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16/09/2008 | FRANCE | N°08PA00745

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 16 septembre 2008, 08PA00745


Vu, la requête enregistrée le 14 février 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717168/7-2 du 8 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 2 octobre 2007 portant retrait de titre de séjour, faisant obligation à Mme Fenglan Y de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme Y ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des...

Vu, la requête enregistrée le 14 février 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717168/7-2 du 8 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 2 octobre 2007 portant retrait de titre de séjour, faisant obligation à Mme Fenglan Y de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande de Mme Y ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Monchambert, rapporteur,

- les observations de Me François, pour Mme Y,

- et les conclusions de M. Marino, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir soulevée par Mme Y :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-2 du code de justice administrative : Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE POLICE le 14 janvier 2008 ; que, dans ces conditions, le délai d'appel fixé par l'article R. 775-2 précité n'était pas expiré quand le préfet a présenté le 14 février 2008, sa requête d'appel par voie de télécopie, la requête étant régularisée par l'enregistrement de l'original le 18 février 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : « Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close [ ... ] » ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : « Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne [ ... ] » ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction [ ... ] » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 du code de justice administrative ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visé et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débat contradictoire ;

Considérant, en premier lieu, que le PREFET DE POLICE a produit son premier mémoire en défense le 4 décembre 2007, veille de la date fixée pour la clôture d'instruction par l'ordonnance du 15 novembre 2007 ; qu'à la suite de la réouverture de l'instruction par une ordonnance du 5 décembre, Mme Y a répliqué le 18 décembre 2007 et produit le surlendemain un bordereau de 27 pièces jointes postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours avant le 21 décembre 2007, date de l'audience publique, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ; que, par suite, les premiers juges ont pu, sans entacher la régularité du jugement, après avoir pris connaissance du mémoire et l'avoir visé en relevant qu'il contenait les mêmes moyens que la requête, décider de ne pas procéder à sa communication ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y a, après l'audience, adressé au tribunal une note en délibéré enregistrée le 31 décembre 2007 à laquelle était jointe une copie de la décision rendue par la 31ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris le 18 octobre 2007 ; que ce faisant, la requérante qui avait d'ailleurs fait référence au quantum de la condamnation prononcée à son encontre dans sa requête introductive d'instance, n'a exposé aucune circonstance de fait dont elle n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite, ni aucune circonstance de droit nouvelle ou que le juge devait relever d'office ; que par suite, les premiers juges ont pu, sans entacher la régularité du jugement, après avoir pris connaissance de la note en délibéré et l'avoir visée sans l'analyser, se dispenser de rouvrir l'instruction avant de rendre leur décision ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la requête présentée par Mme Y qu'elle a soulevé un moyen tiré de ce que la décision attaquée emporte des conséquences excessives au regard du fait qu'elle vit en France depuis quatorze ans avec son mari titulaire d'une carte de résident et ses cinq enfants tous également titulaires d'un statut de résident ; que le PREFET DE POLICE a répondu à ce moyen qu'il a analysé comme étant tiré de ce que « la décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation notamment au regard de ses attaches en France » ; que dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur lequel le tribunal s'est fondé pour prendre sa décision, n'était pas soulevé, nonobstant la circonstance que la requérante n'avait pas expressément visé ledit article ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail [...] » ; qu'aux termes de l'article L. 341-6 du code du travail alors applicable : « Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu à l'alinéa précédent [...] » ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite, le 31 juillet 2007, du contrôle par un agent de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'établissement de restauration dont Mme Y était la gérante de droit, celle-ci a été interpellée pour travail dissimulé par dissimulation de salariés, emploi d'étrangers sans titre de travail, exercice et complicité d'activité commerciale sans autorisation et inscription mensongère au tribunal de commerce ; qu'elle a été condamnée, par un jugement de la 31ème chambre du Tribunal correctionnelle de Paris du 18 octobre 2007, à un mois d'emprisonnement avec sursis, cette peine étant assortie d'une interdiction de trois ans de diriger, gérer et administrer toute SARL de restauration ; qu'en application des articles L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 341-6 du code du travail précités et après avoir mis à même Mme Y de présenter ses observations, le PREFET DE POLICE a procédé, le 2 octobre 2007, au retrait de la carte de résident de l'intéressée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que s'il est constant que Mme Y a, ainsi qu'il a été dit, fait l'objet d'une condamnation pénale à raison des infractions commises au regard de la législation du travail autorisant le retrait de la carte de résident, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée vit en France avec son époux et leurs cinq enfants depuis 1994 et que tous sont titulaires d'une carte de résident ; que dans ces conditions, la mesure de retrait de carte de résident prise à son encontre a, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que dès lors, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, les premiers juges ont annulé l'arrêté du 2 octobre 2007 au motif qu'il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 2 octobre 2007 et lui a fait injonction de restituer à Mme Y son titre de séjour ;

D E C I D E

Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.

2

N° 08PA00745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA00745
Date de la décision : 16/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. MARINO
Avocat(s) : SCHINAZI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-09-16;08pa00745 ?
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