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20/10/2023 | FRANCE | N°22NT01104

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 octobre 2023, 22NT01104


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 10 avril 2020 par lequel le maire de la commune de Deauville a délivré à la SCI FI Deauville un permis de construire ainsi que la décision du 11 septembre 2020 portant rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2002210 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10

avril et 17 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Dangela, puis par Me Forgar, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 10 avril 2020 par lequel le maire de la commune de Deauville a délivré à la SCI FI Deauville un permis de construire ainsi que la décision du 11 septembre 2020 portant rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2002210 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril et 17 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Dangela, puis par Me Forgar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2020 du maire de Deauville ainsi que la décision du 11 septembre 2020 portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge respective de la commune de Deauville et de la SCI FI Deauville les sommes de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance ; les délais de recours contentieux n'ont pas couru en l'absence d'un affichage régulier sur le terrain d'assiette du permis de construire et, en tout état de cause, la demande de première instance, expédiée le 23 juillet 2020, avant l'expiration du délai de recours, a prorogé les délais de recours ;

- c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'avait pas intérêt pour agir contre le permis ; elle a la qualité de voisin immédiat du projet ; à vol d'oiseau, sa maison se situe à moins de 20 mètres du projet ; compte tenu de sa hauteur (11 m) le projet est de nature à préjudicier à la vue et à l'ensoleillement de la façade arrière de sa maison ; les terrasses prévues sur les toitures engendreront des nuisances sonores ;

- le dossier de permis de construire n'est pas complet ; la localisation du projet n'est pas complète, le document PC 30 fait défaut, la notice architecturale n'est pas complète, le plan de masse n'est pas complet, les documents graphiques et photos de la notice architecturale ne permettent pas d'apprécier l'insertion paysagère du projet, il manque les documents PC 10-1, PC 26, PC 31 et PC 41, le tableau de surface est erroné, les documents PC 28, PC 29, et PC29-1 exigibles pour les lotissements n'ont pas été produits ; les conventions de cours communes n'ont pas été jointes ; ces lacunes ont faussé l'appréciation des services instructeurs ;

- les constructions projetées portent une atteinte visible à l'environnement et méconnaissent l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- l'abattage des trois érables centenaires n'a pas été soumis à l'avis préalable de l'architecte des bâtiments de France (ABF) en méconnaissance de l'article L. 642-6 du code du patrimoine ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 5.4 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP);

- il méconnaît les prescriptions de l'article UT12 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) ;

- l'implantation des souches de cheminées en façade méconnaît l'article UT11.2.2 du règlement du PLUI ;

- la réalisation de décrochements de façade est contraire à l'article UT7 du règlement du PLUI ;

- aucun local de collecte des ordures ménagères, n'a été prévu, en méconnaissance de l'article UT4.3 du règlement du PLUI.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2022, la SCI FI Deauville, représentée par Me Durand, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait application des dispositions des articles L. 600-5-1 ou L. 600-5 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était manifestement irrecevable, car introduite tardivement, par une personne dépourvue d'intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2022, la commune de Deauville, représentée par Me Duteil, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait application des dispositions des articles L. 600-5-1 ou L. 600-5 du code de l'urbanisme et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était manifestement irrecevable, car introduite tardivement, par une personne dépourvue d'intérêt pour agir ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été prononcée le 16 novembre 2022, par une ordonnance du même jour sur le fondement des articles R. 611-11-1, R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté pour Mme B..., a été enregistré le 17 novembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Benaim, substituant Me Forgar, représentant Mme B..., de Me Roche, substituant Me Duteil, représentant la commune de Deauville, et de Me Marot, substituant Me Durand, représentant la SCI FI Deauville.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 avril 2020, le maire de Deauville a délivré à la SCI FI Deauville un permis de construire valant division, pour la réalisation de cinq maisons individuelles, avec cinq places de stationnement et un commerce, d'une surface totale de plancher créée de 850 m², situés 14 rue Thiers, sur les parcelles cadastrées section 220 AI 446, 447, 448 et 808 en zone UT du plan local d'urbanisme intercommunal de la Côte fleurie. Par une décision du 11 septembre 2020, le maire de Deauville a rejeté le recours formé par Mme B..., propriétaire d'une maison voisine du terrain d'assiette du projet. Par un jugement du 25 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2020 ainsi que de la décision du 11 septembre 2020 portant rejet de son recours gracieux. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ".

