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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT01326

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT01326


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.



Par un jugement n° 2207907 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejet

é sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 mai 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 2207907 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2023 M. A..., représentée par Me Leudet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de cette notification, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leudet de la somme de

2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2023, le préfet de

Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les observations de Me Leudet, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 8 janvier 1999, est entré irrégulièrement en France le 6 mars 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile déposée le 21 août 2019 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 février 2020 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 9 octobre suivant. Par décision du 30 juillet 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté une demande de titre de séjour déposée par le requérant comme irrecevable, dès lors qu'elle a été introduite hors délai. Le 9 juillet 2021, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Sa demande a été rejetée par un arrêté du

2 mars 2022 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen invoqué dans le mémoire en réplique enregistré le 28 février 2023 tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle.

3. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement est pour ce motif entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de titre de séjour et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur le moyen commun :

5. L'arrêté attaqué a été signé par Mme Daverton, secrétaire générale de la préfecture de Maine-et-Loire. Par un arrêté du 7 septembre 2021, publié le 9 septembre 2021 au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour assorties ou non d'une mesure d'obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit donc être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié déposée par M. A....

9. Alors que M. A..., entré en France le 6 mars 2018, a travaillé, sous une fausse identité, en qualité de pareur désosseur du 25 mai 2020 au 19 octobre 2021, qu'il a pu donner satisfaction à son employeur, qu'il a bénéficié le 30 juin 2021, d'une promesse d'embauche pour travailler dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il a effectué une demande d'autorisation de travail le 21 juillet 2021, l'ensemble de ces éléments ne permet pas de le regarder comme pouvant se prévaloir d'un motif exceptionnel de nature à justifier la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 435-1. Par ailleurs, si l'intéressé est présent en France depuis le 6 mars 2018, il ne fait état d'aucune considération humanitaire ou circonstance exceptionnelle permettant la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne résulte pas des termes de la décision contestée que le préfet aurait fondé sa décision sur le motif tiré de ce qu'il ne justifie pas d'une autorisation de travail. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

11. En troisième lieu, si M. A... soutient qu'il résidait depuis quatre années sur le territoire français et qu'il y a travaillé dix-huit mois, il n'y justifie d'aucune attache personnelle ou familiale particulière. Dans ces conditions, alors que le requérant, célibataire et sans enfant, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un titre de séjour à M. A... n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision de refus.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 2 mars 2022 ni l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207907 du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2023 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 22 mars 2022.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 22 mars 2022 présentée par

M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

A. PENHOAT Le président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT013262

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01326
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LEUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt01326 ?
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