La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2006 | FRANCE | N°03PA02762

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 24 février 2006, 03PA02762


Vu I°) la requête, enregistrée le 11 juillet 2003 au greffe de la cour sous le n°03PA02762, présentée pour la société SETUCAF, nouvellement dénommée SOCIETE SOMDIAA , dont le siège social est situé ..., par Me Y..., avocat ; la société SETUCAF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9616706/1 en date du 3 juin 2003 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 ;
<

br>2°) de lui accorder la réduction des impositions contestées ;

---------------------...

Vu I°) la requête, enregistrée le 11 juillet 2003 au greffe de la cour sous le n°03PA02762, présentée pour la société SETUCAF, nouvellement dénommée SOCIETE SOMDIAA , dont le siège social est situé ..., par Me Y..., avocat ; la société SETUCAF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9616706/1 en date du 3 juin 2003 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 ;

2°) de lui accorder la réduction des impositions contestées ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu II°) la requête, enregistrée le 13 novembre 2003 au greffe de la cour sous le n°03PA04281, présentée pour la société SETUCAF, nouvellement dénommée SOCIETE SOMDIAA , dont le siège social est situé ..., par Me Y..., avocat ; la société SETUCAF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9902677/1 en date du 7 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 mises en recouvrement le 31 juillet 1998 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 3 février 2006 :

- le rapport de Mme Evgenas, rapporteur,

- les observations de Me Guillaume Z..., pour la SA SETUCAF devenue SA SOMDIAA,

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées introduites par le même contribuable, la société SETUCAF, soulèvent, en partie, les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en relevant qu'en se bornant à faire état des difficultés financières de sa filiale la société NOSUCA, la société SETUCAF ne justifiait pas d'une contrepartie financière à la renonciation aux intérêts sur l'avance consentie, les premiers juges qui ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés ont suffisamment répondu au moyen de la société requérante tiré de ce qu'elle aurait agi dans le cadre d'une gestion normale de ses intérêts financiers ; que par suite, le jugement attaqué en date du 7 octobre 2003 n'est pas entaché d'une omission à statuer sur ce point ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (…) b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (…) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit … » ;

Considérant qu'en estimant que le courrier du 30 juin 1988 par lequel la société SETUCAF a indiqué à sa filiale, la société SOMDIAA, qu'elle se substituait à elle en qualité de caution de X... FRANCE auprès de la société CATC, ne créait aucune obligation juridique à la charge de la requérante dès lors que ce document interne n'avait pas obtenu l'aval du créancier et du cautionné auxquels d'ailleurs il n'avait pas été communiqué, l'administration s'est bornée à donner une analyse de l'opération différente de celle retenue par la société requérante sans écarter l'acte en cause comme fictif ou établi dans le seul but d'éluder l'impôt ; que par suite, elle n'était pas tenue de recourir à la procédure de répression des abus de droit ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté ;

Sur le bien fondé :

En ce qui concerne la provision pour garantie de caution :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables… » ; qu'il appartient au contribuable de justifier du bien fondé des provisions ainsi constituées en franchise d'impôt ;

Considérant que par courrier interne du 30 juin 1988 adressée à sa filiale, la société SOMDIAA, la société SETUCAF s'est substituée à cette société auprès de la société CATC en qualité de caution de la société X... France ; qu'il est constant que les sociétés X... FRANCE et CATC n'ont pas agréé cet accord qui, au demeurant, n'a pas été porté à leur connaissance ; qu'à la clôture de l'exercice 1989, la société SETUCAF a constitué une provision pour risque de mise en jeu de la garantie de caution d'un montant de 7 848 198 F ; qu' en raison de la défaillance de la société X... FRANCE, la société SOMDIAA, a exécuté en janvier 1990 son engagement de caution auprès de CATC au moyen de l'avance mise à sa disposition en compte courant par la société requérante ; que le service a remis en cause la déduction de la provision pour risque ;

Considérant que l'accord de substitution de caution n'étant conclu qu'entre la société SETUCAF et sa filiale sans l'aval du créancier et du cautionné, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'il ne créait aucune obligation juridique entre la société SETUCAF et les sociétés X... FRANCE et CATC alors même que ces sociétés auraient pu avoir indirectement connaissance de cet accord ; que l'opération sus décrite doit donc être regardée, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, comme une simple avance accordée par la société SETUCAF à sa filiale ; que, par suite, la société requérante ne justifiant pas d'éléments qui, à la clôture de l'exercice 1989 auraient rendu probable la perte de l'avance consentie à sa filiale afin de lui permettre d'honorer son engagement de caution ni d'ailleurs que ladite avance répondait à l'intérêt de sa propre exploitation, elle n'établit pas le bien fondé de cette provision ;