3. Il ressort des procès-verbaux de constat d'huissier de justice produits par la commune de Deauville que l'affichage du permis de construire contesté a été effectué pendant une période continue de deux mois, du 25 mai au 27 juillet 2020, en sorte que le délai de recours contentieux contre ce permis a couru à compter du 25 mai 2020. Le délai n'ayant pas commencé à courir avant le 23 mai 2020, terme du délai prévu au I. de l'article 1 er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, les dispositions du 2ème alinéa de l'article 12 bis de cette même ordonnance ne trouvent pas à s'appliquer. Le terme du délai de deux mois ouvert aux tiers pour contester le permis litigieux intervenait ainsi le lundi 27 juillet 2020 à minuit, le 26 juillet étant un dimanche. Il ressort de l'avis de réception du courrier, produit par la commune, que le recours gracieux de Mme B... n'a été reçu par l'administration que le 28 juillet 2020, après l'expiration du délai de recours contentieux. Toutefois, il ressort du cachet de la poste apposé sur le pli que le recours gracieux a été expédié le 23 juillet, soit quatre jours calendaires avant l'expiration du délai de recours contentieux, dont trois jours ouvrés. En l'absence de circonstances particulières propres à la période, de nature à rendre prévisible un allongement de la durée d'acheminement du courrier, ce recours gracieux doit être regardé comme envoyé en temps utile pour qu'il parvienne à l'administration avant l'expiration du délai de recours contentieux et comme ayant ainsi interrompu ce délai. Ce dernier n'a couru à nouveau qu'à compter du 15 septembre 2020, date à laquelle le rejet du recours gracieux a été notifié à Mme B.... Les délais de recours n'étaient dès lors pas expirés à la date du 12 novembre 2020 à laquelle la demande de première instance de Mme B... contre l'arrêté contesté a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction

6. Il ressort des pièces du dossier que la propriété de Mme B... n'est pas contiguë au terrain d'assiette du projet et qu'elle se situe à une distance d'une vingtaine de mètres de la limite séparative de celui-ci, au-delà d'un bâtiment à usage d'entrepôt accolé à l'arrière de sa maison. Il en résulte que Mme B... ne peut être regardée comme voisine immédiate du projet. Les photographies qu'elle produit ne permettent pas d'établir que les constructions projetées, d'une hauteur ne dépassant pas celle des bâtiments préexistants et voués à être démolis, affecteraient l'ensoleillement de la façade arrière de sa maison ainsi que la vue dont elle jouit à partir des fenêtres qui s'y trouvent. Cependant, les logements litigieux, situés, comme il vient d'être dit, à une vingtaine de mètres de l'habitation de la requérante, présenteront de larges toitures terrasses accessibles à leurs occupants, qui créeront des vues directes et droites sur les fenêtres de la façade arrière de la maison de Mme B... et engendreront, notamment pendant la période estivale, des nuisances sonores, que la plantation projetée de trois pins maritimes dans la cour intérieure, ne suffira pas à contenir. Il en résulte que la construction contestée est de nature à affecter directement les conditions de jouissance du bien de Mme B....

7. Il résulte des points 3 et 6 que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme étant irrecevable au double motif qu'elle était tardive et qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire contesté. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions tendant à l'annulation l'arrêté du 10 avril 2020 et du rejet du recours gracieux :

En ce qui concerne la complétude du dossier de demande de permis :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs, qui comprend son numéro SIRET lorsqu'il s'agit d'une personne morale en bénéficiant et sa date de naissance lorsqu'il s'agit d'une personne physique ; b) L'identité de l'architecte auteur du projet, sauf dans les cas prévus à l'article R.431-2 ; c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; d) La nature des travaux ; e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; f) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; (...) ; l) S'il y a lieu, que les travaux portent sur un projet relevant de l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine. (...) ".

10. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. Il ressort des pièces du dossier que le formulaire de demande de permis précise que le terrain est localisé au n°s 14, 18 et 20, rue Thiers, sans mentionner le n°16, également dans le périmètre du projet. Cependant le formulaire CERFA mentionne en page 9 que le projet concerne la parcelle cadastrée section AI n°447, qui correspond au n°16 ainsi que sa superficie. Dès lors, et compte tenu des autres informations contenues dans le dossier de demande, notamment la superficie cadastrale totale du projet et le plan périmétrique et de division du lot P, la circonstance que le n°16 n'ait pas été mentionné à la rubrique " localisation du terrain " du formulaire CERFA n'a pas été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur sur la localisation et la superficie du terrain d'assiette du projet.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si le projet contesté a donné lieu à une demande séparée de permis de démolir pour un terrain présentant une superficie de 1 686 m², la superficie du terrain d'assiette du projet pour lequel le permis de construire contesté a été sollicité se limite à 1 290 m². Il en résulte que la mention, dans le formulaire de demande de permis, selon laquelle la superficie du terrain d'assiette du projet de construction s'élève à 1 290 m² ne constitue ni une erreur ni une omission.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme : " La surface de plancher de la construction est égale à la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades (...) ".

