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19/09/2023 | FRANCE | N°21NT01792

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 septembre 2023, 21NT01792


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de perception d'un montant de 9 048 euros émis à son encontre le 19 avril 2017 par le directeur général des finances publiques.

Par un jugement n° 1801858 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Bourdon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2

021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 9 04...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de perception d'un montant de 9 048 euros émis à son encontre le 19 avril 2017 par le directeur général des finances publiques.

Par un jugement n° 1801858 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Bourdon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 9 048 euros émis à son encontre le 19 avril 2017 par le directeur général des finances publiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le comptable public était incompétent pour signer le titre contesté valant état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement ; d'une part, l'émission du titre de perception a été effectuée, ainsi que l'atteste le courriel qui lui a été adressé, à la demande d'un comptable appartenant à la Direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger ; la décision d'émettre un titre de perception n'émane pas ainsi d'un ordonnateur appartenant au ministère de l'Europe et des affaires étrangères ce qui entache d'incompétence le titre contesté ; d'autre part, il n'est pas démontré que le signataire du titre de perception avait l'habilitation pour signer les titres de perception pour le programme n°151 ; le directeur spécialisé des finances publiques pour l'étranger n'a pas d'habilitation pour recevoir les crédits du programme n°151 auquel est affecté l'ordre de paiement ; enfin, c'est à tort que le tribunal a considéré que sa demande de remboursement ne faisait pas grief alors que la décision contestée lui est nécessairement préjudiciable ; il disposait d'un arrêté d'affectation à Londres et il avait obtenu l'autorisation d'intégrer son poste de façon anticipée ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la somme de 9 048 euros n'est pas une somme qu'il aurait indûment perçue alors qu'il a reçu son arrêté d'affectation le 3 juin 2016, qu'il s'est vu attribuer un logement et que lui a été communiquée une attestation faisant apparaître ses nouveaux émoluments ;

- le refus le 3 janvier 2018 de l'administration de lui payer son avance pour transfert au Gabon à partir du 1er août au motif d'une " compensation légale " avec la somme en litige de 9 048 euros est entachée d'illégalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2023, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et s'en rapporte aux observations présentées en première instance par la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint administratif de chancellerie, a été affecté, par un arrêté du 3 juin 2016, au consulat général de France à Londres en qualité d'intendant et de gestionnaire administratif. Il s'est vu, à ce titre, verser le 8 juin 2016 une avance sur émoluments d'un montant de 9 048 euros, en application des dispositions de l'article 32 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger. Toutefois, par un arrêté du 6 septembre 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a abrogé l'arrêté du 3 juin 2016 portant affectation M. A... à Londres. Le 19 avril 2017, le contrôleur des finances publiques, pour l'ordonnateur et par délégation, a émis à son encontre un état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement - titre de perception d'un montant de 9 048 euros.

2. M. A... a, le 27 février 2018, saisi le tribunal administratif de Nantes, d'une demande tendant à l'annulation de ce titre et à la décharge de la somme réclamée. Il relève appel du jugement du 27 avril 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur la demande de décharge :

3. En premier lieu, M. A... soutient, tout d'abord, que la décision d'émettre le titre de perception litigieux n'émanerait pas d'un ordonnateur appartenant au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il ne saurait toutefois à cet égard se référer au courrier du 9 décembre 2016 que lui a adressé le comptable de la Direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger lui demandant remboursement de la somme de 9 048 euros, ce courrier, signé au demeurant, ainsi qu'il est justifié, par un agent titulaire d'une délégation spéciale à l'effet de signer " les ordres de paiement émanant du centre informatique ", constituant une simple mesure préparatoire à l'émission du titre de perception contesté. Ce courrier demeure, en conséquence, sans incidence sur la légalité de ce titre émis le 19 avril 2017. Par ailleurs, la compétence du signataire du titre de perception en litige est également justifiée par les pièces du dossier. Il ressort en particulier des décisions portant, d'une part, délégations générales et spéciales de la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger - DSFIPE - du 8 mars 2016 que délégation de signature est donnée à M. B..., administrateur des finances publiques à l'effet de signer (...) " tous les actes se traduisant par l'ordonnancement des dépenses ou de recettes se rapportant au fonctionnement de la DSFIPE ainsi que l'ordonnancement de toute recette se rapportant aux attributions et activités de cette direction ", et que, d'autre part, délégation est également donnée par la préfète de la Loire-Atlantique, ordonnateur secondaire des administrations civiles de l'Etat, en date du 6 mars 2017 à M. B..., lequel peut donner délégation de signature aux agents placés sous son autorité, ce qui est le cas du signataire du titre de perception litigieux. Dès lors que l'opération en cause est relative à un compte d'avance géré, par le directeur de finances publiques pour l'étranger, en exécution d'une convention de gestion conclue entre le ministère des affaires étrangères et celui des finances, le signataire de la décision attaquée a agi en qualité de délégataire de l'ordonnateur secondaire et non du comptable public. Le moyen sera écarté dans toutes ses branches.

