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10/11/2023 | FRANCE | N°23NT01921

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 novembre 2023, 23NT01921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 2305260 du 10 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le juge

ment du 10 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 2305260 du 10 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'engager l'examen de sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que l'agent qui a consulté le fichier Visabio y était habilité ;

- elle n'a pas été informée du traitement de ses empreintes digitales ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les observations de Me Renaud, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 2 octobre 1992, est entrée irrégulièrement en France le 27 décembre 2022, selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 24 février 2023. Par un arrêté du 31 mars 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités espagnoles. Mme A... relève appel du jugement du 10 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, ayant rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ministère chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de l'immigration sont autorisés à mettre en œuvre, sur le fondement du 1° de l'article

L. 142-1, un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "VISABIO" (...) ". Aux termes de l'article R. 142-4 de ce code : " Ont accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le traitement automatisé mentionné à l'article

R. 142-1, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître : (...) / 2° Les agents des préfectures (...) et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en œuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet. (...) ".

3. Ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives notamment à l'habilitation de certains agents de préfecture chargés du traitement des demandes d'asile à accéder au traitement automatisé de données à caractère personnel "Visabio" ont seulement pour objet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles contenues dans le fichier et restent sans influence sur la régularité des décisions de transfert prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, Mme A... ne peut utilement s'en prévaloir. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent qui a consulté le fichier Visabio n'y était pas habilité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

5. S'il ressort d'une attestation médicale du 21 avril 2023 que Mme A... a débuté un suivi d'infection au virus de l'immunodéficience humaine (V.I.H.) et d'une attestation du 19 juin 2023 d'une psychologue de l'association France Horizon qu'elle souffre de divers troubles psychologiques en raison d'un passé à fort potentiel traumatique nécessitant un suivi régulier, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait informé le préfet de Maine-et-Loire de tels problèmes de santé avant la date de l'arrêté contesté, notamment à l'occasion de l'entretien individuel du 22 février 2023. Les attestations médicales précitées sont postérieures à la date de l'arrêté contesté et ne permettent en tout état de cause pas d'établir la gravité de l'état de santé de Mme A..., ni qu'elle ne pourrait pas être prise en charge médicalement en Espagne, dans le cadre de son transfert organisé entre les autorités françaises et espagnoles. Les autres éléments présentés n'établissent pas qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Les document que produit Mme A... ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est dès lors pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 6-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ". Il résulte de ces articles que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions les concernant.

7. Les seules circonstances avancées par Mme A..., tirées du fait que sa fille a trouvé en France un cadre de vie sécurisant après un parcours migratoire épuisant et traumatisant, ne suffisent pas à démontrer que le préfet de Maine-et-Loire aurait porté atteinte aux stipulations précitées dès lors que le transfert de la requérante n'implique pas une séparation avec sa fille et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci ne pourrait pas être scolarisée en Espagne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Renaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01921
Date de la décision : 10/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-10;23nt01921 ?
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