14. Les toitures terrasses surmontant les maisons individuelles projetées n'ayant pas le caractère d'un niveau clos et couvert, leur superficie n'avait pas à être incluse dans le calcul de la surface de plancher. Le moyen tiré de que la superficie des toitures aurait dû être déclarée dans le dossier de demande de permis comme de la surface de plancher créée doit, par suite, être écarté.

15. En quatrième lieu, le projet contesté se situe dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sans que cette circonstance n'ait été mentionnée dans le formulaire CERFA de demande de permis ni dans la notice architecturale jointe au dossier de demande. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis favorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur le projet contesté mentionne expressément qu'il se situe dans le périmètre d'un tel site, information que le service instructeur, qui a saisi à ce titre l'architecte des bâtiments de France, ne pouvait ignorer. Il en résulte que l'omission invoquée par la requérante n'a pas eu d'incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 431-23 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une zone d'aménagement concerté, la demande est accompagnée : a) Lorsque le terrain a fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, dès lors que le cahier des charges de cession de terrain a été approuvé et publié dans les conditions prévues à l'article D. 311-11-1, d'une copie de celles des dispositions du cahier des charges de cession de terrain qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée ainsi que, si elles existent, de celles des dispositions du cahier des charges qui fixent des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone ; b) Lorsque le terrain n'a pas fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage par l'aménageur de la zone, de la convention prévue par le quatrième alinéa de l'article L. 311-4. ".

17. Il n'est pas contesté que le projet litigieux est situé dans le périmètre d'un lot de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Presqu'île de la Touques ayant fait l'objet d'une cession consentie par l'aménageur, en sorte que la convention visée au b) de l'article R. 431-23 du code de l'urbanisme n'était pas requise, contrairement à ce que soutient la requérante. Il ressort en revanche des pièces produites par la commune qu'à l'appui du dossier de demande de permis, la SCI pétitionnaire a produit un exemplaire complet du cahier des charges de cession du terrain (document PC30), ainsi que les prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales particulières du lot P, terrain d'assiette du projet contesté, conformément aux dispositions du a) de l'article R. 431-23 du même code. Le moyen tiré de ce que les documents prévus par cet article n'auraient pas été joints au dossier de demande doit, par suite, être écarté.

18. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ".

19. Si la notice architecturale jointe au dossier de demande de permis mentionne la plantation de trois pins maritimes, elle n'indique pas expressément que le projet contesté implique d'abattre trois érables de haute tige présents sur le terrain d'assiette du projet, qui n'apparaissent pas davantage sur le plan de masse du projet. Cependant, il ressort des pièces du dossier que ces trois végétaux sont clairement visibles sur les deux vues aériennes du site figurant en page 4 de la notice architecturale et que deux d'entre eux sont représentés sur le plan de situation et de division du lot joint au dossier de demande de permis. En rapprochant les plans et les photographies du dossier, il se déduit sans difficulté que la réalisation du projet implique nécessairement de supprimer du terrain d'assiette tous les éléments existants, y compris les trois arbres litigieux. Dans ces circonstances, le caractère incomplet du plan de masse et de la notice architecturale du projet, au regard des informations devant y figurer, s'agissant des végétaux supprimés, en application des articles R. 431-8 et R. 431-9 précités du code de l'urbanisme, n'a pas faussé l'appréciation portée par le service instructeur sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

20. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, l'architecte des bâtiments de France, qui a été consulté sur la demande de permis de construire, ne pouvait pas ignorer l'existence des arbres à abattre et n'a pu, à la lecture du dossier qui lui était soumis, qu'en déduire que les végétaux étaient voués à être supprimés et remplacés par trois grands résineux de haute taille. Dans ces circonstances, l'appréciation qu'il a portée en émettant son avis favorable du 14 février 2020 n'a pas été faussée sur ce point et l'avis favorable qu'il a émis sur le projet doit être regardé comme portant également sur l'abattage des trois arbres. Le moyen tiré de ce que ce point n'aurait pas été soumis à l'avis de l'architecte des bâtiments de France manque en fait et doit, par suite, être écarté.

