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29/09/2023 | FRANCE | N°23NT00476

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 septembre 2023, 23NT00476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet de la Manche du 26 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2300198 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, M. B... A..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet de la Manche du 26 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2300198 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, M. B... A..., représenté par Me Alouani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 février 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2023 du préfet de la Manche portant, pour le premier, obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays du pays de destination et, pour le second, assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trois mois à compter de cette même date, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de départ volontaire doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour en France doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 9 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2023.

Des pièces, enregistrées le 13 septembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'ont pas été communiquées.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellouch,

- et les observations de Me Gouedo, substituant Me Alouani, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 1er avril 1992, est entré en France en 2015 muni d'un visa de court séjour touristique au-delà de la durée de validité duquel il s'est maintenu irrégulièrement. Par arrêté du 29 mars 2018, le préfet du Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 3 juin 2022, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 26 janvier 2023, rejetant implicitement sa demande, le préfet de la Manche l'a obligé à quitter le territoire sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et lui a interdit le retour en France pendant une durée d'une année. Par arrêté du même jour, ce même préfet l'a assigné à résidence dans le département. M. A... relève appel du jugement du 3 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

2. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation, que l'intéressé reprend en appel sans apporter d'élément nouveau, peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que s'il fait valoir une présence en France depuis 2015, soit plus de sept ans avant l'intervention de l'arrêté litigieux, M. A... a déjà fait l'objet, le 29 mars 2018, d'une première mesure d'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet de Maine-et-Loire et n'a pas exécuté cette décision. La vie commune dont il se prévaut avec une ressortissante française depuis septembre 2020 avec laquelle il a souscrit un pacte civil de solidarité le 7 septembre 2021, un an et quelques mois avant la mesure d'éloignement litigieuse, est très récente à la date de l'arrêté en litige. Le suivi gynécologique du couple dans le cadre de leur projet d'enfant au CHU de Caen a débuté le 1er janvier 2023, quelques semaines seulement avant la mesure d'éloignement contestée. Si le requérant fait en outre valoir la pathologie grave dont est atteinte sa partenaire, son handicap et le soutien qu'il lui apporte au quotidien, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit d'une pathologie ancienne dont sa compagne est atteinte depuis l'âge de huit ans et le requérant ne produit pas d'élément pour établir qu'elle aurait besoin de son assistance. Il ressort enfin du procès-verbal d'audition que la mère et les frère et sœur de M. A... vivent au Maroc, son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à ses vingt-trois ans. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. A....

Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

5. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Selon l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement par arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 29 mars 2018 et que le requérant s'est maintenu en France à l'expiration du délai de départ volontaire de trente jours qui lui avait été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Dès lors, et en dépit des garanties de représentation dont l'intéressé se prévaut, le préfet de la Manche a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant cette fois-ci de lui accorder un délai de départ volontaire au motif qu'il existait un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement litigieuse.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

Sur l'interdiction de retour en France :

9. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour en France doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

10. Il ressort des motifs de l'arrêté litigieux que le préfet de la Manche a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de décider de lui interdire le retour en France pendant un an. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation doit dès lors être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

12. La circonstance que la partenaire civile de M. A..., ressortissante française, soit reconnue handicapée à hauteur de 80% consécutivement à une maladie dont elle est atteinte de longue date, bien avant sa rencontre en 2020 avec M. A..., et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait besoin de l'assistance de son compagnon pour palier son handicap, n'est pas de nature à caractériser des circonstances humanitaires permettant seules au préfet de ne pas assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour en France, lorsque comme en l'espèce aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger.

Sur l'assignation à résidence :

13. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

14. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 732-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... reprend en appel sans apporter le moindre élément nouveau ni critiquer la réponse apportée par le jugement attaqué, peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00476
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SEL ABDEL ALOUANI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-29;23nt00476 ?
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