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19/12/1997 | FRANCE | N°95PA03548;96PA03644

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 19 décembre 1997, 95PA03548 et 96PA03644


(4ème Chambre)
VU I) sous le n 95PA03548, enregistré au greffe de la cour le 17 octobre 1995, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 922775-943625 en date du 4 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé la décision du 7 janvier 1992 du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Essonne enjoignant à M. et Mme X... de faire réaliser des travaux destinés à assurer l'étanchéité de la digue supportant la chaussée dit

e de l'Etang, d'autre part, annulé la contrainte d'où procède le comma...

(4ème Chambre)
VU I) sous le n 95PA03548, enregistré au greffe de la cour le 17 octobre 1995, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 922775-943625 en date du 4 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé la décision du 7 janvier 1992 du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Essonne enjoignant à M. et Mme X... de faire réaliser des travaux destinés à assurer l'étanchéité de la digue supportant la chaussée dite de l'Etang, d'autre part, annulé la contrainte d'où procède le commandement de payer émis le 15 juillet 1994 par le trésorier d'Etampes à la demande de la commune de Chalou-Moulineux, accordé aux époux X... la décharge de la somme de 36.962,50 F et condamné la commune à rembourser à ces derniers l'acompte d'un même montant déjà versé ;
2 ) de confirmer la décision du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Essonne ainsi que le commandement de payer la somme de 36.962,50 F restant due par M. et Mme X... au titre des travaux réalisés d'office ;
VU II) sous le n 95PA03644, enregistrée au greffe de la cour le 2 novembre 1995, l'ordonnance en date du 20 octobre 1995 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour de céans le jugement de la requête de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX ;
VU, enregistrés les 11 octobre 1995 et 14 février 1996, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la COMMUNE de CHALOU-MOULINEUX, représentée par son maire en exercice dûment habilité à faire appel dans la présente instance par une délibération du conseil municipal en date du 24 octobre 1995, par la SCP PEIGNOT-GARREAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement n s 922775-943625 en date du 4 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, d'une part, annulé la décision du 7 janvier 1992 du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Essonne enjoignant à M. et Mme X... de faire réaliser des travaux destinés à assurer l'étanchéité de la digue supportant la chaussée dite de l'Etang, d'autre part, annulé la contrainte d'où procède le commandement de payer émis le 15 juillet 1994 par le trésorier d'Etampes, accordé aux époux X... la décharge de la somme de 36.962,50 F et l'a condamnée à rembourser à ces derniers l'acompte d'un même montant déjà versé ;
2 ) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et d'ordonner le renvoi devant le juge judiciaire sur le fondement d'une question préjudicielle de propriété ;

VU les autres pièces du dossier ;" VU le code de la voirie routière ;
VU le code rural dans sa rédaction alors applicable, notamment ses arti-cles 103 et 106 ;
VU l'ordonnance n 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 1997 :
- le rapport de Melle PAYET, conseiller,
- les observations de la SCP PEIGNOT, GARREAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT et la requête de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX se rapportent à un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT :
En ce qui concerne sa recevabilité :
Considérant que le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT est sans intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a, respectivement, par ses articles 2, 3 et 4 condamné la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX à rembourser à M. X... la somme de 36.962,50 F, annulé la contrainte d'où procède le commandement de payer émis par le trésorier d'Etampes le 15 juillet 1994, déchargé M. X... du paiement d'une somme de 36.962,50 F ; que, dans cette mesure, les conclusions du recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT sont irrecevables ;
En ce qui concerne la mise en demeure en date du 7 janvier 1992 :
S'agissant de l'intervention de la commune :
Considérant que l'arrêt à rendre sur le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT est susceptible de préjudicier aux droits de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX ; que dès lors l'intervention de cette dernière est recevable ;
S'agissant de la légalité de la décision :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, laquelle était en vigueur à la date des faits : "La voirie des communes comprend : 1 les voies communales, qui font partie du domaine public ( ...)" ; qu'aux termes de l'article L.112-1 du code de la voirie routière : "L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'aligne-ment, soit par un alignement individuel. Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines. L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que la rue de la chaussée de l'Etang, sur le territoire de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX, a été incorporée dans la voirie communale ; qu'il s'ensuit que la digue qui sert de support à cette voie publique constitue une dépendance nécessaire et un accessoire indispensable de celle-ci sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa fonction première et antérieure à la création de cette voie était de retenir les eaux de l'étang dont M. et Mme X... sont propriétaires ; que, par ailleurs, en l'absence d'un plan d'alignement et d'un plan parcellaire qui en disposeraient autrement, les talus et accotements ainsi que les arbres qui bordent la rue de la chaussée de l'Etang ne peuvent être regardés que comme une dépendance de la voie publique alors même que les propriétaires de l'étang auraient pris certaines mesures telles que l'élagage ou la pose d'un grillage destiné à assurer la sécurité des promeneurs ; que, par suite, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Essonne ne pouvait légalement enjoindre, par décision du 7 janvier 1992, à M. X... d'effectuer des travaux d'étanchéité sur la digue relevant du domaine communal ; que, dès lors, le ministre par ses conclusions d'appel principal et la commune par ses conclusions en intervention, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé ladite décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT et les conclusions en intervention de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX doivent être rejetés ;
Sur la requête de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX :
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, même en l'absence d'acte admi-nistratif délimitant ledit domaine, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire la solution d'une question préjudicielle de propriété lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres privés dont l'examen soulève une difficulté sérieuse ; qu'il suit de là que si, au cours d'une procédure, une question de domanialité publique d'un ouvrage est soulevée, le juge administratif est compétent pour examiner le bien-fondé de cette prétention sans avoir, sous la réserve ci-dessus indiquée, à surseoir à statuer sur le litige jusqu'à ce que les tribunaux de l'ordre judiciaire se soient prononcés sur une question préjudicielle de propriété ; que, dans le présent litige, aucun titre privé n'est invoqué par les parties à l'appui de leurs prétentions contraires ; que, dès lors, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif n'aurait pas saisi le juge judiciaire d'une question préjudicielle relative à la propriété de la digue, ne peut qu'être écarté ;
Sur le fond :