21. En huitième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ". Par ailleurs, les prescriptions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine annexé au plan local de l'urbanisme intercommunal, prévoient pour le secteur " des bassins " que : " Les constructions nouvelles devront respecter le site et créer un lien avec le patrimoine urbain et architectural de ce secteur. / L'ordonnancement des constructions et les plans de masse ou de lotissement doivent s'inscrire dans une démarche raisonnée d'urbanisation et faire l'objet d'une étude particulière d'insertion paysagère. "

22. Il ressort des pièces du dossier que la notice architecturale jointe à la demande de permis comporte plusieurs photographies des façades des bâtiments présents dans l'environnement immédiat du terrain d'assiette du projet. Elle précise que le lot D, qui se situe " sur le même trottoir que le projet ", présente une façade remarquable constituée de briques rouges et de modénatures en pierre, destinée à être restaurée. La notice contient également plusieurs vues simulant l'insertion des constructions projetées par rapport aux constructions et paysages avoisinants et indique que les matériaux choisis, peu nombreux pour respecter l'unité architecturale de l'ensemble, seront la brique, le verre et le métal, en référence notamment au bâtiment du lot D, afin de marquer la continuité historique de la ville et du nouveau quartier. Le dossier de demande contenait également, contrairement à ce que soutient la requérante, des documents graphiques d'insertion du projet (PC6) représentant des vues depuis les rues Thiers et de la Tolca illustrant, sous trois angles différents, l'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles par rapport aux constructions ou paysages avoisinants. Ces documents démontrent que le projet a donné lieu à une étude particulière d'insertion paysagère, conformément aux prescriptions du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de Deauville qui n'imposent pas, au demeurant, que cette étude prenne la forme d'un document distinct. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que cette étude n'a pas été réalisée et de ce que le contenu de la notice et des documents graphiques du dossier ne permettait pas d'apprécier les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement manquent en fait et doivent, par suite, être écartés.

23. En neuvième lieu, le projet objet du permis contesté ne porte pas sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération immobilière, ni sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ou situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords d'un monument historique. La requérante ne peut donc utilement invoquer à l'encontre du permis contesté les dispositions de l'article R. 431-14 qui prévoient que, dans ces hypothèses, la notice architecturale doit indiquer les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. Le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues ne peut, par suite, qu'être écarté.

24. En dixième lieu, il ressort des pièces du dossier que le permis de démolir les bâtiments existants sur le terrain d'assiette du projet a été délivré avant même le dépôt de la demande de permis de construire, par un arrêté du 19 décembre 2019. Dans ces circonstances, Mme B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431- 21 du code de l'urbanisme qui imposent, lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, soit de joindre la justification du dépôt de la demande de permis de démolir au dossier de demande de permis de construire, soit de présenter une demande portant à la fois sur la démolition et sur la construction. Le moyen tiré de ce que ces dispositions auraient été méconnues ne peut, par suite, qu'être écarté.

25. En onzième lieu, aux termes de l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. /Les mêmes servitudes peuvent être instituées en l'absence de document d'urbanisme ou de mention explicite dans le document d'urbanisme applicable ". Aux termes de l'article R. 431-32 du même code : " Lorsque l'édification des constructions est subordonnée, pour l'application des dispositions relatives à l'urbanisme, à l'institution sur des terrains voisins d'une servitude dite de cours communes, la demande est accompagnée des contrats ou décisions judiciaires relatifs à l'institution de ces servitudes ".

26. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'institution d'une servitude de cours communes est requise pour l'édification d'une construction, le permis de construire autorisant cette construction ne peut être délivré par l'autorité administrative sans qu'aient été fournis par le pétitionnaire, dans le cadre de sa demande, les documents justifiant de ce qu'une telle servitude sera instituée lors de l'édification de la construction projetée. Ces dispositions n'imposent pas que la servitude ait été établie et soit entrée en vigueur avant que le permis de construire ne soit délivré.

27. Mme B... soutient que les toitures terrasses surmontant les cinq logements projetés sont contiguës et ne peuvent être séparées de pare-vue, compte tenu du gabarit des bâtiments imposé par le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), et qu'elles créent ainsi des vues droites entre des fonds voisins, sans respecter la distance minimale d'1,90 mètre prévue par l'article 678 du code civil, imposant dès lors la conclusion de conventions de renonciation à cette servitude qui, selon elle, auraient dû être jointes au dossier de permis. Cependant, la servitude légale instituée par l'article 678 du code civil régit les rapports entre propriétés contiguës, en sorte qu'elle ne peut utilement être invoquée à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme, qui ainsi que le rappellent les dispositions de l'article A. 424-8 du code de l'urbanisme, est délivrée sous réserve du droit des tiers. Cette servitude, sans lien avec les distances qui doivent séparer les constructions en application des dispositions d'urbanisme, n'a pas le caractère d'une servitude dite de cours communes au sens et pour l'application des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Par suite, les conventions par lesquelles il est convenu d'y renoncer ne sont pas au nombre de celles prévues à l'article R. 431-32 de ce code qui doivent être jointes au dossier d'une demande de permis de construire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées de cet article et de celles de l'article 678 du code civil ne peut, dès lors, qu'être écarté.