4. M. A... soutient, ensuite, qu'il n'est pas justifié que l'auteur du titre de perception contesté avait l'habilitation pour signer " les titres de perception pour le programme n°151 auquel serait rattaché " l'ordre de paiement " en cause. Toutefois, d'une part, il est renvoyé au point 3. s'agissant des actes relatifs à la gestion d'un compte d'avance, prévue par la convention de gestion et les arrêtés précités. D'autre part, il résulte de l'instruction que le titre de perception ou état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement de la somme litigieuse de 9 048 euros, versé aux débats par l'administration en première instance, a été signé pour l'ordonnateur et par délégation par M. D..., contrôleur des finances publiques. Il résulte de la décision de délégation de signature de l'administratrice générale des finances publiques en matière d'ordonnancement secondaire datée du 28 décembre 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de Loire-Atlantique n°115 du 30 décembre 2016, que M. D... a effectivement reçu délégation à l'effet notamment de valider les engagements juridiques, les engagements de tiers et titres de perception et de signer les états récapitulatifs de créances pour le centre de services partagés " bloc 3 " des Pays de la Loire, au vu notamment des conventions de délégation de gestion conclues entre les représentants des administrations déconcentrées des ministères du " bloc 3 ", au nombre desquelles la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger, et le responsable du pôle pilotage et ressource de la direction régionale des finances publiques, en charge du centre de services partagés. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le titre en litige serait entaché d'incompétence.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Une avance, au plus égale au montant des émoluments mensuels à l'étranger, peut être allouée, avant son départ, à tout agent titulaire ayant fait l'objet d'une décision d'affectation à l'étranger. / (...). / Le remboursement de toute avance est effectué au maximum en six retenues égales et consécutives opérées sur les émoluments mensuels de l'intéressé à compter de la fin du second mois qui suit celui de l'arrivée au poste. ".

6. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".

7. Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil. D'autre part, sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances comme celle qui est en litige pour le montant de 9 048 euros.

8. En l'espèce, M. A... a perçu le 8 juin 2016, ainsi qu'il a été dit au point 1, une avance sur émoluments au titre de son affectation à Londres, en application des dispositions de l'article 32 du décret du 28 mars 1967 citées au point 4. L'arrêté du 3 juin 2016 portant affectation de M. A... à Londres ayant été abrogé par un arrêté du 6 septembre 2016, la condition de cette avance ne s'est finalement pas réalisée, de sorte qu'elle doit être regardée comme ayant été indûment versée. Ni la circonstance que la cause du caractère indu de cette avance a été postérieure à son versement, ni celle, invoquée par M. A..., que l'arrêté du 3 juin 2016 l'affectant à Londres a été abrogé et non retiré ne créent de droits acquis pour le requérant. L'administration était ainsi fondée à émettre le titre de perception litigieux dans le délai de deux ans prévu par les dispositions précitées de l'article 37-1 du 12 avril 2000, de sorte que le moyen tiré de ce que l'avance sur émoluments ne pouvait être réclamée à M. A... doit être écarté.

9. En troisième et dernier lieu, la circonstance que l'administration aurait refusé de verser à M. A... l'avance à laquelle il prétend au titre de son affectation au Gabon est sans influence sur la légalité du titre de perception en litige, de sorte que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut être utilement invoqué et doit être écarté pour ce motif.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge du paiement de la somme de 9 048 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement à de la somme que M. A... demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre chargé des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

O.COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre chargé des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01792
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET BOURDON et FORESTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-19;21nt01792 ?
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