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14/11/2023 | FRANCE | N°23NT01063

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 novembre 2023, 23NT01063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2214737 du 15 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 11 avril 2023, M. A..., représenté par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2214737 du 15 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, M. A..., représenté par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa demande de réexamen de sa demande d'asile et au moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique aurait dû abroger la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français du fait de la délivrance de l'attestation de réexamen de sa demande d'asile qui lui a été accordée le 15 décembre 2022 ; le jugement est donc irrégulier ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle aurait dû être abrogée du fait de l'attestation de demandeur d'asile qui lui a été délivrée le 15 décembre 2022 ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La demande d'asile de M. A..., ressortissant turc, né le 2 août 1993, entré en France le 1er juillet 2019 selon ses déclarations, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 1er mars 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 décembre 2021. Par un arrêté du 27 octobre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 15 mars 2023, dont M. A... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La magistrate désignée a précisé dans le jugement attaqué que la circonstance qu'en cours d'instruction de la demande de M. A..., une attestation de demande d'asile lui a été accordée le 15 décembre 2022 pour tenir compte de son dépôt à cette date d'une demande de réexamen de sa demande d'asile, est postérieure à la décision attaquée et ne peut, dès lors, que rester sans incidence sur sa légalité. Elle a ainsi répondu explicitement au moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'instruction en cours de sa demande de réexamen de sa demande d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile et a implicitement mais nécessairement entendu répondre au moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique aurait dû abroger la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français du fait de la délivrance de l'attestation. Dès lors, le jugement, qui n'a pas omis de répondre à ces deux moyens, n'est pas irrégulier.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. M. A... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit ses moyens invoqués en première instance et tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, d'écarter ces moyens.

4. Aux termes de l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 541-2 de ce code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent. ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-32 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ". Aux termes de l'article L. 531-42 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur, intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. / Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien. / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité. "

5. Compte tenu de ces dispositions, et contrairement à ce que M. A... soutient, l'attestation de demandeur d'asile qui a lui été délivrée le 15 décembre 2022 n'a pas eu pour effet d'abroger la décision portant obligation de quitter le territoire français prise auparavant, mais fait seulement obstacle, en application des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exécution de l'éloignement. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le droit de M. A... de se maintenir sur le territoire français, qui résulte de l'attestation de demandeur d'asile qui lui a été délivrée, a pris fin, en application de l'article L. 542-2 du même code, le 17 mars 2023, date à laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rendu une décision d'irrecevabilité sur sa demande tendant au réexamen de sa demande d'asile. Le recours présenté par l'intéressé devant la Cour nationale du droit d'asile dirigé contre cette décision est sans incidence.

6. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que celle-ci n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. A... devra être reconduit d'office.

7. M. A..., célibataire et sans enfant à charge, est récemment entré en France, en juillet 2019 selon ses déclarations, soit à peine plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté. Il n'établit pas le centre de ses attaches personnelles et familiales en France. Compte tenu de ces conditions d'entrée et de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette mesure, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. L'arrêté contesté a précisé la nationalité turque du requérant, mentionne que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et fixe le pays dont il a la nationalité comme étant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Ainsi, la décision contestée est suffisamment motivée en fait et en droit.

9. M. A..., dont les demandes d'asile successives ont été au demeurant rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant quant aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01063
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-14;23nt01063 ?
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