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29/09/2023 | FRANCE | N°22NT00987

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 septembre 2023, 22NT00987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de déclarer l'inexistence matérielle d'une délibération du conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne portant cession de leur immeuble préempté à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et l'inexistence juridique de la décision du 9 janvier 2008 du bureau du conseil communautaire de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres autorisant l'acquisition de cet immeuble et de leur enjoindre, à défaut de résolut

ion amiable, de saisir le juge du contrat afin qu'il en tire les conséquence...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de déclarer l'inexistence matérielle d'une délibération du conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne portant cession de leur immeuble préempté à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et l'inexistence juridique de la décision du 9 janvier 2008 du bureau du conseil communautaire de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres autorisant l'acquisition de cet immeuble et de leur enjoindre, à défaut de résolution amiable, de saisir le juge du contrat afin qu'il en tire les conséquences.

Par une ordonnance n° 2201963 du 7 mars 2022, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, M. C... et Mme E..., représentés par Me Plateaux, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 7 mars 2022 ;

2°) de déclarer l'inexistence matérielle de la délibération du conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne portant cession de leur immeuble préempté à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et l'inexistence juridique de la décision du 9 janvier 2008 du bureau du conseil communautaire de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres autorisant l'acquisition de cet immeuble ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vigneux-de-Bretagne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement au titre de la première instance et de l'appel.

Ils soutiennent que :

- le premier juge a méconnu les articles R. 412-1 et R.421-1 du code de justice administrative car le recours en déclaration d'inexistence matérielle n'implique pas la production de la décision litigieuse et faute de s'être assuré de l'impossibilité objective de produire une copie de ladite décision ;

- les éléments apportés impliquaient de poursuivre l'instruction et excluaient le recours à l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- du fait de son inexistence, la délibération litigieuse ne peut qu'être considérée comme nulle et non avenue ;

- le retrait de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres (CCEG), au cours de l'exécution de la décision de préemption, n'était pas possible ;

- la circonstance retenue par le premier juge au point 6 de l'ordonnance contestée est inopérante, au regard de son office, dans le cadre d'un recours en interprétation ;

- l'inexistence de la cession, par la commune venderesse, induit l'inexistence de l'acquisition, par la CCEG acquéreure, compte tenu de la théorie de l'indivisibilité entre des actes interdépendants ;

- les motifs tenant à la possibilité pour le bureau de la CCEG d'autoriser l'acquisition du bien préempté, en l'absence d'une autorisation préalable de cession, de la part de l'organe délibérant de la commune, sont infondés dès lors que la cession par la commune à la CCEG reste soumise notamment à l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, en l'absence de base légale spécifique au sein du code de l'urbanisme ;

- l'existence matérielle de la délibération litigieuse n'est pas établie.

Par une ordonnance du 21 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 décembre 2022.

Un mémoire produit pour la commune de Vigneux-de-Bretagne a été enregistré le 5 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Wistan Plateaux, substituant Me Antoine Plateaux, pour M. C... et Mme E..., et de Me Auriau, pour la commune de Vigneux-de-Bretagne.

Une note en délibéré, présentée pour M. C... et Mme E..., a été enregistrée le 13 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) déposée en mairie le 9 octobre 2007, par une délibération du 9 novembre 2007 le conseil municipal de Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique) a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur une propriété bâtie située 5 rue Anne de Bretagne au lieu-dit La Pâquelais, cadastrée section D nos 1425, 1514, 1520 et 1522, d'une superficie totale de 6 312 m² appartenant à Mme G... C..., pour un prix de 160 000 euros. Aux termes de cette délibération la préemption avait pour objet de constituer une réserve foncière en vue de développer l'offre de logements sociaux locatifs ou en accession dans le cadre de la mise en œuvre du programme local de l'habitat intercommunal de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et son article 4 précisait que " L'objet de la présente préemption entrant dans le champ d'application du PLH d'Erdre et Gesvres, et notamment de l'action 1.2 du document d'orientation générale qui vise à aider la création de réserves foncières pour la réalisation de futures opérations d'aménagement en matière d'habitat, la communauté de communes d'Erdre et Gesvres pourra se substituer à la commune au moment de la signature de l'acte notarié, dans le cadre du programme d'actions foncières du PLH. ". Par une lettre du 13 novembre 2007 le maire de Vigneux-de-Bretagne a d'ailleurs demandé au président de la communauté de communes si celle-ci entendait se substituer à la commune dans l'exercice de la préemption, puis par une délibération du 9 janvier 2008 le bureau du conseil communautaire a décidé l'acquisition par la communauté de communes de la propriété en cause " en vue de constituer une réserve foncière conforme à l'action 1.2 du PLH de la CCEG, les frais d'actes étant à la charge de la collectivité ". Toutefois les vendeurs de cette propriété ont refusé de signer l'acte de vente, même après une sommation par acte d'huissier du 7 décembre 2010, et ont fait appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 novembre 2010 rejetant leur demande d'annulation de la délibération du conseil municipal du 9 novembre 2007, confirmé par un arrêt de la cour du 16 novembre 2012 et par la décision de non admission du pourvoi en cassation prise par le Conseil d'Etat le 19 juin 2013. Par un jugement du 19 novembre 2015 le tribunal de grande instance (TGI) de Nantes a prononcé la vente par voie judiciaire faute pour les ayant droits des vendeurs, messieurs Paul et A... C... et Mme F... D..., d'accepter de signer l'acte. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 21 mars 2017, lui-même devenu définitif en raison du rejet du pourvoi par arrêt de la cour de cassation du 30 janvier 2019. Par une lettre du 27 janvier 2022, le maire de Vigneux-de-Bretagne a mis en demeure M. A... C... de quitter les lieux en lui rappelant que la vente avait été judiciairement prononcée et considérée comme parfaite depuis le 12 novembre 2007. Par l'ordonnance du 9 mars 2022 attaquée, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... et Mme E... de déclaration d'inexistence, d'une part, d'une délibération du conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne portant cession à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres (CCEG) de leur immeuble préempté et, d'autre part, de la décision du 9 janvier 2008 du bureau du conseil communautaire de la CCEG autorisant l'acquisition de cet immeuble.