28. En douzième lieu, l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme définit le lotissement comme " la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". Aux termes de l'article L. 442-1-1 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat énumère les divisions en vue de construire qui, en fonction de leur objet particulier ou par suite de leur contrôle au titre d'une autre procédure, ne sont pas Constitutives d'un lotissement au sens de l'article L. 442-1. ". Aux terme de l'article R. 442-1 du même code : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : (...) d) Les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 (...) ". L'article R. 431-24 du même code prévoit que : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës, doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d'une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs à moins que l'ensemble soit soumis au statut de la copropriété ou que le demandeur justifie de la conclusion avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent d'une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés. "

29. Il ressort des pièces du dossier que les travaux objet du permis contesté portent sur la construction, sur une même unité foncière, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet. Ce projet était ainsi soumis au permis de construire valant division, prévu à l'article R. 431- 24 précité. En application des dispositions combinées des articles L. 442-1-1 et R. 442- 1 d) du code de l'urbanisme, la division qui en résulte n'a pas le caractère d'un lotissement au sens et pour l'application de l'article L. 442-1 du même code. Il suit de là que la production des documents obligatoires prévus lorsque le projet porte sur un lotissement, notamment des documents prévus au premier alinéa de l'article R. 442-11 et aux a) et b) de l'article R. 431-22-1 du code de l'urbanisme, n'était pas requise en l'espèce. Le moyen tiré de ce que ces documents, exigibles en cas de lotissement, ne figuraient pas dans le dossier de demande de permis de construire ne peut, par suite qu'être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des prescriptions du règlement de l'AVAP :

30. En premier lieu, d'une part, aux termes du point 2 des dispositions générales du règlement du PLUi de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie : " Cadre juridique : Dispositions d'ordre public, restant applicables même en présence d'un PLU : - Les dispositions du présent règlement s'appliquent en lieu et place des articles R. 111-1 à R. 111-30 du Code de l'urbanisme (dit " C... " ), à l'exception des articles (...) R. 111-27 (sauf dans le périmètre de (...) l'Aire de Mise en Valeur de l'architecture et du patrimoine), qui sont réputés d'ordre public. (...) / Sites Patrimoniaux Remarquables - Certaines communes (Deauville, Trouville-sur-Mer et Villiers-sur-Mer), sont couvertes par des Sites Patrimoniaux Remarquables, qui correspondent aux anciens dispositifs de protection suivants : Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) et Aires de Mises en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine (AVAP). Ces documents valent servitudes d'utilité publique et sont annexés au PLUi. (...) En cas de contradiction entre les dispositions du présent règlement et celles des règlements des Sites Patrimoniaux Remarquables (AVAP) de Deauville (...) , les dispositions des règlements des Sites Patrimoniaux Remarquables - ou autre document en tenant lieu - priment ".

31. D'autre part, aux termes des dispositions du chapitre 7 du titre III du règlement de l'AVAP de Deauville, fixant les prescriptions spécifiques du secteur des Bassins, en matière d'aspect des constructions neuves : " Les constructions nouvelles devront respecter le site et créer un lien avec le patrimoine urbain et architectural de ce secteur. L'ordonnancement des constructions et des plans de masse ou de lotissement doivent s'inscrire dans une démarche raisonnée d'urbanisation et faire l'objet d'une étude particulière d'insertion paysagère. Les projets de constructions seront conçus en fonction de la morphologie du site. La hauteur de ces constructions ne doit pas nuire aux perspectives et échappées visuelles. (...) Les principes d'aménagement : " choisir des matériaux et des teintes en lien avec l'environnement urbain immédiat. (...).

32. Il résulte de ces dispositions combinées que le règlement de l'AVAP de Deauville, document annexé au PLUi de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie a le caractère d'une servitude d'urbanisme et qu'en cas de contradiction entre ses dispositions et celles du règlement du PLUi ayant le même objet, les premières doivent primer sur les secondes.

