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29/06/2010 | FRANCE | N°08PA03130

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 juin 2010, 08PA03130


Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2008, présentée pour la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT, dont le siège est à Vaduz, Lichtenstein, par Me Hugonin et Me Dhoutaut, avocats ; la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°113838/2 du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre de ses exercices clos en 1994 et 1995, et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés e

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Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2008, présentée pour la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT, dont le siège est à Vaduz, Lichtenstein, par Me Hugonin et Me Dhoutaut, avocats ; la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°113838/2 du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre de ses exercices clos en 1994 et 1995, et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 1995, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêté ministériel du 17 mars 1983 créant la direction nationale des vérifications de situations fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2010 :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT dont le siège est à Vaduz, Lichtenstein et qui est constituée sous le régime de l' Anstalt selon le droit du Liechtenstein, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration lui a notamment notifié un redressement relatif aux loyers qu'elle avait reçus pendant ses exercices clos en 1994 et en 1995 à raison de la location d'un ensemble immobilier dont elle est propriétaire à Paris, que l'administration a regardés comme insuffisants et comme procédant d'un acte anormal de gestion, et un redressement relatif à une plus-value qui avait été réalisée à l'occasion du retrait de son bilan de seize oeuvres d'art au cours de son exercice clos en 1994 ; que l'administration a en outre entendu soumettre à la retenue à la source le rehaussement du bénéfice de son exercice clos en 1995 ; que la société relève appel du jugement du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la retenue à la source qui ont été établis en conséquence ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, si la société conteste la compétence des agents de la direction nationale des vérifications de situations fiscales qui ont effectué la vérification de sa comptabilité en excipant de l'illégalité de l'arrêté ministériel du 17 mars 1983 créant cette direction, cet arrêté définit avec une précision suffisante la compétence de cette direction et ne méconnaît pas le principe d'égalité, tous les contribuables bénéficiant des garanties procédurales instituées par le livre des procédures fiscales ; que l'exception que la société fait valoir sur ce point ne peut donc, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir que le ministre lui a opposée, qu'être écartée ;

Sur le redressement relatif aux loyers :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier que la société donnait en location était situé au 31, rue Octave Feuillet à Paris, 16ème arrondissement, et se composait de trois appartements d'une surface totale de 665 m², réunis en 1995 à la suite de travaux pour un coût total de 2 300 000 francs, et de dépendances ; que cet ensemble immobilier a été donné en location pour des loyers correspondant à un loyer au mètre carré de 56 francs en 1994 et de 65 francs en 1995 ; que pour évaluer à 169 francs au mètre carré pour l'année 1995 le montant des loyers qui auraient dû selon elle être exigés à raison de cette location, l'administration a fait application d'un taux de rendement de 5 % à une valeur de 27 000 000 francs qu'elle a estimée en se référant à une estimation qui avait été faite par un expert désigné par la société elle-même à l'occasion des travaux mentionnés ci-dessus, et à la valeur qui avait été déclarée par la société pour l'établissement de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 D du code général des impôts ; que pour évaluer à 154 francs au mètre carré pour l'année 1994 le montant des loyers qui auraient dû selon elle être exigés, l'administration a fait application du même taux de rendement à une valeur qu'elle a estimée à 24 605 000 francs en se référant à des prix au mètre carré observés lors de ventes d'appartements similaires à ceux qui composaient l'ensemble immobilier de la société ; que, pour l'année 1994, cette estimation a été ramenée à 24 380 000 francs par le tribunal administratif dans son jugement, ce que le ministre n'a pas contesté en appel ;

Considérant, en premier lieu, que, si la société conteste le taux de rendement de 5 % que l'administration a ainsi retenu en soutenant que même un taux de rendement de 4 % serait élevé, elle n'assortit sa contestation sur ce point d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la société conteste l'estimation de la valeur de l'ensemble immobilier qu'elle donnait en location, faite pour l'année 1994 par référence à des ventes d'appartements similaires à ceux qui composaient cet ensemble immobilier, en faisant état de son caractère exceptionnel, qui a été reconnu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis, elle n'assortit cette contestation d'aucune précision chiffrée concernant la valeur de son bien, non plus que d'aucun détail concernant les ventes d'appartements sur lesquelles l'administration a fondé son estimation ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'estimation qui a été retenue par l'administration pour l'année 1995 est celle qui avait été faite par l'expert désigné par la société à l'occasion des travaux mentionnés ci-dessus, et correspond à la valeur qu'elle avait déclarée pour l'établissement de la taxe de 3 % ; qu'il résulte enfin de l'instruction que, pour l'année 1994, l'estimation retenue par le tribunal administratif dans son jugement est moins élevée que la valeur estimée par cet expert pour l'année 1995, diminuée du coût des travaux réalisés en 1995 ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la minoration des loyers que la société a reçus à raison de la location de cet ensemble immobilier ;

