Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports ;
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés par le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports ; ils ont été enregistrés les 2 mars et 2 juillet 1987 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1314-81 du 23 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la REUNION a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 2 avril 1981 sur la route nationale n° 1 reliant Saint-Denis à la Possession (la Réunion) du fait de l'éboulement d'un rocher dont ont été victimes MM. Marc X..., Emilien B... et Octave BARBE, a condamné l'Etat d'une part à verser diverses indemnités aux consorts X..., aux consorts B... et à Melle Y... et, d'autre part, à rembourser la somme de 18 699,30 F à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, et a ordonné une expertise médicale avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel subi par M. Octave Y... ;
2°) de rejeter la requête des consorts X..., des consorts B... et de Melle Y... présentée devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 25 avril 1989 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me CONSOLO, avocat des consorts X..., des consorts B... et de Melle Y...,
- et les conclusions de M. ARRIGHI de CASANOVA, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dans lequel M. Marc X... et M. Emilien B... ont trouvé la mort alors qu'ils avaient pris place à bord d'une automobile conduite par M. Octave Y..., qui fut lui-même blessé, et circulant le 2 avril 1981 en direction de SAINT-PAUL sur le tronçon de la route nationale n° 1 reliant SAINT-DENIS DE LA REUNION à LA POSSESSION, a été provoqué par la chute d'un bloc de pierre qui s'est détaché de la falaise dominant la route et a écrasé en partie le véhicule avant de retomber sur les enrochements protégeant la route de la mer ;
Considérant que ni le tracé de ce tronçon de route à deux fois deux voies, ni les choix faits par l'administration en ce qui concerne les ouvrages destinés à parer aux risques de chutes de pierre ou à limiter leurs conséquences, ne révèlent un défaut d'aménagement ou un vice de conception, compte tenu notamment de la configuration des lieux ainsi que du coût et des difficultés techniques que les autres solutions envisageables auraient comporté ; que c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de la Réunion s'est fondé sur l'existence d'un vice de conception et d'un défaut d'aménagement de l'ouvrage pour faire droit à la demande des consorts X..., des consorts B... et de Melle Y... ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts X..., les consorts B... et C... BARBE soit à l'appui de leur demande devant le tribunal administratif, soit devant la cour ;
Considérant que la "route littorale" en cause est exposée, notamment par temps de pluie, à des risques de chutes de pierres provenant de la falaise dominante ; qu'en l'espèce, après une période de temps sec du 24 au 30 mars 1981, la dépression tropicale KLARA a entraîné sur l'île les 31 mars, 1er et 2 avril 1981, des chutes de pluie dont les niveaux journaliers de 38 mm, 54 mm et 49 mm étaient susceptibles, comme l'administration ne pouvait l'ignorer, d'accroître la fragilité de la falaise ; que, si la circulation avait été interdite sur les deux voies situées du côté de cette falaise, les circonstances qui viennent d'être rappelées auraient dû, en raison de l'aggravation prévisible des risques auxquels les usagers de la route étaient exposés, inciter l'autorité administrative à interdire également la circulation sur les deux autres voies pendant le temps nécessaire, sans que la gêne apportée à la circulation sur cette route importante pour l'économie de l'île ou les éventuelles récriminations des usagers puissent faire obstacle à une telle décision ; qu'en s'abstenant de prononcer cette interdiction, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a déclaré l'Etat responsable de l'accident et l'a condamné à en réparer les conséquences dommageables ;
Article 1er : La requête du ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, à Mme X..., à MM. Jean-Marc et Roger X..., à Mmes B..., D..., Z... et A... et à Melle Y....