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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT01708

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT01708


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2212462 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 10 juin 2023 M. B..., représenté par

Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2212462 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2023 M. B..., représenté par

Me Philippon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 du préfet de la Loire Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 25 euros par jour de retard ; subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Philippon renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- l'expédition du jugement n'est pas signée ;

- les premiers juges ont omis de répondre à la branche du moyen tiré de l'incompétence de l'autorité préfectorale pour prendre la décision de refus de titre de séjour et celle fixant le pays de renvoi postérieurement à la refonte du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ont également omis de répondre au moyen tiré de la violation du droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme soulevé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; ils ont enfin omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne soulevé contre de la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi.

Sur la décision portant refus de séjour :

- il ne ressort pas des pièces versées aux débats que le rapport médical transmis au collège de médecins de l'OFII et relatif à l'état de santé de Monsieur B... aurait été établi par un médecin de l'OFII ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le préfet s'est prononcé tardivement au regard de l'avis du collège de médecins de l'OFII sans solliciter à nouveau cette instance collégiale ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement nécessité par son état n'est pas disponible en République démocratique du Congo, qu'il ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessités par son état dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense en date du 13 septembre 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique .

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... demande à la cour d'annuler le jugement du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la motivation du jugement attaqué que le tribunal a omis de répondre au moyen soulevé devant lui par M. B..., et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'autorité préfectorale n'a pas établi sa compétence pour prendre la décision portant refus de séjour et celle fixant le pays de renvoi au regard des articles R. 431-20 et R. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à compter du 1er mai 2021. Par ailleurs, les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé devant eux et qui n'était pas inopérant tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnait le droit reconnu par l'article 4 de la chartre des droits fondamentaux de l'union européenne. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, que M. B... est fondé, à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination. Il y a lieu de de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par M. B... devant la cour tendant à l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...)L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile anciennement applicables : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que la transmission d'un rapport médical rédigé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un médecin de l'Office français de l'immigration et d'intégration (OFII) ne siégeant pas dans le collège des médecins chargé d'émettre un avis sur l'état de santé de l'étranger, constitue une garantie pour l'étranger dont le dossier est examiné. En cas de litige, il appartient au préfet de fournir les éléments nécessaires afin de permettre au juge de contrôler le respect de la procédure.

6. M. B... fait valoir que le médecin qui a établi le rapport médical adressé au collège des trois médecins de l'OFII n'est pas au nombre de ceux désignés par le directeur de cet établissement et n'était ainsi pas habilité à établir et transmettre au collège le rapport médical qu'il a instruit et à partir duquel ledit collège a délibéré et rendu l'avis sur lequel le préfet de la Loire Atlantique s'est fondé pour rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour. Il n'est pas contesté que le docteur A... ne figure pas sur la liste annexée à la décision INTV2129890S du 1er octobre 2021 portant désignation du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII. Ainsi, en l'absence, le 2 mars 2022, de toute décision portant désignation du docteur A... l'habilitant à rédiger ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées ci-dessus le rapport médical destiné au collège de médecins, l'avis de ce collège est entaché d'un vice de procédure. Cette irrégularité doit être regardée comme ayant privé M. B... d'une garantie de procédure offerte par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'élaboration de l'avis selon des règles semblables pour tous les demandeurs de titre de séjour et compte tenu du secret médical qui s'impose à l'ensemble des médecins désignés par le directeur de l'OFII. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de séjour.

7. Aucun autre moyen n'est de nature à entrainer l'annulation de la décision portant refus de séjour.

8. Par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, il y a lieu également d'annuler les décisions litigieuses du préfet de la Loire-Atlantique obligeant M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 12 août 2022 du préfet de la Loire-Atlantique.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité administrative de procéder au réexamen de la demande de M. B... en saisissant pour avis le collège de médecins de l'OFII et ce dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il y a lieu également d'enjoindre au préfet de munir M. B... d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision qui sera prise à l'issue de ce réexamen.

Sur les frais de justice :

11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à

Me Philippon en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à m'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2212462 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé à

M. B... de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois suivant la mise à disposition du présent arrêt. M. B... sera également muni d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision qui sera prise à l'issue de ce réexamen.

Article 4 : L'Etat versera à Me Philippon la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié, à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 23NT0170802

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01708
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PHILIPPON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt01708 ?
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