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03/05/2010 | FRANCE | N°08PA03759

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 03 mai 2010, 08PA03759


Vu, I, sous le nº 08PA03759, la requête enregistrée le 16 juillet 2008, présentée par la société par actions simplifiée (SAS) OUTREMER TELECOM, prise en la personne de son président, dont le siège social est situé ZI La Jambette à Lamentin (97285), par Mes Dupuis-Toubol et Bloch ; la société demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nº 0715260/7-1 et 0804606/7-1 en date du 14 mai 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de paiement du 25 mai 2005 et du rejet de l'opposition formée à l'encontre du t

itre de perception du 28 septembre 2005 par lesquels l'Autorité de régulat...

Vu, I, sous le nº 08PA03759, la requête enregistrée le 16 juillet 2008, présentée par la société par actions simplifiée (SAS) OUTREMER TELECOM, prise en la personne de son président, dont le siège social est situé ZI La Jambette à Lamentin (97285), par Mes Dupuis-Toubol et Bloch ; la société demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nº 0715260/7-1 et 0804606/7-1 en date du 14 mai 2008, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de paiement du 25 mai 2005 et du rejet de l'opposition formée à l'encontre du titre de perception du 28 septembre 2005 par lesquels l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a mis à sa charge la somme de 145 547, 03 euros au titre de la redevance de mise à disposition de fréquences radioélectriques du service fixe pour l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme susmentionnée, relative à la redevance de gestion et de mise à disposition de fréquences radioélectriques du service fixe pour l'année 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

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Vu, II, sous le nº 08PA03760, la requête enregistrée le 16 juillet 2008, présentée par la société par actions simplifiées (SAS) OUTRE-MER TELECOM, par Mes Dupuis-Toubol et Bloch, qui demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement susmentionné ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'autorisation de réseaux et de services de communication électroniques ;

Vu la directive 2002/21/CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 20002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi n° 2004-669 du 3 juillet 2004 ;

Vu le décret du 3 février 1993 modifié relatif aux redevances de mise à disposition de fréquences radioélectriques et de gestion dues par les titulaires d'autorisations délivrés en application des articles L. 42-1 et L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d'utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

Vu l'arrêté du 24 octobre 2007 portant application du décret n° 2007-1532 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2010 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Seulin, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouxel pour la société OUTREMER TELECOM ;

Considérant que la société OUTREMER TELECOM a sollicité, par un courrier en date du 1er août 2005 adressé à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la décharge de l'obligation de payer la redevance de mise à disposition de fréquences radioélectriques pour des liaisons fixes point à point qu'elle a exploitées durant l'année 2004 en outre-mer, notamment en Martinique, Guadeloupe, Guyane, la Réunion et Mayotte, en estimant excessive cette redevance d'un montant de 145 547, 03 euros, puis a fait opposition, le 22 décembre 2005, au titre de perception correspondant du 28 septembre 2005 de même montant émis par le Trésorier général de la Martinique ; que ces deux courriers ont fait l'objet de rejets implicites ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société requérante tendant à l'annulation des rejets implicites prononcés et à la décharge de l'obligation de payer la redevance litigieuse mise à sa charge au titre de l'année 2004 ; que, par les deux requêtes susvisées qu'il conviendra de joindre, la société OUTREMER TELECOM demande régulièrement à la cour de surseoir à l'exécution et d'annuler ledit jugement du 14 mai 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :

Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

Considérant qu'aux termes des articles 13 et 18 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques ( directive autorisation ) : Les Etats membres peuvent permettre à l'autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d'utilisation des radiofréquences ou des redevances ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les Etats membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l'usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l'article 8 de la directive 2002/21/CE... et les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 24 juillet 2003. Ils en informent immédiatement la Commission ; qu'aux termes du 2 de l'article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques ( directive cadre ) : ....Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés ... ; que les dispositions de ces directives n'ont été transposées en droit français que par la loi n° 2004-669 du 3 juillet 2004 complétée par le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 abrogeant le décret du 3 février 1993, qui ne pouvaient servir de base légale aux redevances litigieuses dues au titre de l'année 2004 ;