33. Les dispositions du règlement de l'AVAP de Deauville applicables aux constructions nouvelles dans le secteur des Bassins, dans le périmètre duquel se trouve le projet litigieux, imposent de choisir les matériaux et les teintes des façades en lien avec l'environnement urbain immédiat. Elles sont ainsi en contradiction avec celles, moins exigeantes, de l'article UT11.1 du PLUi, ayant le même objet, qui prévoient que " Les façades sur bâtiments (neufs et anciens) doivent être réalisés en matériaux dont la teinte se rapprochera le plus possible des matériaux traditionnels utilisés dans la région de Deauville. ". Il en résulte que, dans le secteur des Bassins, les prescriptions du règlement de l'AVAP doivent primer sur celles de l'article UT11.1 du PLUi, en ce qui concerne le choix des matériaux et des teintes des façades des constructions nouvelles. Mme B... ne peut ainsi utilement invoquer les dispositions de cet article à l'encontre du permis contesté. Au surplus, si le verre et le métal composent les neuf dixièmes de la surface des façades des bâtiments projetés, il ressort des photomontages figurant au dossier de demande de permis que la teinte dominante des façades est celle de la brique, décrite comme un matériau traditionnel du Pays d'Auge, par le règlement du PLUi. Le moyen tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions de l'article UT 11.1 du règlement du PLUi ne peut, par suite, et en tout état de cause, qu'être écarté.

34. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions précitées du règlement de l'AVAP, relatives à l'insertion paysagère des constructions nouvelles du secteur des Bassins citées au point 31 du présent arrêt ont le même objet que les dispositions, également invoquées de l'article R. 111- 27 du code de l'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions de ce règlement que la légalité du permis de construire contesté doit être appréciée.

35. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est une friche urbaine se situant sur la Presqu'île de la Toucques, incluse dans le secteur 3 du règlement de l'AVAP de la commune de Deauville, nommé " secteur des Bassins " qui s'étend de Port Deauville à la gare. Ce secteur est décrit par le règlement comme un secteur en pleine évolution urbaine, au croisement d'évènements liés au tourisme, comportant des équipements portuaires et ferroviaires. Selon le règlement de l'AVAP, " la cohérence architecturale de cette zone et sa continuité paysagère résultent principalement de l'aménagement des secteurs publics, le patrimoine architectural étant, lui, moins présent ".

36. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice architecturale et des pièces graphiques du dossier de demande de permis, que le projet litigieux consiste en la construction en bandeau, le long de la rue Thiers, de cinq logements individuels sur deux niveaux, présentant des toitures terrasses ainsi que d'un bâtiment à usage de commerce et d'un bâtiment en retour, abritant les places de stationnement des cinq logements. Il ressort des photomontages joints au dossier de demande que les bâtiments projetés, compte tenu de leur hauteur limitée et de la configuration des toits, s'insèrent dans la morphologie générale du site, sans nuire aux perspectives ni aux échappées visuelles. Les façades des logements, légèrement en retrait de la voie, sont formées par de vastes baies vitrées, se développant sur toute la hauteur des étages, encadrées en marie-louise par des surfaces biseautées en métal et des fines maçonneries en briques rouges, dessinant une juxtaposition de six bâtiments cubiques, de style contemporain. L'identité visuelle de l'ensemble, marquée par la teinte des briques, se réfère au bâtiment industriel voisin du projet, une ancienne halle présentant une façade remarquable en briques rouges et des modénatures en pierre. Le projet contesté, pour lequel l'architecte des bâtiments de France a émis un avis favorable, respecte, de la sorte, la morphologie des lieux en créant un lien avec le patrimoine urbain et architectural du secteur. Il s'ensuit qu'en délivrant le permis contesté, le maire de Deauville n'a pas fait une inexacte application du règlement de l'AVAP applicable au secteur. Le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de ce règlement doit, par suite, être écarté.

37. En troisième lieu, les travaux objet du permis de construire contesté n'ayant pas le caractère d'une extension d'immeubles, mais de constructions neuves, Mme B... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 5.4 du règlement de l'AVAP de Deauville interdisant les façades miroir.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du PLUi :

38. En premier lieu, aux termes de l'article UT7 du règlement du PLUi : " Le nu des façades des nouvelles constructions doit être implanté : - en limites séparatives ; - ou avec un retrait à condition que la distance, comptée horizontalement de tout point du nu de la façade de la construction au point le plus proche de la limite séparative, soit au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans être inférieure à 3 mètres ". Le lexique des dispositions générales du PLUi indique qu'" est considérée comme "façade" toutes les faces verticales en élévation d'un bâtiment " et que les " limites séparatives de propriété " sont les " limites de terrain autres que celles constituées par l'alignement ".

