La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2011 | FRANCE | N°10PA06028

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 octobre 2011, 10PA06028


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 décembre 2010, présentée pour M. Abdelmaher A, demeurant chez ... par Me Gabbay ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004947/6 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 4 juin 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°)

d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour à compter de ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 décembre 2010, présentée pour M. Abdelmaher A, demeurant chez ... par Me Gabbay ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004947/6 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 4 juin 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Gabbay, pour M. A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient que la motivation de l'arrêté du 4 juin 2010 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour est stéréotypée, cet arrêté énonce de façon suffisamment précise et circonstanciée les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de lui refuser le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auquel renvoie l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien susvisé : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) /

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

Considérant que M. A, né le 16 septembre 1973 en Tunisie, pays dont il a la nationalité, soutient qu'il a établi le centre des ses intérêts familiaux et personnels en France, où il est présent depuis plus de neuf ans avec son épouse et où leurs trois enfants sont nés et scolarisés ; qu'il fait également valoir qu'il témoigne d'une très bonne intégration dans la société française et que toute sa belle-famille, dont plusieurs membres sont de nationalité française, réside sur le territoire français ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que son épouse, qui a elle aussi la nationalité tunisienne, se maintient également en situation irrégulière sur le territoire national ; qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer hors de France ; que, par ailleurs, le requérant n'établit pas être totalement dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet du Val-de-Marne n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation de l'intéressé ;

Considérant, en quatrième lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A ne remplissait pas ces conditions ; que, par suite, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision de refus de titre de séjour en litige ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié... ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention salarié est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi ;

Considérant qu'il est constant que M. A, qui indique être entré sur le territoire français muni de son passeport revêtu d'un visa C, n'a pas présenté de visa de long séjour à l'appui de sa demande d'admission au séjour ; que le préfet pouvait, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour portant la mention salarié ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ;

Considérant, d'une part, que si les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable et si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur de droit en examinant sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la demande de titre de séjour de M. A en qualité de salarié doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que si M. A a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une promesse d'embauche pour un poste d'employé polyvalent en restauration, un tel emploi n'est pas au nombre des métiers figurant, pour la région Ile-de-France, sur la liste annexée à l'arrêté susvisé du 18 janvier 2008 ; que, par suite, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la régularisation à titre exceptionnel de la situation administrative de M. A ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des motifs du présent arrêt, par lequel la Cour rejette la demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour, que M. A n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont ce refus a été assorti serait illégale par exception de l'illégalité de cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués, la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, rien ne s'oppose à la reconstitution de la famille de M. A en Tunisie ; que la décision contestée n'a pour effet ni de séparer les enfants de l'intéressé de leurs parents, ni de faire obstacle à leur scolarisation, laquelle peut être poursuivie dans le pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

''

''

''

''

7

N° 08PA04258

2

N° 10PA06028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA06028
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : GABBAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-20;10pa06028 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award