Considérant que l'article 1er du décret du 3 février 1993 tel que modifié notamment par le décret des 6 juin 2000 et 21 février 2002, prévoyait que les liaisons établies entre deux stations radioélectriques donnent lieu à la perception d'une redevance annuelle de mise à disposition calculée suivant le type de liaison et selon un barème tenant compte de la distance maximale entre chaque station, corrigé par un coefficient de dégressivité fonction du nombre de liaisons établies et de la largeur de bande ; que de tels critères n'intégraient pas de coefficients reprenant les objectifs susmentionnés, énumérés dans les directives communautaires dont s'agit, et notamment les deux coefficients lb caractérisant l'adéquation de longueur de bond dans le cas du service fixe de point à point et es caractérisant l'efficacité spectrale dans le cas du service fixe de point à point, définis par l'article 4 du décret du 24 octobre 2007 et l'arrêté d'application du même jour et propres à prendre en compte les particularités des départements d'outre mer et notamment la pluviométrie du territoire qui peut limiter la portée d'un faisceau hertzien ; que par ailleurs, il n'est pas contesté notamment dans les dernières écritures de l'ARCEP, que l'application de ces nouvelles règles de fixation de la redevance litigieuse, qui assuraient la transposition des directives susmentionnées n° 2002/20 et 21/CE du 7 mars 2002, aurait conduit à diminuer le montant de la redevance litigieuse telle qu'elle a été mise en recouvrement le 28 septembre 2005 par le Trésorier payeur général de la Martinique, même si cette diminution, aux dires de l'Autorité, aurait été moindre que celle escomptée par la société requérante ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que la société OUTREMER TELECOM fait valoir la méconnaissance des principes communautaires de proportionnalité et de non-discrimination posés par l'article 13 précité de la directive n° 2002-20 / CE à l'encontre des textes réglementaires sur la base desquels a été calculée la redevance litigieuse, alors que son activité de fournisseur d'accès à internet s'exerçait sans utilisation de la boucle locale radio, était limitée géographiquement aux départements d'outre mer, et qu'elle ne pouvait donc avoir recours

aux facilités offertes à l'opérateur historique dans l'utilisation de cette même boucle afin de rentabiliser une telle activité sur l'ensemble du territoire national ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de faire droit aux conclusions de la requête demandant à l'annulation de l'ordre de paiement du 25 mai 2005 et du rejet de l'opposition formée à l'encontre du titre de perception du 28 septembre 2005 ; qu'il y a lieu par ailleurs, d'examiner dans le cadre des règles du plein contentieux, le reste du litige relatif à la fixation du montant de la redevance litigieuse, imposée à la société requérante en qualité d'occupant du domaine public ;

Sur le montant de la redevance litigieuse :

Considérant que, lorsqu'il est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, le juge administratif, après en avoir pris connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendu la décision, a toujours la faculté dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans ladite note, notamment lorsque celle-ci recèle des éléments nouveaux susceptibles d'avoir une incidence sur la solution du litige ;

Considérant que la note en délibéré produite par l'ARCEP le 26 janvier 2010 et ayant donné lieu à la réouverture de l'instruction, fait utilement référence au principe même de l'assujettissement à la redevance de mise à disposition de fréquences, dès lors que la société requérante en a bénéficié en qualité d'occupant du domaine public, tandis que les éléments versés au dossier ont montré le caractère excessif du montant de cette redevance tel qu'apprécié par rapport aux nouveaux critères de calcul résultant des textes de transposition des directives européennes régissant la matière ;

Considérant qu'eu égard à ce qui précède, et faute d'indication par l'ARCEP d'éléments techniques précis susceptibles de servir de base au calcul de la redevance due par l'appelante au titre de l'exercice 2004 dans le respect des directives communautaires, il y a lieu de fixer le montant de cette redevance à celui résultant de l'application à compter du 1er janvier 2008 des dispositions du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007, le calcul ainsi effectué selon ces dernières dispositions étant ensuite actualisé à l'inverse en tenant compte de la variation de l'indice INSEE des prix à la consommation ; que par suite, la société OUTREMER TELECOM est fondée à obtenir la décharge partielle des sommes mise à sa charge au titre de la redevance de mise à disposition de fréquences radioélectriques du service fixe pour l'année 2004, à concurrence de la différence entre le montant de la redevance litigieuse et celui résultant du calcul précédemment retenu ;

Sur les conclusions de la requête à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête au fond formée par la société OUTREMER TELECOM contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 mai 2008 ; que par suite, les conclusions de la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant au versement de frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société OUTREMER TELECOM d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société OUTREMER TELECOM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'ARCEP au titre des frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 08PA03760 de la société OUTREMER TELECOM tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 14 mai 2008 du Tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 mai 2008 est annulé.

Article 3 : L'ordre de paiement du 25 mai 2005 et le rejet de l'opposition formée à l'encontre du titre de perception du 28 septembre 2005, par lesquels l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a mis à la charge de la société OUTREMER TELECOM la somme de 145 547, 03 euros au titre de la redevance de mise à disposition de fréquences radioélectriques du service fixe pour l'année 2004, sont annulés.

Article 4 : La société OUTREMER TELECOM est déchargée de la différence entre le montant de la redevance litigieuse cité à l'article 3, et celui résultant du calcul effectué selon les dispositions du décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007, le montant ainsi obtenu étant corrigé de la variation de l'indice INSEE des prix à la consommation entre les mois de janvier 2004 et 2008.

Article 5 : L'Etat versera à la société OUTREMER TELECOM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de l'ARCEP relatives au versement de frais relevant des mêmes dispositions sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Nos 08PA03759 - 08PA03760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 08PA03759
Date de la décision : 03/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme SEULIN
Avocat(s) : BLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-05-03;08pa03759 ?
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