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27/10/2023 | FRANCE | N°23NT01722

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 27 octobre 2023, 23NT01722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2300072 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, M. A..., représenté

par Me Lelouey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2300072 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, M. A..., représenté par Me Lelouey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de cette même date ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en faveur de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de répondre au moyen qu'il avait invoqué devant eux tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et décision fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions au cours de l'audience publique.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 4 septembre 2003, est entré irrégulièrement en France en avril 2019 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 6 octobre 2022 notifié le 21 janvier 2023, le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué qu'après avoir exposé les éléments relatifs à sa situation personnelle, professionnelle et familiale les ayant conduit à considérer que le refus de titre de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou de " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'entré en France en avril 2019 à l'âge de seize ans, M. A... a été confié par l'autorité judiciaire aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Calvados. Il a été scolarisé au titre de l'année 2020-2021 en CAP " Chaudronnerie " et a obtenu ce diplôme au terme de deux années de scolarité en juin 2022. Il a ensuite intégré une première professionnelle spécialité " chaudronnerie industrielle " au sein du même lycée Jules Verne en septembre 2022 et y était toujours scolarisé à la date de l'arrêté en litige. Les nombreuses attestations circonstanciées établies par ses enseignants, la proviseure, la proviseure-adjointe et la documentaliste de son lycée témoignent du sérieux, de l'investissement, du respect du cadre et de la détermination dont il a fait montre durant toute sa scolarité. La progression dont il justifie comme la cohérence de son parcours confirment la fiabilité de ces attestations. Le requérant justifie en outre avoir suivi la première année des cours de français et avoir obtenu le DELF niveau A2. Le rapport social établi par l'équipe éducative qui l'a accompagné dans le cadre de sa prise en charge par le département relaie son respect du cadre qui lui est proposé, ainsi que sa bonne insertion sociale caractérisée par un réseau amical fort tant avec les jeunes du service qu'avec des camarades extérieurs. Dans ces conditions, alors même qu'il a sa mère en Guinée où il a nécessairement conservé des attaches, et à supposer même que son père ne serait pas décédé, en refusant de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour alors qu'il suivait une scolarité en première professionnelle dans laquelle il donnait toute satisfaction et qu'il était pris en charge par le département dans le cadre d'un contrat jeune majeur, le préfet du Calvados a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour. Les décisions d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Calvados délivre à M. A... un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu à ce stade d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés à l'instance :

8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Lelouey dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 4 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Calvados du 6 octobre 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 4 : L'Etat versera à Me Lelouey une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

La présidente,

C. Brisson La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01722
Date de la décision : 27/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LELOUEY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-27;23nt01722 ?
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