Considérant, en troisième lieu, que la société ne saurait utilement se référer au loyer de 80 francs par mois et par mètre carré que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé de retenir dans son avis, qui ne lie pas l'administration et qui n'est d'ailleurs pas motivé sur ce point ; qu'elle ne saurait davantage se référer aux termes d'un courrier en date du 11 août 1988 que l'administration lui avait envoyé à la suite d'un précédent contrôle, et qui ne contient aucune prise de position formelle qui lui serait opposable au titre des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales et aucune estimation de la valeur ou des loyers de l'ensemble immobilier dont elle est propriétaire ;

Sur la plus-value réalisée sur des oeuvres d'art :

Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif . (...) ; qu'aux termes de l'article 209 de ce code, tel que modifié par les dispositions interprétatives de l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 (...) et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e (...) du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ; qu'aux termes de l'article 164 B de ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce : I. Sont considérés comme revenus de source française : a. Les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles ; (...) ; e. Les plus-values mentionnées à l'article 150 A et les profits tirés d'opérations définies à l'article 35, lorsqu'ils sont relatifs à des fonds de commerce exploités en France ainsi qu'à des immeubles situés en France, à des droits immobiliers s'y rapportant ou à des actions et parts de sociétés non cotées en bourse dont l'actif est constitué principalement par de tels biens et droits (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT avait inscrit vingt oeuvres d'art à l'actif de son bilan pour une valeur de 15 500 000 francs et les avait fait figurer sur l'état estimatif qu'elle a déposé le 20 décembre 1991 à la recette des impôts ; que l'état estimatif qu'elle a déposé le 29 décembre 1993 à la recette des impôts ne mentionnait plus que seize oeuvres pour une valeur de 24 600 000 francs ; qu'à la clôture de son exercice 1994, elle a constaté la sortie de son actif de ces oeuvres pour leur valeur d'actif, soit 15 500 000 francs ; qu'au cours de la vérification de comptabilité mentionnée ci-dessus, elle a fait état d'un contrat de vente de ces oeuvres conclu le 2 mai 1994 avec une société de droit panaméen ; que l'administration a regardé la différence entre le montant de 15 500 000 francs pour lequel les oeuvres avaient figuré au bilan et la valeur de 24 600 000 francs mentionnée sur l'état estimatif déposé le 29 décembre 1993 comme une plus-value à long terme imposable en vertu des dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts ; que la société, qui est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, constituée sous le régime de l' Anstalt selon le droit du Liechtenstein, conteste être imposable en France à raison de cette plus-value ;

Considérant que si la société admet qu'elle se livre à une exploitation lucrative en France au sens des dispositions précitées de l'article 206 du code général des impôts en donnant en location l'immeuble mentionné ci-dessus, elle conteste exploiter une entreprise en France au sens des dispositions précitées de l'article 209 de ce code, seules applicables en l'absence de convention internationale relative aux doubles impositions conclue avec le Liechtenstein ; qu'en réponse, l'administration se borne à faire état de la location de l'immeuble mentionné ci-dessus et à soutenir que les oeuvres étaient affectées à cette activité ; que, si les revenus tirés de la location de cet immeuble étaient en vertu des dispositions combinées des articles 164 B et 209 du code général des impôts, citées ci-dessus, passibles de l'impôt sur les sociétés en France, ce que la société ne conteste d'ailleurs pas, ces dispositions, en l'absence d'autre exploitation en France, ne permettaient pas à l'administration, qui ne saurait utilement soutenir que les oeuvres étaient affectées à l'activité de location, de soumettre à l'impôt la plus-value résultant du retrait des oeuvres du bilan de la société ; que la société doit donc être déchargée de l'imposition de cette plus-value au titre de l'année 1994 ;

Sur la retenue à la source :

Considérant qu'aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : 1 Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. /Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. (...) ; qu'aux termes de l'article 119 bis de ce code : (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...)

Considérant que la circonstance que la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT est déficitaire et ne distribue pas de dividende est sans incidence sur le bien-fondé de son imposition à la retenue à la source à raison du rehaussement du bénéfice de son exercice clos en 1995 ;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'imposition de la plus-value mentionnée ci-dessus au titre de l'année 1994 ;

Sur les conclusions de la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT a été assujettie au titre de son exercice clos en 1994 est réduite d'un montant de 1 729 000 francs, soit 263 585 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 113838/2 du 10 avril 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE TANTA ETABLISSEMENT est rejeté.

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N° 08PA03130

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA03130
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe Niollet
Rapporteur public ?: M. Goues
Avocat(s) : HUGONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-06-29;08pa03130 ?
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