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24/10/2023 | FRANCE | N°22NT03915

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2023, 22NT03915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1811382 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 décembre

2022, 21 juin et 31 août 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1811382 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 décembre 2022, 21 juin et 31 août 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme B..., représentés par Me Morice-Chauveau, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le dégrèvement des droits, intérêts de retard et majorations supplémentaires mises à la charge du contribuable pour un montant de 44 220 euros pour l'impôt sur le revenu 2013, 41 970 euros pour l'impôt sur le revenu 2014 et 22 732 euros pour l'impôt sur le revenu 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la jurisprudence du Conseil d'État n'autorise la substitution de l'article 111 a) du Code général des impôts par l'article 109 1 2 ° du même Code que lorsqu'il y a une appréhension définitive d'actif notamment par accession ; le tribunal n'a pas davantage répondu à l'argument sur la prévalence de l'article 111 a du CGI sur le 109 1 2° du Code général des impôts ;

- le tribunal n'a pas répondu à l'argument des requérants et a commis une erreur de droit en appliquant l'article 1857 du code civil ;

- le tribunal a considéré à tort que les redressements pouvaient être seulement fondés sur les dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts ;

- le remboursement d'un compte courant ne peut constituer en lui-même une libéralité ; les soldes de compte courant d'associé de M. et Mme B... dans la SCI Topaze ont toujours présenté un solde créditeur ; le compte courant de la société Sofiker dans la SCI Les Topazes a fait l'objet d'un remboursement intégral, capital et intérêts compris ; la perte de la SARL Sofiker liée à la moins-value de cession de l'immeuble a été intégralement compensée par les requérants ;

- le tribunal a considéré à tort que la SARL Sofiker n'avait aucun intérêt propre, le tribunal commet une erreur de droit ;

- le tribunal a considéré à tort que les avances faites par la SARL Sofiker à la SCI les Topazes étaient dépourvues de termes de remboursement ;

- l'administration ne pouvait soumettre les revenus qu'elle considère comme étant distribué dans leur totalité aux prélèvements sociaux, une fraction constituant des revenus d'activité.

Par des mémoires en défense enregistrés les 1er juin, et 17 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé postérieurement à l'introduction de la requête d'appel pour un montant de 35 289 euros correspondant aux prélèvements sociaux, à la majoration de 40 % et à l'intérêt de retard des années 2013, 2014 et 2015, au rejet du surplus des conclusions de la requête et demande subsidiairement à ce que la Cour si l'article 109-1 2° du code général des impôts ne trouvait pas à s'appliquer lui substitue l'article 111 a du même code pour fonder les redressements.

Le ministre soutient que les moyens soulevés à l'appui du surplus des conclusions demeurant en litige ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... B... détiennent respectivement 60 % et 40 % du capital de la SARL Sofiker, société soumise à l'impôt sur les sociétés. Ils sont également associés à hauteur de 45 % chacun dans le capital des sociétés civiles immobilières SCI Les Topazes relevant des revenus fonciers et Kerboisd 2 soumise à l'impôt sur les sociétés, les 10 % de parts restantes de chaque SCI étant détenues par la SARL Sofiker. M. et Mme B..., ont partiellement contribué en 2011 et 2012 aux frais exposés pour l'acquisition et la réalisation de travaux de rénovation d'un bien immobilier dont la SCI Les Topazes est propriétaire à La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique). La SARL Sofiker a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. L'administration a relevé que la SARL Sofiker, dans le cadre de deux conventions d'avances de trésorerie, a bénéficié au cours des années 2013, 2014 et 2015, d'avances consenties par la SCI Kerboisd 2 et dont la SARL Sofiker a, à son tour, fait l'avance sur la même période à la SCI Les Topazes. M. et Mme B... ont bénéficié concomitamment de versements de la part de la SCI Les Topazes à hauteur de 60 000 € pour l'année 2013, de 76 500 € pour 2014 et de 45 000 € pour 2015. Le service a alors estimé que les avances effectuées au cours des années 2013, 2014 et 2015 par la SARL Sofiker à la SCI Les Topazes avaient eu pour effet de réduire la participation de M. et Mme B... au financement de l'acquisition et de la rénovation du bien immobilier géré par la SCI Les Topazes et que la part de ces avances excédant celle correspondant à la participation de la SARL Sofiker au capital de la SCI les Topazes, pour un montant total de 201 300 euros au titre des années 2013 à 2015 représentait une libéralité constitutive de revenus distribués au sens des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Les rappels d'impôt sur le revenu sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondants, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 a. du CGI en cas de manquement délibéré, ont été mis en recouvrement le 31 janvier 2018. M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Nantes postérieurement au rejet de leur réclamation le 2 octobre 2018. Par un jugement du 14 octobre 2022, ce tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 1er juin 2023, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de M et Mme B... un dégrèvement d'un montant de 35 289 euros correspondant aux prélèvements sociaux, à la majoration de 40 % et à l'intérêt de retard des années 2013, 2014 et 2015. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans la limite du dégrèvement prononcé en droits et intérêts de retard.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la jurisprudence du Conseil d'Etat n'autorise une substitution de base légale du a de l'article 111 du code général des impôts par le 2° de l'article 109-1 du même code que lorsqu'il y a appréhension définitive d'actifs. Toutefois, les premiers juges qui n'ont pas effectué de substitution de base légale pour fonder l'imposition n'étaient pas tenus de répondre au moyen tiré de la prévalence de l'article 111 a du code général des impôts sur le 2° de l'article 109-1 du même code pour asseoir les impositions et n'ont, pas davantage entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation.

