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25/07/2023 | FRANCE | N°22NT01631

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 juillet 2023, 22NT01631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... J..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale des enfants E... C... et B... C..., ainsi que M. F... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer des visas de long séjour à M. F... C..., E... C... et B... C..

. en qualité de membres de famille d'une personne admise au bénéfice de la pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... C... J..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale des enfants E... C... et B... C..., ainsi que M. F... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer des visas de long séjour à M. F... C..., E... C... et B... C... en qualité de membres de famille d'une personne admise au bénéfice de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2109913 du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France du 6 janvier 2021 et a enjoint au ministre de délivrer les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme H... C... J... et M. F... C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le motif de la décision contestée, tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant le lien familial à l'égard de Mme C... J..., n'étaient pas établis, est effectivement erroné, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif ;

- la décision de refus peut toutefois légalement être fondée sur un autre motif, tiré de ce que les demandes de visas ne comportent ni jugement de délégation de l'autorité parentale au bénéfice exclusif de Mme C... J..., qui n'est au demeurant pas leur mère biologique, ni autorisation de sortie du territoire ;

- les autres moyens soulevés à l'appui de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2023, Mme H... C... J..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale des enfants E... C... et B... C..., ainsi que M. F... C..., représentés par Me Lejosne concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Mme C... J... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... J..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 25 mai 1980, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 juin 2018. Les enfants de son époux, M. F... C..., et les jeunes E... C... et B... C..., ont présenté une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa. Ces autorités ont refusé de délivrer les visas sollicités. Par une décision du 6 janvier 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 28 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser les visas sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité des demandeurs de visa, et partant le lien familial à l'égard de Mme C... J..., n'étaient pas établis.

3. Par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 7 à 12 du jugement attaqué, il y a lieu de retenir que cette décision est entachée d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, en ce qui concerne l'identité des demandeurs de visa, et partant le lien familial à l'égard de Mme C... J..., motif dont le ministre admet expressément le bien-fondé en appel,

4. Toutefois, l'administration peut, notamment en première instance, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur fait valoir, dans sa requête d'appel, que les demandes de visas ne comportent ni jugement de délégation de l'autorité parentale au bénéfice exclusif de Mme C... J..., qui n'est au demeurant pas leur mère biologique, ni autorisation de sortie du territoire.

6. D'une part, aux termes de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Et aux termes de l'article L. 411-3 de ce code alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 434-4 même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

7. D'autre part, la procédure dite de " regroupement familial de réfugié statutaire " s'applique, même en l'absence de lien de filiation, aux enfants placés sous la tutelle du réfugié ou d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire, par un jugement étranger de délégation de l'autorité parentale. Le jugement étranger confiant la tutelle de l'enfant au réfugié a pour effet de lui déléguer l'autorité parentale, et donc d'ouvrir droit à la procédure de regroupement familial, même en l'absence de déclaration d'exequatur. Le visa peut toutefois être refusé à l'enfant dans les cas où sa venue en France est contraire à son intérêt ou porterait atteinte à l'ordre public.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. F... C..., et les jeunes E... C... et B... C..., sont nés de la relation de Monsieur G... C... J..., marié depuis le 9 juillet 2009 à Mme H... C... J..., réunifiante, et de Mme A... D.... Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un acte dressé le 26 juillet 2021 par l'officier d'état civil de la commune de Kasa-Vubu et d'un jugement n°RCG 822/16 du tribunal de paix de Kinshasa/Pont Kasa-Vubu du 15 avril 2019, dont le ministre ne conteste pas l'authenticité, que la mère biologique des enfants est décédée à Kinshasa le 15 février 2008 et que leur père biologique a disparu en Afrique du Sud au cours de l'année 2016. Par ailleurs, les enfants ont été placés sous la tutelle de Mme H... C... J... par un jugement n°RC 3653/I du tribunal pour enfant I..., l'intéressée ayant par ailleurs toujours contribué à leur entretien et à leur éducation depuis son union avec le père des enfants, y compris après sa disparition. Dans ces circonstances, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur la seule circonstance que les demandes de visas ne comportaient ni jugement de délégation de l'autorité parentale au bénéfice exclusif de Mme C... J..., ni autorisation de sortie du territoire. Par suite, la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut être accueillie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 janvier 2021 et a enjoint au ministre de délivrer les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme H... C... J... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Lejosne dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Lejosne une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C... J..., à M. F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juillet 2023.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 22NT01631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01631
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LEJOSNE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-25;22nt01631 ?
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