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10/11/2023 | FRANCE | N°22NT02212

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22NT02212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... K... et Mme I... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 septembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 5 février 2020 de l'autorité consulaire française à Addis-Abeba (Ethiopie) refusant de délivrer à Mme I... H... et à l'enfant J... A... D..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille de bénéficiaire de

la protection subsidiaire.

Par un jugement n°2107169 du 10 janvier 2022, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... K... et Mme I... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 septembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 5 février 2020 de l'autorité consulaire française à Addis-Abeba (Ethiopie) refusant de délivrer à Mme I... H... et à l'enfant J... A... D..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille de bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n°2107169 du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2022, M. A... D... K... et Mme I... H..., représentés par Me Brocard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2020 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision contestée a été prise par une commission irrégulièrement composée, faute pour ses membres d'avoir été régulièrement désignés par décret du premier ministre, en méconnaissance de l'article D. 211-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et faute pour le décret d'avoir été publié avec les mentions, requises l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, permettant d'identifier son auteur ;

- la décision de la commission de recours méconnaît les dispositions des articles L. 752-1 et L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la demande de réunification familiale partielle est justifiée par l'intérêt de leurs enfants, eu égard à la situation précaire dans laquelle se trouve M. A... D... K... ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a pour effet, au nom du principe de l'unité familiale, de refuser à une famille la possibilité de se réunir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 avril 2023.

Un mémoire, enregistré le 12 octobre 2023, a été présenté pour les requérants, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

M. D... K... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... K..., ressortissant somalien, né le 5 mai 1973, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire. Son épouse, Mme I... H... et leur fils, J... A... D..., né le 11 septembre 2006, ont déposé des demandes de visas de long séjour auprès des autorités consulaires françaises en Ethiopie au titre de la réunification familiale. Ces autorités ont refusé de délivrer les visas sollicités. Par une décision du 2 septembre 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Par un jugement du 10 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. D... K... et de Mme H... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours. M. D... K... et Mme H... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour écarter le moyen tiré du caractère irrégulier de la composition de la commission de recours, les premiers juges ont indiqué, dans leur jugement, qu'il ressortait des pièces du dossier que, lors de la séance du 2 septembre 2020, au cours de laquelle elle a examiné le recours formé par M. D... K... et Mme H..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa s'était réunie en présence de son président et de deux de ses membres, en précisant que l'un d'eux, Mme G... F..., avait été reconduite dans ses fonctions, en qualité de membre titulaire de la commission de recours par décret du premier ministre en date du 29 mai 2019, pour une durée de trois ans à compter du 1er septembre 2019. Par suite, les premiers juges ont répondu au moyen soulevé devant eux et ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et recodifié désormais à l'article D. 312-3 du même code : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 211-7 du même code, alors en vigueur et recodifié désormais à l'article D. 312-5 de ce code : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléant sont nommés dans les mêmes conditions ". L'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prévoit que cette commission " délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ".

4. Il ressort des mentions de l'ampliation du décret du 29 mai 2019 portant nomination à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, certifiée conforme par le secrétaire général du Gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre, Edouard Philippe, et contresigné par les ministres de l'Europe et des affaires étrangères et de l'intérieur. L'absence de signature des auteurs du décret, dans la version électronique authentifiée publiée au Journal Officiel, est sans incidence dès lors que ni les dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles toute décision prise par une administration doit comporter la signature de son auteur, ni aucun autre texte ou aucun principe n'imposent que, lorsqu'une telle décision fait l'objet d'une publication, cette signature figure sur le document tel qu'il est publié. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les membres de la commission de recours n'auraient pas été régulièrement nommés par le décret du 29 mai 2016 ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et recodifié désormais aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables (...) ".

6. Aux termes du II de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et recodifié désormais à l'article L. 434-1 du même code, qui s'applique aux membres de la famille d'un réfugié en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 de ce code : " (...) / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Il résulte de ces dispositions que la réunification doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.

7. Pour rejeter les demandes de visas de long séjour présentées par Mme H... et l'enfant J... A... D..., la commission de recours s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'aucune demande de visa n'a été présentée pour les deux autres enfants du couple, à savoir, la jeune C... B... D..., née en 2003 et la jeune E... B... D..., née en 2004, toutes deux déclarées par M. D... K... à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, rompant ainsi le principe d'unité familiale dont s'était initialement prévalu ce dernier.

8. Il est constant qu'aucune demande de visa n'a été présentée pour les jeunes C... B... D... et E... B... D..., toutes deux issues de l'union entre Mme H... et M. D... K... de sorte que la délivrance des visas sollicités aurait pour effet d'isoler en Ethiopie les jeunes C... B... D... et E... B... D... de leur mère et frère. Si les requérants se prévalent de la situation financière précaire dans laquelle ce dernier se trouve en France, ces circonstances ne constituent pas un motif tenant à l'intérêt des enfants, mineures à la date de la décision contestée, de nature à justifier une réunification partielle de la famille. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre une erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer les visas pour le motif tiré d'une réunification partielle.

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête présentée par M. D... K... et Mme H..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. D... K... et de Mme H... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... K... et de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... K..., à Mme I... H... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02212
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : BROCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-10;22nt02212 ?
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