En ce qui concerne la reprise d'intérêts sur les avances accordées par la société SETUCAF :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les prêts sans intérêt ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration a réintégré au résultat imposable de la société SETUCAF les intérêts non facturés en 1990 sur l'avance consentie à la société SOMDIAA pour lui permettre d'honorer son engagement de caution au profit de X... FRANCE ; qu'en invoquant l'intérêt commercial du groupe à venir en aide à cette société en difficulté, elle ne justifie pas de son intérêt propre à consentir une avance sans intérêt à sa filiale, la société SOMDIAA, seule société s'étant portée juridiquement caution ; que si elle soutient que la renonciation aux intérêts lui aurait permis d'acquérir les actions X... à 10% de leur valeur, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; que, par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que cette renonciation aux intérêts sur avance n'a pas été consentie dans le cadre d'une gestion normale ; que la société SETUCAF ne saurait donc prétendre à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en résultant au titre de l'année 1990 ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a réintégré aux résultats imposables de la société SETUCAF au titre des années 1989 et 1990 les intérêts contractuellement prévus sur les créances d'un montant total de 18 663 600 F détenues sur sa filiale, la Société Camerounaise de Minoterie, SCM, et qui n'avaient pas été facturés à cette société ; que si la société requérante invoque l'importance du chiffre d'affaires réalisé au Cameroun et soutient qu'elle souhaitait éviter la liquidation de cette société et préserver ainsi un courant d'affaires préexistant, il est constant qu'elle a cessé ses relations commerciales avec la SCM dès 1989 et a pris de nouvelles participations dans d'autres minoteries ; qu'elle ne justifie pas que la facturation des intérêts prévus au contrat aurait mis en péril, comme elle l'invoque, ses relations avec l'Etat camerounais actionnaire pour 53% de la SCM ; qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir les difficultés de trésorerie de sa filiale et démontrer qu'elle aurait agi ainsi pour la préservation de ses actifs ; que, dans ces conditions, elle ne justifie pas qu'elle a retiré de sa renonciation à percevoir les intérêts litigieux une contrepartie commerciale ou financière ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve que l'abandon d'intérêts consenti par la société SETUCAF à la SCM constitue un acte anormal de gestion ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a réintégré aux résultat imposables des années 1989, 1990, 1994 et 1996 les intérêts de 15, 60% prévus contractuellement sur les créances détenues sur les sociétés guinéennes, SOADECO et EGIC SA et qui n'avaient pas été facturés ; que, cependant, l'administration a tenu compte du protocole d'accord conclu avec l'Etat guinéen le 3 décembre 1986 pour le remboursement des dettes de SOADECO et ramené le taux d'intérêt à 12%, comme prévu audit contrat pour les sommes dues sur les fournitures de biens, ainsi que l'expose la notification de redressement du 17 décembre 1992 relative aux années 1989 et 1990 ; que par suite, la société SETUCAF ne saurait soutenir que cet accord la dispensait de la facturation de tout intérêt ; que si elle invoque également l'accord conclu avec l'Etat guinéen le 7 avril 1987 prévoyant le seul remboursement des dettes en principal de la société SOADECO à l'exclusion de tout intérêt, il résulte de l'instruction que cette convention a été conclue avec la société SOMDIAA et non avec la société requérante et qu'aucun élément ne démontre qu'il portait sur les créances détenues par la société SETUCAF ; qu'en se bornant à soutenir que les sociétés d'Etat SOADECO et EGIC SA intervenaient dans une zone privilégiée pour sa propre exploitation, sans apporter d'élément précis sur l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec ces sociétés, alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que la société SETUCAF a cessé toutes relations commerciales avec elles, la société SETUCAF ne justifie pas qu'elle a retiré de sa renonciation à percevoir les intérêts litigieux une contrepartie commerciale ; que la circonstance qu'elle rencontrait des difficultés pour recouvrer ses créances au principal, si elle l'autorisait à constituer une provision pour créance douteuse à hauteur des intérêts contractuellement prévus sur lesdites créances, ne saurait justifier, à elle seule, la renonciation à percevoir les intérêts litigieux ; que par suite, l'administration qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, n'était pas tenue de saisir spontanément la commission départementale des impôts de ce litige doit être regardée comme apportant la preuve que l'abandon d'intérêts consenti par la société SETUCAF à SOADECO et EGIC SA constitue un acte anormal de gestion ;

Considérant qu'en 1990, la société SETUCAF a consenti à sa filiale établie au Cameroun, la société NOSUCA, dont elle détenait 45% du capital, des avances en compte courant d'un montant de 2 400 000 F ; que l'administration a réintégré aux résultats imposables des exercices clos en 1994,1995 et 1996 les intérêts au taux de 12% prévus contractuellement et qui n'avaient pas été facturés ; que toutefois afin de tenir compte de la dévaluation du franc CFA, elle a ramené la créance en principal à la somme de 1 200 000 F et le montant des intérêts, objet du redressement, à 144 000 F par an ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des bilans de NOSUCA que la situation nette de la société était largement négative au titre des trois exercices en litige, qu'elle a enregistré des résultats déficitaires importants au titre de ces périodes, que le montant des emprunts était très élevé et que sa trésorerie résultait d'avances bancaires à très court terme ; que par ces éléments non contestés par l'administration fiscale, la société SETUCAF établit qu'en procédant à la renonciation des intérêts litigieux, elle a agi pour la préservation de ses actifs dans le cadre d'une gestion normale de ses intérêts financiers ; que par suite, elle peut prétendre à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration desdits intérêts dans ses résultats imposables des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions (…) ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code précité vise à réparer les préjudices de toute nature subis par l'État à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que le moyen tiré de ce que les intérêts de retard mis à la charge de la société SETUCAF constitueraient une sanction irrégulière et devraient par suite être réduits au montant de l'intérêt légal doit dès lors être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SETUCAF, nouvellement dénommée SOMDIAA, est seulement fondée à prétendre à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration des intérêts sur les avances NOSICA dans ses résultats imposables des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 pour un montant en base de 144 000 F par an ; que le surplus des conclusions de ses requêtes doit être rejeté ;

Sur les conclusions de la société SETUCAF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, verse à la société SETUCAF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société SETUCAF, nouvellement dénommée SA SOMDIAA, au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 sont réduites d'une somme de 144 000 F par an.

Article 2 : la société SETUCAF peut prétendre à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la réduction de base décidée à l'article 1er ci-dessus

Article 3 : le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 7 octobre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt

Article 4 : le surplus des conclusions des requêtes de la société SETUCAF doit être rejeté

2

Nos 03PA02762,03PA04281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 03PA02762
Date de la décision : 24/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: Mme Janine EVGENAS
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : DELCLUZE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-02-24;03pa02762 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award