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), les premiers vice-présidents des tribunaux (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ".

3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 de ce code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée en ce qui concerne une délibération du conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne décidant la cession du bien préempté à la communauté de communes :

4. D'une part, aucune disposition législative ou règlementaire n'exonère le recours en déclaration d'inexistence, qui se rattache en principe au contentieux de l'excès de pouvoir, des conditions de recevabilité fixées aux articles R. 412-1 et R. 421-1 du code de justice administrative. D'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, comme le prétendent M. C... et Mme E..., le conseil municipal de la commune de Vigneux-de-Bretagne aurait cédé leur immeuble, acquis par préemption, à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres. Il ressort uniquement des pièces du dossier que la communauté de communes d'Erdre et Gesvres était habilitée à se substituer à la commune de Vigneux-de-Bretagne lors de la signature de l'acte authentique et, de la page 6 de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 21 mars 2017, que la vente des biens a été consentie à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, ce qui infirme manifestement la thèse des requérants selon laquelle une cession de l'immeuble par la commune à l'établissement public de coopération intercommunale serait intervenue. Dans ces conditions, après avoir mis en demeure M. C... et Mme E... de produire une copie de l'acte attaqué, c'est à bon droit que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a pu considérer que, faute d'une telle production et en l'absence de justification sérieuse de l'impossibilité de se procurer copie du prétendu acte attaqué, la demande des requérants était irrecevable, par application des articles R. 412-1 et R. 421-1 du code de justice administrative. Pour le même motif, M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait dû demander à l'administration une telle pièce.

5. En tout état de cause, le premier juge a également retenu que " Les conclusions de la requête tendant à ce que le tribunal déclare l'inexistence ainsi alléguée constituent en réalité des conclusions en déclaration de droits qui, en l'absence de renvoi préjudiciel de l'autorité judiciaire, sont manifestement irrecevables. " et justifié ainsi le rejet de la demande de première instance par une ordonnance prise en application de l'article R. 222-1 précité.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée en ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soit déclarée juridiquement inexistante la décision du 9 janvier 2008 du bureau du conseil communautaire de la CCEG :

6. M. C... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir qu'en jugeant qu'était inopérante la circonstance invoquée que la CCEG n'aurait pas été propriétaire de l'immeuble litigieux, à trois dates postérieures à celle du 9 janvier 2008 de l'acte litigieux, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes aurait lui-même avancé un motif inopérant et " méconnu son office dans le cadre d'un recours en interprétation ", dès lors que ce moyen est sans influence sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée au regard des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précitées sur lesquelles il s'est fondé pour rejeter leur demande. Par ailleurs, la circonstance que le point 7 de l'ordonnance mentionne une décision " du 9 janvier 2018 ", bien que regrettable, n'est qu'une erreur matérielle qui n'est pas de nature à entacher le bien-fondé de cette ordonnance dès lors que celle-ci se prononce par ailleurs explicitement sur la décision du 9 janvier 2008.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision du 9 janvier 2018 ne peut être regardée comme inexistante du fait de l'inexistence matérielle d'une décision de la commune de Vigneux-de-Bretagne de céder le bien préempté à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres.

8. M. C... et Mme E... ne soulevant aucun autre moyen opérant pour remettre en cause les motifs retenus par le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes au regard des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précitées, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Vigneux-de-Bretagne, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. C... et Mme E... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., Mme B... E..., à la commune de Vigneux-de-Bretagne et à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00987
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL PUBLI-JURIS;SELARL PUBLI-JURIS;REVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;22nt00987 ?
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