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06/12/2007 | FRANCE | N°06PA03370

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre - formation a, 06 décembre 2007, 06PA03370


Vu le recours, enregistré le 15 septembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9909864 du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre à la charge de la fondation ledit prélèvement ;

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Vu le recours, enregistré le 15 septembre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9909864 du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ;

2°) de remettre à la charge de la fondation ledit prélèvement ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale conclue le 16 mars 1973 entre le République française et les Pays-Bas ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Dely, rapporteur,

- les observations de Me Le Roux, pour la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress,

- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress, dont le siège est aux Pays-Bas, a procédé, le 19 janvier 1996, à la cession des droits sociaux qu'elle détenait dans la société française Orion ; qu'elle a acquitté, à cette occasion, le prélèvement d'un tiers sur la plus-value résultant de cette cession prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, pour un montant de 171 325 euros ; qu'elle en a demandé la restitution au motif que cet article méconnaissait la clause de non-discrimination prévue par les stipulations de l'article 25 de la convention franco-néerlandaise ; que le ministre fait appel du jugement du 29 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress dudit prélèvement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3 IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif (...). 5. Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics - autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance - ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis audit impôt en raison : a. De la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires, et de ceux auxquels ils ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter (1) ; b. De l'exploitation des propriétés agricoles ou forestières ; c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent - à l'exception des dividendes des sociétés françaises - lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis ; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut ; d. Des dividendes des sociétés immobilières et des sociétés agréées visées aux 3° ter à 3° sexies de l'article 208 et à l'article 208 B perçus à compter du 1er janvier 1987. Ces dividendes sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « I. Sous réserve des conventions internationales, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, et les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France, sont soumis à un prélèvement d'un tiers sur les plus-values résultant de la cession d'immeubles, de droits immobiliers ou d'actions et parts de sociétés non cotées en bourse dont l'actif est constitué principalement par de tels biens et droits. Cette disposition n'est pas applicable aux cessions d'immeubles réalisées par des personnes physiques ou morales ou des organismes mentionnés à la phrase précédente, qui exploitent en France une entreprise industrielle, commerciale ou agricole ou y exercent une profession non commerciale à laquelle ces immeubles sont affectés. Les immeubles doivent être inscrits, selon le cas, au bilan ou au tableau des immobilisations établis pour la détermination du résultat imposable de cette entreprise ou de cette profession... II. Le prélèvement mentionné au I est libératoire de l'impôt sur le revenu dû en raison des sommes qui ont supporté ce prélèvement...» ;

Considérant qu'aux termes de l'article 25 de la convention fiscale signée entre la France et les Pays-Bas le 16 mars 1973 : « I- Les nationaux de l'un des Etats, qu'ils soient résidents dudit Etat ou non, ne sont soumis dans l'autre Etat à aucune imposition ou obligation y relative qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation II- Le terme nationaux désigne toutes les personnes morales, sociétés de personnes et associations constituées conformément à la législation en vigueur dans un des deux Etats » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les ressources de la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress, de droit néerlandais, constituées de ses revenus de placements, des cotisations des employeurs et de leurs salariés adhérents de ce fonds de pension, sont exclusivement affectées à des investissements dont les produits financent les diverses prestations sociales qu'elle sert à ses assurés, à l'exclusion de toute distribution de résultats ; que, dans ces conditions, cette fondation, gérant un régime de retraite et de prévoyance, doit être regardée comme ayant un objet social à but non lucratif ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts que sont soumis au prélèvement qu'elles instituent les personnes morales ou organismes dont le siège social est situé hors de France ; que, par suite, la différence de traitement qu'instaurent ces dispositions est fondée, s'agissant des personnes morales, sur le lieu de leur siège social qui détermine leur nationalité ;

Considérant qu'en vertu des 1° et 5° de l'article 206 du code général des impôts précité, une institution française à but non lucratif gérant un régime de retraite et de prévoyance procédant à la cession de droits sociaux qu'elle détiendrait dans une société française ne serait pas assujettie à l'impôt sur les sociétés sur l'éventuelle plus-value réalisée ; que, dès lors, la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été, en ce qui concerne l'opération génératrice du prélèvement litigieux, dans une situation différente de celle d'institutions françaises réalisant le même type d'opérations, est fondée à soutenir qu'en lui appliquant les dispositions de l'article 244 bis A précité du code général des impôts, l'administration l'a soumise, en raison de sa nationalité, à une imposition autre ou plus lourde que celle à laquelle aurait été assujettie une institution française gérant un régime de retraite et de prévoyance qui aurait réalisé la même opération imposable et a ainsi méconnu la clause de non-discrimination prévue par les stipulations de l'article 25 précité de la convention franco-néerlandaise susvisée ;

Considérant, en troisième lieu, que le ministre soutient que la clause de non-discrimination ne s'applique pas aux personnes morales à but non lucratif en se référant au paragraphe 6 des commentaires de l'OCDE sur le modèle de convention fiscale, qui précise que la clause de non-discrimination « n'implique pas non plus qu'un Etat accordant des avantages fiscaux spéciaux à des établissements privés n'ayant pas un but lucratif et dont l'activité s'exerce pour des fins d'utilité publique qui lui sont propres, soit tenu de faire bénéficier des mêmes avantages les établissements similaires dont l'activité n'est pas appelée à lui bénéficier » ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intention des parties à la convention fiscale franco-néerlandaise aurait été de donner aux stipulations de l'article 25 de ladite convention la portée résultant de ces commentaires supplémentaires ; qu'enfin le ministre ne saurait, en tout état de cause, invoquer les dispositions du paragraphe 8 de ces commentaires, qui sont postérieures auxdites stipulations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal a accueilli les conclusions de la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et l'a déchargée du prélèvement auquel elle avait été assujettie ;

Considérant, au surplus, qu'il résulte de la jurisprudence de la CJCE, et notamment du point 32 de la décision n° 386/04 du 14/9/06, Centro di musicologia Walter Stauffer, que la différence de traitement instituée par les dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts entre les organismes à but non lucratifs résidents ou non résidents doit, sauf à méconnaître les dispositions du traité des communautés européennes relatives à la libre circulation des capitaux, être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ou concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ; que, d'une part, la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress n'étant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans une situation différente des institutions françaises à but non lucratif gérant un régime de retraite et de prévoyance, elle est donc, en tout état de cause, placée dans une situation objectivement comparable à ces dernières ; que, d'autre part, si le ministre relève que lesdites institutions assurent des missions de service public, cette circonstance ne saurait établir une raison impérieuse d'intérêt général permettant de déroger au principe de libre circulation des capitaux institué par l'article 56 du traité des communautés européennes;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1996 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la Fondation Stichting Unilever Pensioenfonds Progress une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 06PA03370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 06PA03370
Date de la décision : 06/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: Mme Isabelle DELY
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : BEETSCHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2007-12-06;06pa03370 ?
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