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10/06/2003 | FRANCE | N°02PA00862

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 10 juin 2003, 02PA00862


Vu I°/ la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 mars 2002 sous le n° 02PA00862, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, ayant son siège social 100, avenue de Suffren 75015 Paris, par Me HOUDART, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la cour d'annuler le jugement en date du 11 décembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à payer à M. Jamal X la somme de 250 000 francs, les intérêts ayant été capitalisés, ainsi que les frais d'expertise et les frais irrépétibles, en réparation des conséquences dommageables de la c

ontamination de M. X par le virus de l'hépatite C ;

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Vu I°/ la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 mars 2002 sous le n° 02PA00862, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, ayant son siège social 100, avenue de Suffren 75015 Paris, par Me HOUDART, avocat ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la cour d'annuler le jugement en date du 11 décembre 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamné à payer à M. Jamal X la somme de 250 000 francs, les intérêts ayant été capitalisés, ainsi que les frais d'expertise et les frais irrépétibles, en réparation des conséquences dommageables de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ;

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Vu II°/ la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 janvier 2003 sous le n° 03PA00228, présentée pour M. Jamal , demeurant ..., par Me AYELA, avocat ; M. demande à la cour d'ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer, d'une part, si son état de santé s'est dégradé depuis le dépôt du rapport d'expertise et, d'autre part, si la réalisation d'une biopsie du foie est nécessaire pour déterminer s'il peut bénéficier d'une nouvelle transplantation rénale et si son état de santé implique une double transplantation, hépatique et rénale ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 modifiée ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, et notamment son article 18 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2000 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 102 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 26 mai 2003 :

- le rapport de M. LUBEN, premier conseiller ;

- les observations de Me BONNETON, avocat, pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, celles de Me FAYAT, avocat, pour M. X,

- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 02PA00862, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et n° 03PA00228, présentée pour M. , sont relatives aux conséquences d'une même contamination virale et qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur l'intervention :

Considérant que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG se prévaut, en application de l'article 18 de la loi susvisée du 1er juillet 1998, de droits auxquels la décision à venir est susceptible de préjudicier ; que son intervention est recevable ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que M. , qui souffrait d'une néphronophtisie, pathologie rénale à l'origine d'une insuffisance rénale chronique, a subi le 17 août 1985 à l'hôpital Necker une greffe rénale, qui a été préparée immunologiquement par l'administration de produits sanguins fournis par le centre de transfusion sanguine de l'hôpital Necker ; qu'ainsi trois concentrés globulaires ont été délivrés à l'attention de M. et effectivement transfusés les 20 mai 1983, 16 novembre 1983 et 18 avril 1984 ; que, lors de la transplantation rénale, sept concentrés globulaires ont été délivrés et cinq concentrés globulaires lui ont été effectivement transfusés ; que l'enquête transfusionnelle n'a pas permis d'établir l'innocuité des concentrés globulaires transfusés les 20 mai 1983, 16 novembre 1983 et 18 avril 1984, et n'a permis d'établir l'innocuité que de trois des sept concentrés globulaires délivrés lors de la transplantation rénale du 17 août 1985 ; que si la sérologie positive de M. à l'égard du virus de l'hépatite C n'a été mise en évidence qu'en avril 1991, soit plusieurs années après les transfusions incriminées, cette circonstance ne saurait permettre d'établir que lesdites transfusions n'étaient pas à l'origine de la contamination virale, M. ayant pu présenter jusqu'en 1990, comme le relève l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG lui-même, qu'une hépatite chronique dite à ALAT normales ; que si l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui s'est substitué à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris dans ses obligations relatives à l'indemnisation des victimes de transfusions sanguines, soutient que M. a pu être contaminé par le virus de l'hépatite C soit lors des interventions orthopédiques qu'il a subies entre juin 1982 et mai 1983, soit lors des séances de dialyse péritonéale réalisées au Maroc, soit lors des séances d'hémodialyse, soit lors de la transplantation rénale effectuée le 17 août 1985, il se borne à produire des données statistiques et n'établit pas que les interventions chirurgicales et les actes médicaux pratiqués sur le requérant et la manière dont étaient alors respectées les règles d'asepsie et d'hygiène en milieu hospitalier, y compris au Maroc, auraient comporté, par elle-mêmes et indépendamment des transfusions, un risque majeur de contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'enfin, la circonstance que le Maroc, dont M. est ressortissant et où il a séjourné avant la révélation de sa contamination, doit être regardé comme un pays de forte prévalence du point de vue du virus de l'hépatite C n'est pas de nature à établir, à elle seule, que la contamination virale de M. aurait une autre origine que les transfusions incriminées ; que, dans ces conditions, et en l'absence d'identification d'autres modes de contamination propres à la victime, le lien de causalité entre les transfusions dont M. a fait l'objet avant et durant son séjour à l'hôpital Necker et sa contamination par le virus de l'hépatite C doit être tenu pour établi ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est engagée à l'égard de M. du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Sur la demande d'expertise complémentaire :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ;

Considérant que M. , qui soutient qu'une expertise médicale complémentaire serait utile eu égard à l'évolution de son état de santé, se borne à produire, à l'appui de son affirmation, une lettre en date du 19 novembre 2002 du chef du service d'hépatologie de l'hôpital Necker, précisant qu' il n'est pas certain que la situation hépatique de Monsieur X nécessite une double transplantation. Il serait important que nous puissions effectuer une nouvelle biopsie hépatique car il se peut que son foie soit réparé par rapport à la précédente hospitalisation et qu'il ne faille alors plus qu'envisager une transplantation rénale simple. ; que M. ne produit aucun élément nouveau indiquant que son état de santé se serait aggravé du seul fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C depuis le rapport d'expertise déposé le 24 septembre 1998 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'une expertise complémentaire serait inutile ; que, par suite, il y a lieu de rejeter ladite demande d'expertise médicale complémentaire ;

Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. , qui présentait une hépatite active, a subi en 1992 un traitement à l'Interféron, qui dut être interrompu en raison de ses répercussions sur le fonctionnement rénal du patient ; que le traitement immuno-suppressseur qu'il suivait, nécessaire à la tolérance du greffon, a été arrêté en 1997 en raison de son effet aggravant sur son état hépatique ; qu'il a suivi alors un traitement à la Ribavirine qui améliora son état hépatique en 1998 ; que toutefois, en raison du rejet chronique du transplant rénal, M. a du à nouveau subir des séances d'hémodyalises ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des troubles dans ses conditions d'existence en raison des traitements qu'il a subis, des craintes légitimes qu'il peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé et des répercussions induites par son hépatite sur son état rénal, de son préjudice esthétique ainsi que des souffrances qu'il a subies du fait des biopsies hépatiques chirurgicales et de son préjudice d'agrément, en portant à 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de sa réclamation préalable en date du 24 décembre 1997, la somme 250 000 francs que les premiers juges lui avaient allouée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à payer à M. Jamal la somme de 3 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est admise.

Article 2 : La somme de 250 000 francs que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à payer à de M. Jamal par le jugement du tribunal administratif de Paris est portée à 50 000 euros ; cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris de la réclamation préalable en date du 24 décembre 1997.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Les conclusions de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et le surplus des conclusions de M. Jamal sont rejetés.

Article 5 : La requête n° 03PA00228 présentée par M. Jamal est rejetée.

Article 6 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera à M. Jamal la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 02PA00862

N° 03PA00228

Classement CNIJ : 61-05-01

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA00862
Date de la décision : 10/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. LUBEN
Rapporteur public ?: M. LAURENT
Avocat(s) : AYELA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-06-10;02pa00862 ?
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