VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 juillet 1990, présentée par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°87-10354/6 en date du 6 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme X... une indemnité de 28.000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du refus du concours de la force publique à l'éxécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion de Mme Y... d'un logement que celle-ci occupe en qualité de locataire ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 1992 :
- le rapport de M. MERLOZ, conseiller,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par jugement en date du 19 novembre 1985, le tribunal d'instance du 17ème arrondissement de Paris a ordonné l'expulsion de Mme Z... épouse Y... du logement que Mme X... lui a donné en location en vertu d'un bail du 1er août 1980, renouvelé le 1er août 1982 ; que par jugement du 6 mars 1990, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme X..., pour la période du 25 juin 1986 au 28 février 1990, une indemnité de 28.000 F en réparation du préjudice causé par le refus opposé à sa demande de concours de la force publique ;
Sur l'appel principal :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 1751 du code civil, le droit au bail du local qui sert effectivement à l'habitation des deux époux est réputé appartenir à l'un et l'autre de ceux-ci ; qu'ainsi, Mlle Z... et M. Y..., qui se sont mariés le 13 septembre 1980, et dont il n'est pas établi qu'ils ne résidaient pas effectivement dans les lieux pendant la période en cause, doivent être regardés comme titulaires, chacun à titre personnel, du bail conclu avec Mme X... pour l'occupation dudit logement ;
Considérant, d'autre part, qu'il est constant que le jugement précité du tribunal d'instance a prononcé l'expulsion de la seule Mme Y... ; que, dès lors, nonobstant la circonstance qu'il ordonne aussi l'expulsion de tous occupants du chef de Mme Y..., ce jugement n'est pas opposable à M. Y... qui reste titulaire du bail ;
Considérant enfin, que si Mme X... était fondée à se prévaloir de la décision du tribunal d'instance du 19 novembre 1985 pour solliciter le concours de la force publique en vue de l'expulsion de Mme Y..., le préfet de police de Paris ne pouvait, sans outrepasser ses pouvoirs, accorder ledit concours pour l'expulsion de M. Y... ; qu'ainsi, même si l'expulsion de Mme Y... avait été réalisée, le préjudice subi par Mme X... tant du fait de la poursuite de l'occupation des lieux que des sommes restant dues au titre du bail aurait subsisté ; que, dans ces conditions, le préjudice invoqué par Mme X... à l'appui de sa demande d'indemnité n'est pas en relation directe de cause à effet avec le refus de l'administration de prêter le concours de la force publique pour l'exécution de la décision de justice susmentionnée ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée du fait de ce refus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme X... une indemnité de 28.000 F ;
Sur les conclusions incidentes de Mme X... :
Considérant que la circonstance que le divorce des époux Y... ait été prononcé le 13 mars 1990 n'est pas de nature à justifier la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat dès lors qu'aucune décision d'expulsion n'a été prise à l'encontre de M. Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions incidentes de Mme X... doivent être rejetées tant en ce qu'elles concernent une majoration de l'indemnité sollicitée au titre de l'occupation de son logement que le versement de dommages-intérêts ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant ... les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; qu'en application de ces dispositions, Mme X..., qui succombe à l'instance, ne peut prétendre au remboursement de frais sollicité ;
Article 1er : Le jugement n° 87-10354/6 du tribunal administratif de Paris en date du 6 mars 1990 est annulé.
Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme X... et sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.