La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2008 | FRANCE | N°08PA00870

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 08 décembre 2008, 08PA00870


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2007, complétée par les mémoires complémentaires enregistrés les 18 et 28 avril 2008, présentés pour M. Simballa X, élisant domicile ..., par Me Taelman ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704386/6 du 4 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande visant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2007 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le

pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les trois décisio...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2007, complétée par les mémoires complémentaires enregistrés les 18 et 28 avril 2008, présentés pour M. Simballa X, élisant domicile ..., par Me Taelman ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704386/6 du 4 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande visant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2007 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les trois décisions contenues dans cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour, et à défaut, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en faveur de son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 16 janvier 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, accordant à la requérante le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance, à la suite de sa demande du 23 octobre 2007 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les observations de Me Dubois pour M. X,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, né en 1965 et de nationalité malienne, est entré en France selon ses déclarations en 1989, et a alors sollicité l'asile politique le 16 mai 1989, qui lui a été définitivement refusé le 27 septembre 1990 ; qu'ayant de nouveau sollicité son admission au séjour le 28 novembre 2006, le préfet du Val-de-Marne a rejeté cette demande par un arrêté en date du 11 mai 2007, en assortissant son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, et en fixant le pays de destination ; que, par la requête susvisée M. X demande l'annulation du jugement en date du 4 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité du refus de séjour :

Considérant en premier lieu, que Mme Dominique Y, directrice de la citoyenneté et des étrangers de la préfecture du Val-de-Marne, était titulaire à la date de la décision attaquée d'une délégation de signature du préfet du Val-de-Marne régulièrement publiée par arrêté n° 2007/230 en date du 18 janvier 2007 à l'effet de signer les décisions portant refus de délivrance des titres de séjour et les mesures d'éloignement ; qu'en conséquence le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Considérant en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que contrairement aux affirmations de M. X, cette décision n'est ni laconique ni stéréotypée, et procède d'un examen individuel et circonstancié de la situation de l'intéressé, notamment au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Considérant en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : ( ... ) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ... » ;

Considérant que si M. X soutient qu'il réside en France depuis avril 1989 et qu'il justifie de l'ancienneté de sa présence en France, il ressort des pièces du dossier que les documents fournis pour les années 1992 à 1998 ne sont pas de nature à établir sa présence sur le territoire au cours de ces années et donc sa résidence habituelle pendant plus de dix ans ; que les documents produits en appel par le requérant ne sont pas davantage probants, non seulement en ce qui concerne les années en cause mais également pour les années 2000 à 2002, aux fins d'établir sa résidence habituelle au titre de ces années ; que de nombreux documents dont l'authenticité n'est pas certaine, ne peuvent être pris en compte, et notamment des relevés de l'agence de Kayes d'une banque malienne, des courriers et attestations n'offrant aucune garantie quant à la présence en France de l'intéressé, ainsi que des certificats médicaux certifiant après-coup de la date d'un rendez-vous, ou une attestation non signée relative à la perte d'un portefeuille ; que par ailleurs, M. X ne peut utilement se prévaloir, à ce propos, des termes des circulaires du 12 mai 1998 et du 19 décembre 2002 du ministre de l'intérieur, qui sont dépourvues de caractère réglementaire ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet du Val-de-Marne a pu refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...)./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans...» ; que M. X ne justifiant pas d'une résidence habituelle en France d'au moins dix ans ou ne faisant état d'aucun autre motif exceptionnel ou de considérations humanitaires n'entre dès lors pas dans le champ d'application des dispositions précitées ; que par suite, et en tout état de cause, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la formalité de consultation de la commission mentionnée aux articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant en cinquième lieu, que si M. X fait valoir que la décision litigieuse méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des conditions de séjour en France de M. X, célibataire et sans charges de famille, et qui ne fait état d'aucune insertion professionnelle et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Considérant enfin, que les circonstances que M. X soit membre actif de plusieurs associations, participe à des actions de prévention et d'information, agissant notamment en qualité d'interlocuteur auprès des habitants de son foyer d'accueil, et que lesdites associations soient particulièrement satisfaites de ses services, sont sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa » ; que, d'autre part, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 dispose : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) » et l'article 3 de la même loi prévoit que : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français dont le préfet peut assortir le refus ou le retrait d'un titre de séjour est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que si la motivation de cette mesure, se confondant avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'appelle pas d'autres mentions spécifiques pour respecter les exigences de ladite loi, c'est toutefois à la condition que le préfet ait mentionné dans sa décision, le I de l'article L. 511-1-I du même code, qui l'habilite à assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire ;

Considérant qu'en se bornant, en l'espèce, à viser le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans mentionner le I de l'article L. 511-1, le préfet du Val-de-Marne a méconnu cette exigence ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, la décision par laquelle l'autorité préfectorale a fait obligation à celui-ci de quitter le territoire français est illégale ; qu'elle doit être annulée de même que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français et qu'elle désignait le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ; qu'en l'état du dossier, aucun des autres moyens d'illégalité soulevés par M. X ne paraît devoir être retenu ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent être accueilles ; que le présent arrêt qui annule la décision portant obligation de quitter le territoire français pour un motif de procédure, implique seulement, par application des dispositions précitées, qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer une autorisation provisoire à M. X et de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification dudit arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge » et qu'aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : « Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent dans les conditions prévues par les textes en vigueur à la date à laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes (...) » ; que M. X ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions sus-rappelées des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à payer à Me Taelman, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 4 octobre 2007 en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val de Marne faisant obligation à M. X de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ensemble les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet du Val de Marne du 6 mars 2007 sont annulés.

Article 2 : Le préfet du Val-de-Marne délivrera à M. X une autorisation provisoire de séjour et statuera à nouveau sur sa situation dans le délai maximum de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Taelman, avocat, la somme de 800 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les surplus des conclusions de la demande et de la requête présentées par M. X sont rejetés.

3

N° 08PA00870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA00870
Date de la décision : 08/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : TAELMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-12-08;08pa00870 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award