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09/11/2010 | FRANCE | N°08PA04601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 novembre 2010, 08PA04601


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008, présentée pour M. et Mme Gérard A, demeurant ..., par Me Losappio ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0202632/2 - 0202635/2 du 7 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier et l

e 31 décembre 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de pro...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2008, présentée pour M. et Mme Gérard A, demeurant ..., par Me Losappio ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0202632/2 - 0202635/2 du 7 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2010 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A font appel du jugement du 7 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités y afférentes ; que, pour sa part, le ministre du budget, des comptes publiques et de la fonction publique fait appel dudit jugement en tant qu'il lui est défavorable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Paris a été saisi de deux demandes présentées par M. A et ayant trait, pour l'une, aux compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 1995 et, pour l'autre, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. A a été assujetti au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995 ; que, dans le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a joint ces deux demandes pour statuer par un seul jugement ; que, cependant, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme A, d'une part, M. A, en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part ; que, dans ces conditions, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. A a été assujetti en même temps que sur les compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme A ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, dans les circonstances de l'affaire, d'une part, de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions relatives aux compléments d'impôt sur le revenu contestés par M. et Mme A, d'autre part, après enregistrement, par le greffe, sous un numéro distinct, des mémoires et pièces produits dans les écritures relatives au litige afférent à la taxe sur la valeur ajoutée, d'évoquer la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris, relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que, dans le cadre de la reprise du Groupe Pain Jacquet par le groupe Limagrain, une convention a été conclue le 31 mars 1995 entre l'acquéreur (devenu SA Jacquet), la société Pain Jacquet Biscotte, et M. A ; que, par cet accord, M. A s'est, notamment, engagé à céder avant le 30 avril 1995 des brevets qu'il détenait personnellement, évalués à 10 000 000 F, des marques dont il était également propriétaire, évaluées à 500 000 F, ainsi que la totalité des actions détenues dans la société JBF, évaluées à 12 000 000 F ; qu'une transaction conclue en exécution de cette convention prévoyait également le versement à M. A de la somme de 2 600 000 F en conséquence de la garantie d'emprunt que l'intéressé avait consentie à un établissement financier titulaire d'une créance sur le groupe Pain Jacquet ; que le service a estimé que les sommes de 10 000 000 F et 500 000 F étaient taxables, pour leur montant hors taxe, au titre des plus-values à caractère professionnel, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement des dispositions de l'article 93 quater 1 du code général des impôts et que les sommes de 12 000 000 F et 2 600 000 F étaient taxables dans la même catégorie sur le fondement des dispositions de l'article 92-1 du même code ; que les premiers juges, estimant que la somme de 10 000 000 F, versée au titre de la cession des brevets, n'avait été perçue que partiellement au titre de l'année 1995, ont limité à 7 307 476 F le montant hors taxe des sommes taxables de ce chef et ont rejeté le surplus des conclusions de la demande ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;

Considérant que, dans la notification de redressement du 23 décembre 1998 adressée à M. et Mme A, le service a rehaussé le montant des bénéfices non commerciaux imposables des intéressés, au motif qu'il existait une discordance entre le montant des recettes indiqué dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et le montant total du chiffre d'affaires mentionné sur la déclaration de résultats ; que ces éléments d'information étaient suffisants pour éclairer le contribuable sur la nature et les motifs des redressements envisagés et lui permettre de présenter utilement ses observations ; que le redressement était, par suite, motivé conformément aux dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, alors même que le service n'a pas identifié précisément la nature et le montant de chacune des recettes omises ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant du moyen tiré de ce que les sommes taxées n'ont pas le caractère d'un revenu taxable :

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : 1-Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ;

Considérant, d'une part, qu'il est constant que, par une convention en date du 31 mars 1995, M. A s'est engagé à céder à la SA Jacquet les titres de la société JBF qu'il détenait ; qu'en échange de cet engagement, la SA Jacquet s'est engagée à verser à M. A la somme de 12 000 000 F ; que ledit engagement a la nature d'une prestation dont le prix a pour M. A le caractère d'un revenu ; que, la somme perçue à ce titre par le requérant n'étant rattachable à aucune autre catégorie de revenus, c'est à bon droit que l'administration l'a imposée, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir de ce que la cession effective des titres JBF n'est jamais intervenue ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le groupe Pain Jacquet avait réalisé un emprunt auprès de l'établissement Tremino-De Groof ; que cet emprunt avait été garanti par la société Pain Jacquet Biscotte et par M. A, dirigeant de celle-ci ; que la convention susmentionnée du 31 mars 1995 prévoyait, dans le cadre de la cession des actifs détenus par M. A dans le groupe Pain Jacquet, que, selon la somme exigée par le bénéficiaire de cette garantie, M. A devrait bénéficier d'un versement supplémentaire de la part de son acquéreur, le groupe Limagrain, ou, au contraire, percevoir de celui-ci une somme moindre ; qu'en exécution de cette convention, une transaction, conclue le 21 décembre 1995, a prévu le versement à M. A de la somme de 2 600 000 F, que le service a soumise à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts ; que le ministre, en réponse au moyen tiré de ce que cette somme ne constitue le produit d'aucune activité génératrice de bénéfices non commerciaux, se borne à faire référence aux observations qu'il a formulées sur le caractère taxable de la somme susmentionnée de 12 000 000 F ; qu'il n'identifie aucune occupation, exploitation lucrative ou source de profit dont la somme de 2 600 000 F pourrait être regardée comme un bénéfice ; qu'il suit de là que, l'administration n'apportant pas la preuve que l'intéressé aurait déployé, en vue de recevoir cette dernière somme, une activité de la nature de celles visées par les dispositions de l'article 92 du code général des impôts, elle n'était pas, en conséquence, en droit de la réintégrer dans les bénéfices non commerciaux de M. A au titre de l'année 1995 ;

