La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2023 | FRANCE | N°22NT01202

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 03 octobre 2023, 22NT01202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande regardée comme tendant à " la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité ", d'autre part, de dire que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande - est imputable au service, enfin de mettr

e à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par l'effet de la loi du 13 juillet 2018, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande regardée comme tendant à " la révision pour aggravation de sa pension militaire d'invalidité ", d'autre part, de dire que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande - est imputable au service, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1905896 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2022, M. B..., représenté par Me Quinquis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 26 février 2019 de la ministre des armées ;

3°) de dire qu'il a droit à une pension militaire d'invalidité au titre de ses épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle, distincte des plaques pleurales, qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; tous les éléments médicaux versés aux débats confirme ce diagnostic ; on ne saurait rattacher la gêne pulmonaire due aux épaississements pleuraux, qui sont caractérisés par un syndrome " restrictif ", à une broncho pneumopathie post tabagique laquelle entraine un trouble ventilatoire obstructif ;

- son exposition au risque amiante est incontestable et les épaississements pleuraux dont il est atteint sont en lien direct et certain avec cette exposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le ministre des armées, qui se réfère à l'avis du médecin émis le 11 juillet 2023, laisse le soin à la cour de préciser si M. B... peut bénéficier d'une pension pour l'infirmité " Insuffisance respiratoire mixte. Taux global de 40%. Taux non imputable : 30% lié à la bronchopneumopathie chronique post tabagique. Taux imputable : 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui est né le 13 août 1953, a effectué sa carrière militaire dans la marine nationale du 1er octobre 1972 à 1979 puis de 1981 au 1er mai 1992, date de radiation des contrôles. Il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 30% à titre définitif qui lui a été concédée par un arrêté du 5 septembre 2016, pour l'infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", maladie résultant d'une exposition professionnelle à l'amiante constatée le 5 avril 2006. Il a présenté, le 6 novembre 2017, une demande de pension d'invalidité pour infirmité nouvelle au titre d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande, demande réceptionnée par la direction des pensions le 15 novembre 2017. Par une décision du 26 février 2019, la ministre des armées a rejeté cette demande aux motifs " que cette pathologie n'était qu'une conséquence de sa première maladie et qu'aucune aggravation de l'infirmité n'avait été constatée après expertise médicale réglementaire ".

Sur la légalité de la décision du 26 février 2019 :

2. M. B... a, le 7 août 2019, contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Rennes, qui a transféré sa requête au tribunal administratif de Rennes, devenu compétent par détermination de la loi. Il relève appel du jugement du 21 février 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 26 février 2019 et sollicite que l'infirmité diagnostiquée - épaississements pleuraux - soit déclarée comme une maladie nouvelle et reconnue imputable au service.

3. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " .

4. M B... soutient, comme en première instance, que la maladie dont il souffre - épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif - est une maladie nouvelle distincte des plaques pleurales et qui doit être reconnue imputable au service en application des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que M. B... est atteint de plaques pleurales bilatérales calcifiées au titre desquelles il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 11 juin 2007, au taux définitif de 30%. Il est également atteint d'une broncho pneumopathie obstructive post tabagique, ainsi que le rappelle d'ailleurs le requérant, infirmité évaluée à 10% et non imputable au service en l'absence de relation médicale certaine, directe et déterminante avec l'autre infirmité imputable, maladie qui a fait l'objet d'une décision de rejet de demande de pension militaire d'invalidité le 12 novembre 2013 et qui n'est pas contestée par l'intéressé. D'autre part, l'expert après avoir relevé, dans son rapport en date du 4 octobre 2018, que " le contrôle fonctionnel respiratoire [de M. B...] s'était dégradé " a conclu à une " majoration du syndrome interstitiel et des plaques pleurales entrainant une majoration de l'obstruction bronchique ". Par ailleurs, au vu de ces conclusions et de la demande présentée à son administration par M. B..., confirmée d'ailleurs dans la requête visée ci-dessus, le médecin, conseiller technique auprès du ministère, saisi par l'administration, a, dans son avis du 11 juillet 2023, retenant " une insuffisance respiratoire mixte ", confirmé la majoration de l'obstruction respiratoire et a alors proposé de reconnaître une infirmité nouvelle. Il a indiqué que " le taux global de cette infirmité pouvait être estimé à 40% ", étant alors précisé que " 30% se rattachait à la bronchopneumopathie chronique post tabagique et que les 10% restant était lié au syndrome restrictif en lien avec les épaississements pleuraux et l'atélectasie secondaire à l'exposition à l'amiante ". Sur la base de ces dernières constatations médicales, qui ne sont pas contestées par l'administration, il y a lieu de retenir une infirmité nouvelle " insuffisance respiratoire mixte ". Il s'ensuit que M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant, par la décision contestée du 26 février 2019, de reconnaitre cette nouvelle infirmité et en rejetant sa demande, que l'administration a au demeurant à tort comprise comme une demande d'aggravation de son infirmité " plaque pleurales bilatérales calcifiées ", la ministre des armées a commis une illégalité.

Sur le droit de M. B... à obtenir une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité nouvelle :

6. Aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : (...) 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : a) 30 % en cas d'infirmité unique ; / b) 40 % en cas d'infirmités multiples. ". Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, l'infirmité nouvelle résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande " a été évaluée à un taux de 10%, soit un pourcentage inférieur au taux minimum requis par l'article L. 121-5 du code précité pour ouvrir droit à pension militaire d'invalidité au titre d'une infirmité.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est, d'une part, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 février 2019, entachée d'illégalité, refusant de reconnaitre comme une infirmité nouvelle sa maladie résultant de l'existence " d'épaississements pleuraux bilatéraux avec syndrome restrictif et atélectasie en bande ", et d'autre part, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le même jugement, sa demande de pension a été rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905896 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Rennes et la décision du ministre des armées du 26 février 2019 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentées par M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT01202 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01202
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-03;22nt01202 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award