'éloignement, a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français au regard des critères énumérés à l'article L. 612-10.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre cette décision.

17. M. A... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit ses moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, d'écarter ces moyens.

18. En l'absence de circonstances humanitaires au regard de la situation personnelle de M. A..., la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

20. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans doit être annulée par voie de conséquence.

21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

Sur la requête n°23NT01064 :

22. Dès lors qu'il est statué sur la requête au fond de M. A... par le présent arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté contesté.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23NT01064 de M. A....

Article 2 : La requête n°23NT01062 de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 23NT01062, 23NT01064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01062
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DAHANI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-21;23nt01062 ?
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