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30/12/2005 | FRANCE | N°02PA01928

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 30 décembre 2005, 02PA01928


Vu, I, sous le n° 02PA01928, la requête enregistrée le 29 mai 2002 ; présentée pour M. et Mme Jean X, par Me Camps, demeurant ... en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fille Adeline, ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en date du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a jugé le département des Hauts-de-Seine, en sa qualité de gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine d'Asnières, et l'Etablissement français du sang, venant aux droits du centre de transfusion sanguine de l'hôp

ital Foch, responsables de la contamination de M. X par le virus de l'h...

Vu, I, sous le n° 02PA01928, la requête enregistrée le 29 mai 2002 ; présentée pour M. et Mme Jean X, par Me Camps, demeurant ... en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fille Adeline, ; M. et Mme X demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement en date du 26 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a jugé le département des Hauts-de-Seine, en sa qualité de gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine d'Asnières, et l'Etablissement français du sang, venant aux droits du centre de transfusion sanguine de l'hôpital Foch, responsables de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C et les a condamnés à verser conjointement et solidairement à M. X une somme de 15 000 euros, à Mme X une somme de 3 000 euros, et à M. et Mme X en leur qualité de représentants légaux de leur fille Adeline une somme de 1 500 euros, lesdites sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2000 ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang et le département des Hauts-de-Seine à payer à M. X une somme de 76 224,50 euros au titre de son préjudice d'agrément, une somme de 7 622,45 euros au titre des souffrances endurées ainsi qu'une somme de 81 758,52 euros au titre de son préjudice économique ;

3°) de condamner l'Etablissement français du sang et le département des Hauts-de-Seine de leur payer une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2005 :

- le rapport de M. Amblard, rapporteur,

- les observations de Me Perinetti pour l'Etablissement français du sang,

- et les conclusions de Mme Helmlinger, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Considérant que le désistement de l'Etablissement français du sang de la requête enregistrée sous le n° 02PA2192 est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Considérant que M. X a été hospitalisé au centre médico-chirurgical Foch du 24 août au 22 décembre 1989 pour y subir les interventions rendues nécessaires par une pancréatite aigue hémorragique et nécrosante ; que lors de ces interventions M. X a reçu 111 produits sanguins provenant du centre de transfusion de l'hôpital Foch, du centre départemental de transfusion sanguine des Hauts-de-Seine et du centre départemental de transfusion sanguine de l'hôpital Saint-Antoine ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 susvisée : « Les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés (...) par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'Etablissement français du sang en vertu d'une convention conclue en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l'article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 visée ci-dessus relèvent de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'Etablissement français du sang vient aujourd'hui aux droits et obligations du centre médico-chirurgical Foch ainsi que du centre départemental de transfusion sanguine de l'hôpital Saint-Antoine ; que si la responsabilité de l'Etablissement français du sang en qualité de coauteur de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C est établie, ce dernier peut solliciter de la juridiction administrative la condamnation dudit Etablissement français du sang à l'indemniser de la totalité des préjudices qui résulteraient de ladite contamination ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, applicables à l'époque des faits, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.» ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non pas seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le Tribunal administratif de Paris que la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C, en l'absence d'autres facteurs de contamination possibles, doit être imputée aux transfusions massives de produits sanguins lors de son hospitalisation au centre médico-chirurgical Foch du 24 août au 22 décembre 1989 ; qu'en raison du nombre des produits sanguins administrés et du temps qui s'était écoulé entre l'hospitalisation de M. X et les opérations d'expertise, il n'a pas été possible de mener à bien une enquête transfusionnelle exhaustive ; que toutefois, il serait aujourd'hui frustratoire d'ordonner un supplément d'expertise à cette fin ; qu'en tout état de cause le département des Hauts-de-Seine et l'Etablissement français du sang ne produisent devant la cour aucun élément susceptible de fournir, comme cela leur incombe, la preuve de l'innocuité des produits sanguins fournis respectivement par le centre départemental de transfusion sanguine des Hauts-de-Seine, le centre de transfusion de l'hôpital Foch et le centre départemental de transfusion sanguine de l'hôpital Saint-Antoine ; que de même, le département et l'Etablissement français du sang n'établissent pas que la contamination de M. X trouverait son origine dans une autre voie de transmission du virus ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre les transfusions et la contamination de M. X doit être regardé comme établi ; que, dès lors, le département des Hauts-de-Seine et l'Etablissement français du sang ne sont pas fondés à solliciter la réformation du jugement entrepris en tant que ledit jugement a retenu leur responsabilité dans la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il résulte du rapport de l'expert que M. X, qui était âgé de 49 ans au moment de sa contamination, est actuellement porteur d'une hépatite chronique modérée d'évolutivité non totalement stabilisée après traitement et qu'il est en phase de rémission, sous simple contrôle clinique et biologique ; que M. X fait état d'une asthénie psychique et intellectuelle sans exprimer de doléances d'asthénie physique ; que les souffrances physiques qu'il a endurées peuvent être évaluées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que, dans l'état actuel de la science, le risque couru par M. X de développer une cirrhose dans un délai de 10 à 20 ans a été estimé à 20 % ; que, dans ces circonstances, les premiers juges ont fait une juste appréciation des souffrances physiques et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence subis par M. X, compte tenu notamment des craintes légitimes qu'il peut entretenir quant à l'évolution de son état de santé, en fixant à la somme de 15 000 euros, augmentée des intérêts de droit, le montant de l'indemnité due à ce titre ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il résulte du rapport de l'expert que M. X avait, en 1990, repris normalement son travail ; qu'entre février 1990 et janvier 2000 le traitement de son hépatite virale n'a nécessité, selon l'expert, que quinze jours d'arrêt de travail ; que M. X ne conteste pas qu'il a bénéficié en 1996 d'un plan social de son employeur et de mesures de préretraite ; que, dans ces circonstances, M. X n'établit pas qu'il a été contraint de travailler à mi-temps avant de prendre sa retraite du fait des conséquences de son infection par le virus de hépatite C ; qu'il n'est donc pas fondé à solliciter la réformation du jugement entrepris en tant que ledit jugement a rejeté les conclusions dont il avait saisi les premiers juges et tendant à la réparation de son préjudice économique résultant d'une part de ses pertes de traitement et d'autre part de ses pertes de retraite ;