Considérant que, par convention du 21 octobre 1993, M. et Mme X... se sont engagés à prendre à leur charge la somme de 73.925 F représentant le quart du coût des travaux décidés par la commune par délibération du 27 septembre 1993 pour pallier les conséquences de l'affaissement de la digue survenu le 9 mars précédent au droit du déversoir en maçonnerie implanté sous la rue de la chaussée de l'Etang, du côté de la ferme de la Bigaillerie ; que cette participation financière doit être regardée comme une offre de concours ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X... n'ont pris un tel engagement qu'à raison de ce que, sur les affirmations de l'administration, ils se sont alors estimés à tort propriétaires de la digue ; qu'il y a lieu dans ces conditions de regarder l'offre de concours comme étant entachée d'un vice de consentement qui emporte sa nullité ; qu'il s'ensuit que, d'une part, les époux X... étaient fondés à demander le remboursement du premier versement effectué en exécution de ladite convention, d'autre part, le commandement de payer la somme représentative du deuxiè-me versement à intervenir est dépourvu de base légale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la contrainte d'où procède le commandement de payer émis le 15 juillet 1994 par le trésorier d'Etampes, accordé aux époux X... la décharge de la somme de 36.962,50 F et l'a condamnée à rembourser à ces derniers l'acompte d'un même montant déjà versé ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme non comprise dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que les époux X... qui ne sont pas partie perdante à l'instance soient condamnés à payer à la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX les sommes que celle-ci réclame ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette dernière et l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, à verser, chacun, à M. et Mme X... la somme de 3.700 F ;
Article 1er : L'intervention de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX dans l'instance n 95PA3548 est admise.
Article 2 : Le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, ensemble l'intervention de la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX, d'une part, et la requête de cette dernière, d'autre part, sont rejetés.
Article 3 : L'Etat et la COMMUNE DE CHALOU-MOULINEUX sont condamnés, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à verser, chacun, à M. et Mme X... une somme de 3.700 F.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA03548;96PA03644
Date de la décision : 19/12/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DELIMITATION - DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL - BIENS FAISANT PARTIE DU DOMAINE PUBLIC ARTIFICIEL - VOIES PUBLIQUES ET LEURS DEPENDANCES - Digue servant de support à une voie communale assurant une retenue d'eau au bénéfice des propriétaires d'un étang.

24-01-01-01-01-02, 71-01-005 La digue qui sert de support à une rue incorporée dans la voirie communale constitue une dépendance nécessaire et un accessoire indispensable de celle-ci sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa fonction première et antérieure à la création de cette voie était de retenir les eaux d'un étang au bénéfice de ses propriétaires. En l'absence d'un plan d'alignement et d'un plan parcellaire qui en disposeraient autrement, les talus et accotements ainsi que les arbres qui bordent la rue doivent être regardés comme une dépendance de la voie publique, alors même que les propriétaires de l'étang auraient pris certaines mesures telles que l'élagage ou la pose d'un grillage destiné à assurer la sécurité des promeneurs. Dans ces conditions l'administration ne pouvait légalement enjoindre auxdits propriétaires d'effectuer des travaux d'étanchéité sur la digue.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - DIVERSES SORTES DE CONTRATS - OFFRES DE CONCOURS - Participation aux travaux d'entretien d'une voie communale - Auteur de l'offre se croyant propriétaire de l'assiette de la voie - Vice du consentement.

39-01-03-005, 71-02-01-03 Engagement des propriétaires d'un étang de prendre à leur charge le quart du coût des travaux décidés par délibération du conseil municipal pour remédier aux conséquences de l'affaissement de la digue retenant l'eau de l'étang. Dès lors qu'ils se sont estimés à tort propriétaires de la digue servant de support à une voie publique, qui appartient au domaine public communal, leur engagement, qui doit être regardé comme une offre de concours, est entaché d'un vice du consentement qui emporte sa nullité. Il s'ensuit, d'une part, qu'ils sont fondés à demander le remboursement du premier versement effectué en exécution de leur engagement, d'autre part, que le commandement de payer la somme représentative du deuxième versement à intervenir est dépourvu de base légale.

VOIRIE - COMPOSITION ET CONSISTANCE - DEPENDANCE DES VOIES PUBLIQUES - Digue servant de support à une voie communale assurant une retenue d'eau au bénéfice des propriétaires d'un étang.

VOIRIE - REGIME JURIDIQUE DE LA VOIRIE - ENTRETIEN DE LA VOIRIE - VOIES COMMUNALES - Participation à titre d'offre de concours - Auteur de l'offre se croyant propriétaire de l'assiette de la voie - Vice du consentement.


Références :

Code de la voirie routière L112-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Ordonnance 59-115 du 07 janvier 1959 art. 1


Composition du Tribunal
Président : M. Courtin
Rapporteur ?: Mlle Payet
Rapporteur public ?: M. Brotons

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1997-12-19;95pa03548 ?
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