S'agissant du moyen tiré de l'absence de perception des sommes taxées :

Considérant que le prix total prévu par la convention en date du 31 mars 1995, soit 36 000 000 F, comprenant les sommes susmentionnées de 500 000 F, 10 000 000 F et 12 000 000 F, a été affecté, en exécution des termes mêmes de ladite convention, à hauteur de 34 000 000 F, à l'apurement d'un prêt contracté à titre personnel par M. A auprès du Crédit Lyonnais et que le solde a été réglé en 24 mensualités ; qu'il est constant qu'en exécution de cette convention et suite à la cession de créance intervenue entre le Crédit Lyonnais et le groupe Limagrain pour un montant de 30 000 000 F, le compte de M. A au Crédit Lyonnais a été crédité, en plusieurs opérations intervenues au cours de l'année 1995, d'une somme totale de 37 439 283 F, destinée à solder la dette de l'intéressé au titre du principal et des intérêts de l'emprunt en cause ; qu'il suit de là que M. A ne saurait valablement soutenir que la somme de 34 000 000 F n'a pas été mise à sa disposition au titre de l'année 1995 ; que, la mise à disposition de ces sommes résultant de leur inscription au crédit de son compte bancaire, les moyens tirés de ce que la cession de créance du Crédit Lyonnais ne lui a pas été signifiée, de ce que cette dette n'a fait l'objet d'aucune délégation et de ce que la créance correspondante n'a pas été abandonnée sont, en tout état de cause, inopérants;

S'agissant du moyen tiré de la discordance avec le redressement de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, M. et Mme A ne contestent pas utilement la taxation, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, des sommes versées afférentes à la cession des brevets que détenait M. A ; que le moyen tiré de ce que l'administration aurait retenu une base inférieure pour soumettre l'opération litigieuse à la taxe sur la valeur ajoutée est inopérant ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'en se bornant à se prévaloir du caractère technique des redressements notifiés et de l'absence de respect des conditions relatives à la cession de créances, M. et Mme A, qui, en raison des fonctions de dirigeant de M. A, ne pouvaient ignorer le caractère taxable des sommes perçues en contrepartie des cessions et des engagements consentis et portées au crédit de leur compte bancaire, ne contestent pas utilement les pénalités de mauvaise foi appliquées au redressement en cause ;

Sur l'appel incident :

Considérant que M. et Mme A ont fait valoir devant les premiers juges que la somme de 2 000 000 F, qui n'a pas été affectée à l'apurement de la dette de M. A et qui leur a été réglée directement en plusieurs mensualités, dont certaines n'étaient pas arrivées à échéance au cours de l'année d'imposition, correspondait à une fraction du prix des brevets conformément aux termes de la convention du 31 mars 1995 et que, par suite, la somme de 10 000 000 F représentant le prix de ces brevets ne pouvait être regardée comme ayant été intégralement encaissée au cours de ladite année ; que, toutefois, il résulte de l'article 6 du contrat du 2 mai 1995 signé entre M. A et la société Jacquet, anciennement Limagrain Panification, que la somme de 10 000 000 F représentant le prix des brevets a été entièrement affectée à l'apurement de la dette de l'intéressé ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit au moyen des intéressés, lequel manquait en fait, et prononcé en conséquence la réduction des impositions en litige ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à ce titre par M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le redressement serait insuffisamment motivé n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il convient de réduire la base d'imposition de M. et Mme A à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 1995 taxable sur le fondement de l'article 92 -1 du code général des impôts à hauteur de 2 600 000 F, de fixer, contrairement à ce qui a été décidé par les premiers juges, la somme taxable sur le fondement des dispositions de l'article 93 quater du code général des impôts au titre des cessions de brevet à 8 431 703 F, et de déterminer, en conséquence, les impositions des intéressés ; que, pour le surplus, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 0202632/2 - 0202635/2 du Tribunal administratif de Paris du 7 juillet 2008 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande n° 0202635 de M. A.

Article 2 : Les bénéfices non commerciaux de M. et Mme A taxables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 1995 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92-1 du code général des impôts sont réduits de 2 600 000 F (396 367 euros).

Article 3 : Les bénéfices non commerciaux de M. et Mme A taxables à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 1995 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 93 quater 1 du code général des impôts au titre des cessions de brevets sont fixés à 8 431 703 F (1 285 404 euros).

Article 4 : L'impôt sur le revenu et les contributions sociales auxquels M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1995 seront déterminés, en droits et pénalités, en fonction des modifications de base prévues aux articles précédents.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est, pour ce qu'il en subsiste, réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les productions des parties enregistrées sous le n° 08PA04601, en tant qu'elles concernent la taxe sur la valeur ajoutée, sont rayées du registre du greffe de la Cour pour être enregistrées sous un numéro distinct.

Article 7 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A est rejeté.

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N° 08PA04601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA04601
Date de la décision : 09/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LOSAPPIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-11-09;08pa04601 ?
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