Considérant, en troisième lieu, que les premiers juges, en accordant respectivement à l'épouse et à la fille de M. X une indemnité de 3 000 euros et de 1 500 euros ont fait une juste appréciation des préjudices subis par ces dernières du fait de la contamination de leur époux et père ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et consorts et le département des Hauts-de-Seine et l'Etablissement français du sang ne sont pas fondés à solliciter la réformation du jugement entrepris ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise à la charge et l'Etablissement français du sang ;

Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE :

Considérant que si la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES, pas plus devant la cour que devant les premiers juges, ne fournit de justificatif à l'appui de ses conclusions tendant au remboursement des prestations servies à M. X ; que notamment elle n'indique pas en quoi les soins dont elle demande le remboursement seraient la conséquence de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C ; que dès lors ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ; que ces dispositions font obstacle à ce que le département des Hauts-de-Seine et l'Etablissement français du sang, qui n'ont pas dans la présente espèce la qualité de partie perdante, soient condamnés à payer conjointement et solidairement à M. X la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 février 2002 est annulé en tant qu'il a condamné le département de Hauts-de-Seine conjointement et solidairement avec l'Etablissement français du sang, d'une part, à verser à M. X une somme de 15 000 euros, à Mme X une somme de 3 000 euros, et à M. et Mme X, en leur qualité de représentants légaux de leur fille Adeline, une somme de 1 500 euros, d'autre part, à prendre en charge conjointement et solidairement les frais d'expertise, et enfin, à payer conjointement et solidairement aux consorts X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative lesdites sommes devant être mises à la charge exclusive de l'Etablissement français du sang .

Article 2 : La requête des consorts X est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes du département des Hauts-de-Seine et de l'Etablissement français du sang est rejeté.

Article 4 La requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE-MALADIE est rejetée.

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Nos 02PA01928, 01PA02192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA01928
Date de la décision : 30/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. François AMBLARD
Rapporteur public ?: Mme HELMLINGER
Avocat(s) : CAMPS ET GUILLERMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-30;02pa01928 ?
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