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13/02/2024 | FRANCE | N°23NT02226

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 13 février 2024, 23NT02226


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2208450 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, a enjo

int au préfet de la Sarthe de délivrer à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2208450 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais liés au litige et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé son arrêté ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- compte tenu des rapports d'analyse établis par les services de la police aux frontières sur les documents d'état civil présentés par M. A... se disant C... et du fichier Visabio, l'intéressé ne justifie pas de sa réelle identité et de son réel âge ; il n'établit pas sa minorité lors de son placement à l'aide sociale à l'enfance ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 18 octobre 2023, M. F... C..., représenté par Me Largy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Sarthe ne sont pas fondés.

M. C... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Sarthe relève appel du jugement du 21 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. C..., ressortissant malien, né en décembre 2003, qui a déclaré être entré irrégulièrement en France le 28 août 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

3. Lorsqu'elles sont amenées à vérifier si l'étranger justifie de son état-civil et de sa nationalité conformément aux prescriptions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les autorités administratives françaises ne peuvent mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère que dans le cas où le jugement produit a un caractère frauduleux.

4. Pour annuler l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur le caractère concordant des pièces produites par M. C..., soit un jugement supplétif n° 3675 du tribunal de grande instance de Kayes du 28 août 2019, un extrait d'acte de naissance n° 118 de la commune de Falémé du 5 septembre 2019, portant transcription de ce jugement supplétif, un jugement supplétif d'acte de naissance n° 1863 du tribunal de grande instance de Kayes du 3 novembre 2020, un acte de naissance n° 1538/SJS du 17 novembre 2020 portant transcription du jugement supplétif du 3 novembre 2020, un extrait d'acte de naissance n° 1538/SJS du 24 novembre 2020 correspondant à ce jugement et cet acte de naissance. Il a considéré que l'ensemble de ces documents révèlent que M. F... C... est né le 31 décembre 2003 à Diboli, commune de Falémé, et est le fils de M. E... C... et Mme D... B... et que, dans ces conditions, le préfet ne produit pas suffisamment d'éléments de nature à renverser la présomption d'authenticité découlant des dispositions de l'article 47 du code civil. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Visabio, prévu à l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a permis au préfet de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait précédemment sollicité un visa sous une autre identité et en mentionnant une autre date de naissance. En application de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie, le préfet en a déduit que l'acte d'état civil produit à l'appui de la demande de titre de séjour était entaché de fraude, et ne pouvait par suite être regardé comme faisant foi. Au vu de ce seul élément, c'est à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a opposé le refus de titre de séjour contesté. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré de ce que le préfet a apprécié de façon erronée l'identité et l'âge de M. A... se disant C....

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les moyens communs dirigés contre l'ensemble des décisions contestées ;

6. M. Eric Zabouraeff, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe et signataire de l'arrêté contesté du 28 juin 2022, disposait d'une délégation de signature en date du 19 avril 2022, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la Sarthe du même jour, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, saisines juridictionnelles, circulaires, rapports, correspondances, documents et avis relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Sarthe à l'exception des propositions à la Légion d'Honneur et à l'Ordre National du Mérite ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... se disant C....

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le refus de séjour opposé au requérant dans l'arrêté contesté comporte un exposé détaillé des considérations de droit et de fait qui le fondent alors même que sa situation d'étudiant n'a pas été précisée dans l'arrêté. Par ailleurs, la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant est fondée sur le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, sa motivation se confond avec celle du refus de séjour prononcé concomitamment, lequel est suffisamment motivé. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Le requérant est irrégulièrement entré en France le 28 août 2019, soit à peine plus de trois ans avant la date de l'arrêté contesté. Il est célibataire et sans charges de famille en France. Il se contente d'affirmer qu'il a des attaches amicales en France. Dans ces conditions d'entrée et de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... se disant C... une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision portant obligation de quitter le territoire français est assortie, en principe, d'un délai " de départ volontaire " de trente jours, permettant à l'étranger de définir lui-même les conditions de son départ vers le pays d'accueil. Néanmoins, en application des dispositions de l'article L. 612-2 du même code, l'autorité administrative peut décider, par exception, que l'étranger est obligé de quitter le territoire français sans délai si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, s'il s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse, ou si, dans une série de cas définis par la loi, le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi. L'article L. 612-3 du même code précise dans huit cas le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 qui peut être regardé comme établi.

13. En l'espèce, s'il n'a pas mentionné dans son arrêté contesté l'un des cas prévus par les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel s'est trouvé M. A... se disant C... pour lui refuser un délai de départ volontaire, le préfet de la Sarthe, en mentionnant que les documents d'état civil présentés par l'intéressé étaient contrefaits, a implicitement mais nécessairement entendu se fonder sur le caractère frauduleux de sa demande tendant à l'obtention d'un titre de séjour compte tenu du motif principal qu'il a retenu pour refuser la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... se disant C... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. La décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité M. A... se disant C..., se réfère notamment à l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique l'absence de justification par l'intéressé de l'existence d'une menace personnelle en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, elle est suffisamment motivée.

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

18. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... se disant C... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence.

19. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 28 juin 2022. Par voie de conséquence, les conclusions de M. soi-disant C... relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2208450 du tribunal administratif de Nantes du 21 juin 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... se disant C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT02226 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02226
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET MARINE LARGY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23nt02226 ?
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