39. Il ressort des pièces du dossier que les maçonneries en briques, qui encadrent les façades vitrées des cinq logements donnant sur la rue Thiers, forment des faces verticales latérales sur toute la hauteur des bâtiments, perpendiculairement aux surfaces vitrées. Dès lors qu'il s'agit de faces en élévation d'un bâtiment, ces parties des constructions litigieuses doivent être regardées comme des façades, au sens de l'article UT7 du PLUi, soumises, dès lors, à la règle de distance minimale de 3 mètres par rapport à la limite séparative, prévue par cet article. Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan " PCA-1 " joint au dossier de demande de permis, que les faces extérieures de ces encadrements, côté est, sont toutes situées à moins de 3 mètres des limites séparatives. En ce qu'il autorise l'implantation de ces façades à moins de trois mètres de ces limites, le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article UT7 du PLUi et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, par suite, être accueilli.

40. En deuxième lieu, aux termes de l'article UT11.2.2 du règlement du PLUi : " Les toitures-terrasses accessibles et inaccessibles pourront être autorisées sous réserve de faire l'objet d'un traitement architectural de qualité : revêtement, camouflage des gaines techniques, plantations, acrotère. (...). Les ouvrages autorisés à saillir des toitures, tels que souches de cheminées, prise d'aération, etc. seront construits en brique apparente, pierre ou moellon et en recul de 2 mètres au moins du nu des façades, sauf celles formant pignon. ". Le PLUi définit le pignon comme le " Mur extérieur d'un bâtiment dont la partie supérieure épouse celle de la pente des combles, indépendamment de l'existence ou de l'absence d'ouvertures dans ce mur. ".

41. Il résulte des dispositions précitées que seuls les bâtiments dont les toitures sont en pente disposent d'un mur pignon leur permettant de déroger à la règle imposant que les souches de cheminées soient en recul de deux mètres, au moins, du nu des façades

42. Il ressort des pièces du dossier que les constructions projetées sont couvertes de toitures terrasses, dépourvues de pente. Leurs façades arrières ne forment donc pas pignon, au sens et pour l'application des dispositions de l'article UT11.2.2 précité. Les souches de cheminées à saillir des toitures devaient donc être construites en respectant une distance de recul de deux mètres au moins par rapport au nu des façades. Le permis contesté, en ce qu'il autorise la construction de cinq cheminées implantées au droit de façades ne formant pas pignon, méconnaît les prescriptions précitées de l'article UT11.2.2 du règlement du PLUi et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, par suite, être accueilli.

43. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. Lorsque le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations résultant du premier alinéa, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité de l'opération, soit de l'acquisition ou de la concession de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions. ". L'article R. 151-21 du même code dispose que : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose. ". Les dispositions générales du règlement du PLUi prévoient que : " Comme le permet l'article R. 151-21, le PLU s'oppose à ce que les règles du PLU soient appliquées à l'échelle de l'ensemble du projet, sauf dans la zone 1AUE. C'est donc chaque parcelle issue de la division qui servira de référence à l'application du présent règlement ".

44. D'autre part, aux termes de l'article UT12.1 du règlement du PLUi : " - Afin d'assurer, en dehors des voies publiques, le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations, il est exigé que les places soient dans le bâti : enterrées ou en garage, sauf en cas d'impossibilité dans le bâti existant. - Le résultat en nombre de places découlant des normes définies ci-après sont arrondis à l'unité supérieure - Sauf impossibilité technique (la nécessité de recourir à un cuvelage des sous-sols ne peut pas être retenue au titre des impossibilités techniques), les places de stationnement exigées doivent être réalisées dans le volume de la construction ou en sous-sol (enterrées, semi-enterrées ou en garage) (...) - Pour toute nouvelle construction, il est exigé au moins : Pour les constructions destinées à l'habitation - 1 place par logement ; (...) Constructions destinées au commerce - 1 place jusqu'à 300 m² de surface de plancher (...) ".

45. Si le projet contesté porte sur la construction, sur une même unité foncière, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété, il n'est pas situé dans la zone 1AUE. Dans ce cas, le PLUi s'oppose à ce que les règles de ce document d'urbanisme soient appliquées à l'échelle du projet, ainsi que le permet l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme et impose que chaque parcelle issue de la division serve de référence à l'application du règlement. Dès lors, la règle prévue à l'article UT12.1, imposant, sauf impossibilité technique, de réaliser les places de stationnement dans le bâti existant, enterrées ou en garage, doit s'appliquer à l'échelle de chaque logement et du commerce. Toutefois, ces dispositions doivent être lues au regard des dispositions de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme auxquelles renvoient les dispositions générales du PLUi, lesquelles autorisent la réalisation des aires de stationnement soit sur le terrain d'assiette, soit dans son environnement immédiat.

46. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la réalisation de cinq places de stationnement, rue de la Tolca, sur le terrain d'assiette du projet, à proximité immédiate des logements pour lesquels ces places ont été prévues, conformément aux exigences de l'article UT12.1, lues à la lumière des dispositions de l'article L. 151-33 précité du code de l'urbanisme.

47. En revanche, le projet contesté ne prévoit pas la réalisation d'une place supplémentaire pour le local à usage de commerce. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courrier adressé le 28 octobre 2019 au service instructeur, que la société pétitionnaire s'est s'engagée à réserver une place au sein du parc de stationnement d'un immeuble construit par elle en 2013, sur le lot G de la zone d'aménagement concerté de la Toucques, comptant des places excédentaires au regard du nombre requis par les dispositions du PLUi, ces places de stationnement n'ont toutefois pas été réalisées dans le cadre du projet litigieux, mais au titre d'un précédent projet de construction, en sorte que la condition prévue au premier alinéa de l'article L. 151-33 précité du code de l'urbanisme ne peut pas être regardée comme remplie. Ni la SCI FI Deauville ni la commune de Deauville n'établissent l'existence d'une impossibilité technique faisant obstacle à la réalisation de cette place de stationnement sur le terrain d'assiette du projet ou à proximité immédiate. Dans ces circonstances, et en tout état de cause, les conditions du 2ème alinéa de l'article L. 151-33 n'étaient pas davantage remplies pour que la société pétitionnaire pût être tenue quitte de ses obligations, sur justification du courrier du 28 octobre 2019 précité. Dans ces conditions, le permis contesté, en ce qu'il autorise un projet ne prévoyant pas la réalisation d'une place de stationnement pour le local à usage de commerce, méconnaît les dispositions de l'article UT12.1 du règlement du PLUi, telles qu'elles doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l'article L. 151-33 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UT12.1 du règlement du PLUi doit, par suite, être accueilli.

48. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 45 du présent arrêt, le respect de la règle de l'article UT4.3 du règlement du PLUi prévoyant que toute nouvelle construction de plus de 300 m² de surface de plancher doit prévoir la réalisation d'une aire ou d'un local aménagé pour la collecte des ordures ménagères, doit se vérifier à l'échelle de chaque parcelle issue de la division. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse, qu'aucune de ces parcelles ne supportera de construction dont la surface plancher dépassera 300 m². Les constructions projetées ne sont donc pas soumises à l'obligation, prévue à l'article UT4.3 du règlement du PLUi, de réaliser un local aménagé pour la collecte des ordures ménagères. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation ne peut qu'être écarté.

49. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que le permis de construire du 10 avril 2020, ainsi que par voie de conséquence le rejet de son recours gracieux, méconnaissent les articles UT7, UT11.2.2 et UT12.1 du règlement du PLUi.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

50. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

51. Les vices analysés aux points 39, 42 et 47 sont relatifs à des parties identifiables du projet et sont susceptibles de faire l'objet d'une mesure de régularisation, laquelle n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il y a lieu, dès lors, de faire application des dispositions précitées de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de prononcer l'annulation partielle de l'arrêté du 10 avril 2020 du maire de Deauville en tant qu'il méconnaît les articles UT7, UT11.2.2 et UT12.1 du règlement du PLUi ainsi que, dans cette mesure, l'annulation de la décision rejetant le recours gracieux formé par Mme B... contre cet arrêté. En application de l'article L. 600-5 précité, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder au titulaire de l'autorisation un délai courant jusqu'au 20 avril 2024 pour solliciter la régularisation du permis sur ces points.

Sur les frais liés au litige :

52. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la commune de Deauville et la SCI FI Deauville demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Deauville et de la SCI FI Deauville une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 février 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 10 avril 2020 du maire de Deauville est annulé en tant qu'il méconnaît les dispositions des articles UT7, UT11.2.2 et UT12.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de commune de Cœur Côte Fleurie. De même est annulée, dans cette mesure, la décision du 11 septembre 2020 du maire rejetant le recours gracieux formé par Mme B... contre cet arrêté.

Article 3 : Le délai accordé à la SCI FI Deauville pour solliciter la régularisation du permis litigieux en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme expirera le 20 avril 2024.

Article 4 : La commune de Deauville et la SCI FI Deauville verseront chacune à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B..., à la commune de Deauville et à la SCI FI Deauville.

Copie en sera adressée, pour information, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

I. MONTES-DEROUETLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT01104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01104
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONTES-DEROUET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CABINET GRIFFITHS DUTEIL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-20;22nt01104 ?
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