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16/12/2010 | FRANCE | N°10PA00758

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 16 décembre 2010, 10PA00758


Vu, enregistrée à la Cour sous le n° 10PA00758, la décision n° 320131 en date du 30 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE SURCOUF, a annulé l'arrêt de la Cour de céans en date du 24 juin 2008 en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de ladite société tendant à son indemnisation au titre des produits pour lesquels aucune autorisation de mise sur le marché n'avait été sollicité et lui a renvoyé dans cette mesure le jugement des conclusions y afférentes de la requête présentée par ladite société le 2

1 janvier 2004 ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés...

Vu, enregistrée à la Cour sous le n° 10PA00758, la décision n° 320131 en date du 30 décembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour la SOCIETE SURCOUF, a annulé l'arrêt de la Cour de céans en date du 24 juin 2008 en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de ladite société tendant à son indemnisation au titre des produits pour lesquels aucune autorisation de mise sur le marché n'avait été sollicité et lui a renvoyé dans cette mesure le jugement des conclusions y afférentes de la requête présentée par ladite société le 21 janvier 2004 ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier 2004 et le 22 mars 2004, présentés pour la SOCIETE SURCOUF, dont le siège est ... (75002), par Me Montenot ; la SOCIETE SURCOUF demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement N 9912298 en date du 21 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 40 251 062 F en réparation des préjudices subis, entre 1995 et 1999, résultant de la diminution de ses ventes en France, ainsi que des frais de conseils juridiques entre 1994 et 1998, du fait du refus du ministre de l'agriculture et de la pêche de lui accorder, selon la procédure simplifiée instituée par le droit communautaire, des homologations pour l'importation parallèle en France de produits phytosanitaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 136 234,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1998, date de son recours gracieux, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes à la question préjudicielle relative aux conditions de réparation résultant du comportement fautif de l'Etat ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 91/414 du 15 juillet 1991 du Conseil des Communautés européennes concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ;

Vu le décret n° 94-359 du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytosanitaires ;

Vu l'avis aux importateurs publié au journal officiel de la République française du 7 août 1999 ;

Vu le décret n° 2001-317 du 4 avril 2001 établissant une procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en provenance de l'Espace économique européen ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 02 décembre 2010 :

- le rapport de M. Even, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me Montenot pour la SOCIETE SURCOUF ;

Considérant que la SOCIETE SURCOUF qui a notamment pour activité l'importation et la vente dite parallèle en France de produits phytosanitaires à destination de l'agriculture, a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation de divers préjudices qu'elle affirme avoir subis entre 1995 et 1999 du fait du refus du ministre de l'agriculture et de la pêche de lui accorder, selon une procédure simplifiée, les homologations pour l'importation parallèle de produits phytosanitaires, en méconnaissance des dispositions de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ; qu'elle demande à la Cour de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 21 novembre 2003 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes en limitant son indemnisation à la somme de 400 000 euros, et de condamner l'Etat à lui verser une somme complémentaire de 6 136 234, 80 euros ;

Sur la recevabilité, en ce qui concerne les chefs de préjudices déjà indemnisés :

Considérant que l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2003 en ce qui concerne les demandes d'indemnisation présentées par la société SURCOUF au sujet de ses pertes commerciales afférentes aux produits LAMBDA C et DELTA LAND du 31 juillet 1996 au 31 décembre 1999, et aux frais juridiques qu'elle a supportés pour assurer sa défense et celle de ses clients à l'occasion de redressements fiscaux, la défense de ses gérants devant les tribunaux correctionnels, et intervenir auprès de la Commission européenne, devenu définitif par l'effet de la confirmation en appel de la solution retenue par les premiers juges, par l'arrêt de la Cour de céans du 24 juin 2008, puis du rejet du pourvoi en cassation formé sur ces chefs de préjudices à l'encontre de l'arrêt de la cour, par la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2009, s'oppose à ce que la cour statue à nouveau dans le cadre du renvoi sur l'évaluation de ces chefs de préjudices ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne : Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les Etats membres ; qu'aux termes de l'article 30 du même traité : Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation (...) justifiées par des raisons (...) de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ;

Considérant qu'il appartenait aux Etats membres de transposer la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en prévoyant une procédure d'autorisation de mise sur le marché, notamment pour les produits phytopharmaceutiques importés à partir d'autres Etats membres ; qu'il a été satisfait à cette obligation, en France, par la publication du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques ; que, toutefois, les dispositions de la directive précitée relatives à la procédure de délivrance d'une autorisation de mise sur le marché ne sont pas applicables aux importations de produits phytopharmaceutiques dites parallèles, c'est-à-dire aux importations de produits autorisés dans un Etat membre, dit Etat d'origine, dont les substances actives, les formules et les effets sont identiques à ceux d'autres produits déjà autorisés dans un autre Etat membre, dit Etat de destination, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'union européenne dans ses arrêts British Agrochemicals Association Ltd du 11 mars 1999 (aff. C-100/96) et Escalier et Bonnarel du 8 novembre 2007 (aff. C-206/06 et 261/06) ; que, pour de telles importations, il incombait aux Etats membres de prévoir une procédure spécifique, nécessairement distincte de la procédure applicable à la mise sur le marché de produits importés, ayant pour seul objet de vérifier, outre l'existence d'une origine commune, que les produits phytopharmaceutiques autorisés dans l'Etat d'origine et dans l'Etat de destination, sans être en tous points identiques, ont, à tout le moins, été fabriqués suivant la même formule et en utilisant la même substance active et ont en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister dans les conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, d'utilisation des produits ;

