La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°23NT02166

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 19 mars 2024, 23NT02166


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.



Par un jugement n° 2301873 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté s

a demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 juillet 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.

Par un jugement n° 2301873 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 21 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Chauvin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à titre subsidiaire, ou, à titre infiniment subsidiaire, de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui remettre un récépissé valant autorisation de séjour et l'autorisant à travailler qui sera renouvelé le temps de l'instruction de son dossier ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée, car l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est lui-même pas assez explicite et ne mentionne pas s'il peut être pris en charge médicalement dans son pays d'origine ; il n'a fait aucune déclaration permettant d'établir qu'il peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;

- l'arrêté est entaché d'un vice procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte aux droits protégés par les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense en date du 30 novembre 2023, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par décision du 19 février 2024, la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. B... a été rejetée comme caduque.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien né en 2001, serait entré irrégulièrement en France le 6 janvier 2019. Il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", en raison de son état de santé, valable jusqu'au 9 mars 2022. Le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler ce titre de séjour par une décision du 6 janvier 2023, a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée. M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2023.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire.

4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de la Sarthe s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'OFII du 19 juillet 2022 selon lequel, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci n'est toutefois pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est atteint d'une tumeur du sinus piriforme gauche nécessitant un traitement par corticoïdes. Le requérant se prévaut d'un certificat établi le 13 janvier 2023 d'une médecin généraliste faisant état de ce que " l'évolution de cette maladie est tout à fait incertaine avec le risque de complications sévères pouvant mettre sa vie en danger " et d'un certificat établi le 25 janvier 2023 par le médecin généraliste coordonnant les appartements de coordination thérapeutique où est hébergé M. B..., faisant état de " la gravité potentielle de la lésion et [de] son évolutivité imprévisible ".

6. En outre, l'attestation du 14 septembre 2023 d'un praticien hospitalier du centre hospitalier du Mans fait état de la prise en charge difficile de la pathologie du requérant, qui implique une corticothérapie au long cours sans possibilité de diminution de la posologie sous peine de complication importante telle qu'une impossibilité d'alimentation et un essoufflement. De plus, les effets secondaires de cette corticothérapie apparaissent eux-mêmes néfastes et impliquent un suivi très régulier. Ainsi, et alors même que la pathologie dont est atteint M. B... n'est pas clairement identifiée, le suivi mis en place implique un traitement important et une surveillance très régulière sous peine de complications graves. Il suit de là, que l'appelant établit que l'absence de prise en charge de son état de santé serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, contrairement à ce qu'a pu estimer le collège de médecins de l'OFII, dont l'avis a été repris son compte par le préfet de la Sarthe. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au caractère particulier et mal identifié de la pathologie dont est porteur l'intéressé et à l'importance et la régularité du traitement et du suivi médical, la prise en charge de M. B... ne peut être assurée dans son pays d'origine. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée est intervenue en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2023.

Sur l'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B... une carte de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai d'un mois suivant la mise à disposition du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme 1500 euros hors taxe à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2301873 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 6 janvier 2023 du préfet de la Sarthe sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à M. B... une carte de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai d'un mois suivant la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1500 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELa présidente

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT02166 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02166
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CHAUVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23nt02166 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award