4. En deuxième lieu, M. et Mme B... soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen relatif à l'interprétation de l'article 1857 du code civil. Cependant, il résulte de l'instruction que le tribunal a entendu écarter comme inopérant le moyen visé et tiré de l'interprétation erronée du principe de l'obligation aux dettes pesant sur les associés, de l'article 1857 du code civil alors même qu'il a cité à tort l'article 1387 du code civil pour écarter ce moyen, la circonstance que le tribunal aurait ce faisant commis une erreur de droit étant sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé des rectifications :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".

6. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu des revenus sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. Les sommes mises à disposition des associés non prélevées sur les bénéfices ont, sauf preuve contraire apportée par les associés, le caractère de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

7. M. et Mme B... sont associés à hauteur de 45 % chacun dans le capital des SCI Les Topazes et Kerboisd 2, les 10 % restants de chaque SCI étant détenus par la SARL Sofiker. Il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier de l'année 2013, la dette de la SCI Les Topazes envers la SARL Sofiker s'élevait à 989 000 euros et la dette de la SARL Sofiker envers la SCI Kerboisd 2 s'élevait à 1 063 000 euros. A cette même date, les époux B..., associés majoritaires de la SCI Les Topazes, avaient quant à eux avancé une somme de 390 000 euros à la SCI Les Topazes pour financer le projet immobilier. M. et Mme B... ont bénéficié au cours des années 2013 à 2015 de versements de la SCI Les Topazes à hauteur de 60 000 euros en 2013, 76 500 euros en 2014 et 45 000 euros en 2015 sans qu'ils aient procédé à aucune avance au bénéfice de la SCI Les Topazes au cours de ces mêmes années. Il résulte de l'instruction que les avances effectuées par la SARL Sofiker en 2013, 2014 et 2015 en dehors de la convention de gestion de compte courant et virées le même jour à M. et Mme B..., ne correspondent pas à des disponibilités chez la SARL Sofiker qui a aggravé sa dette auprès de la SCI Kerboids 2 en effectuant les avances litigieuses, ni de besoins chez la SCI Les Topazes qui ne dispose d'ailleurs d'aucune ressource propre, permettant de rembourser même partiellement, sans attendre la vente du bien immobilier, à M. et Mme B..., les sommes apportées au compte courant de la SCI Les Topazes avant 2013. Ainsi, les avances litigieuses consenties au bénéfice de M. et Mme B... ont permis de diminuer la participation de M. et Mme B... dans le financement de l'opération d'achat et de rénovation de la villa alors même que cette participation était déjà très insuffisante au regard des parts détenues dans le capital de la SCI Les Topazes. Les avances consenties par la SARL Sofiker correspondent ainsi à une prise en charge du financement de l'opération immobilière par cette SARL à l'égard de laquelle les requérants n'étaient tenus à aucune contrepartie. Dès lors, sans qu'il soit besoin de mettre en œuvre la procédure d'abus de droit de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, la convention de compte courant unissant la SARL Sofiker et la SCI Les Topazes n'ayant pas été écartée, ni de procéder à une substitution de base légale, les versements à hauteur de 60 000 euros en 2013, 76 500 euros en 2014 et 45 000 euros en 2015 dont ont bénéficié M. et Mme B... de la part de la SCI Les Topazes qui a reçu des avances par virement du même jour de la SARL Sofiker constituent, en application des dispositions rappelées ci-dessus du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts et à hauteur de cette participation, une libéralité imposable entre les mains de ces derniers en tant que revenu distribué. Par suite, M. et Mme B... qui ne démontrent pas que les avances litigieuses n'auraient pas été mises à leur disposition, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service a opéré les redressements contestés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais de justice :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à M. et Mme B... les sommes qu'ils réclament au titre des frais de justice.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence de la somme de 35 289 euros correspondant aux prélèvements sociaux, à la majoration de 40 % et à l'intérêt de retard des années 2013, 2014 et 2015.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.

Le rapporteur

S. ViévilleLe président

G. Quillévéré

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT0391502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03915
Date de la décision : 24/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLEVERE
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : MORICE-CHAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-24;22nt03915 ?
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