Considérant qu'il est constant qu'aucune procédure spécifique n'était prévue par la réglementation française avant son annonce par l'avis aux importateurs publié au journal officiel du 7 août 1999 et son adoption par le décret du 4 avril 2001 ; que, s'il est vrai qu'en l'absence d'une telle procédure spécifique, le ministre chargé de l'agriculture, saisi d'une demande en ce sens, eût en tout état de cause été tenu d'autoriser à la vente les produits en cause dès lors que l'importateur justifiait du respect des conditions, rappelées ci-dessus, pour qu'une importation soit qualifiée de parallèle , la circonstance que les autorités françaises n'ont pas mis en place une procédure spécifique pour les importations parallèles constitue, à elle seule, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'union européenne dans ses arrêts British Agrochemicals Association Ltd, cité ci-dessus et, s'agissant d'importations parallèles de médicaments, Commission c/ France du 12 octobre 2004 (aff. C-263/03), un manquement de l'Etat aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant que le manquement commis par l'Etat est de nature à engager sa responsabilité à l'égard des opérateurs économiques du secteur auxquels, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de justice de l'union européenne dans son arrêt Danske Slagterier c/ Allemagne du 24 mars 2009 (aff. C-445/06), les stipulations de l'article 28 du traité instituant la Communauté européenne confèrent des droits, qu'ils peuvent faire valoir directement devant les juridictions nationales ; qu'il appartient au juge, saisi par un opérateur économique qui demande réparation des préjudices résultant du manquement commis par l'Etat, de déterminer s'il résulte de l'instruction que cet opérateur a été dissuadé ou empêché, du fait de l'absence d'une procédure spécifique, de se livrer à des importations parallèles, sans qu'il soit nécessaire que cette entreprise, pour justifier d'un lien direct entre la faute commise et le préjudice qu'elle invoque et dont il lui appartient de démontrer l'étendue, ait déposé des demandes d'autorisation ;

Considérant qu'en l'espèce, la SOCIETE SURCOUF, qui a notamment pour activité la commercialisation de produits phytopharmaceutiques, affirme avoir été empêchée, du fait de l'absence d'une procédure spécifique, de se livrer à des importations parallèles de produits phytosanitaires et à leur commercialisation ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance que l'entreprise requérante n'ait pas déposé de demandes d'autorisation pour l'ensemble des produits concernés auprès de l'administration ; qu'ainsi, la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée à l'égard de ladite société, à qui il appartient de démontrer l'étendue des préjudices qu'elle invoque et leur lien direct avec la faute décrite ci-dessus ;

Sur les préjudices allégués :

Considérant, en premier lieu, que pour établir son préjudice au titre des marges qu'elle affirme avoir perdues du fait de l'absence de mise en place d'une procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché pour les importations dites parallèles de produits phytopharmaceutiques sur le marché français, au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 juillet 1996 pour les produits LAMBDA C et DELTA LAND et au titre de la période 1995-1999 pour les autres produits, la SOCIETE SURCOUF se borne à se fonder sur une extrapolation théorique globale de son chiffre d'affaire et de sa marge nette potentielle, sans présenter de chiffrage spécifique aux produits phytopharmaceutiques ni de justificatifs, et sans établir qu'ils étaient susceptibles de donner lieu à des importations dites parallèles en France ;

Considérant, en second lieu, que si la SOCIETE SURCOUF affirme avoir subi un préjudice de 143 060 F, soit 21 809,36 euros, en raison de la vente à perte de produits italiens, au demeurant non mentionnés, elle ne fournit aucun justificatif ni aucune explicitation concernant l'évaluation de ce préjudice ;

Considérant, enfin, que si la société SURCOUF fait état d'un préjudice de 1 000 000 F intitulé départ d'Agridis , dont elle explique qu'il s'agissait de son associée et que cette société lui mettait à disposition des locaux de stockage, elle n'apporte aucune précision ni aucun justificatif concernant les modalités financières de cette mise à dispositif et le chiffrage de ladite somme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ni d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la SOCIETE SURCOUF n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement dont elle interjette appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'indemnisation concernant ces chefs de préjudices ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de la SOCIETE SURCOUF est rejetée.

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N° 10PA0758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10PA00758
Date de la décision : 16/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : CABINET JEAN-PAUL MONTENOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-12-16;10pa00758 ?
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