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09/11/2011 | FRANCE | N°10PA02526

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 novembre 2011, 10PA02526


Vu le recours, enregistré le 21 mai 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0600023 du 23 mars 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'obligation de payer dont procèdent les avis à tiers détenteur et les commandements de payer, décernés à l'encontre de Mme respectivement les 16 juillet et 9 août 2004 par le trésorier principal du 9ème arrondissement de Paris - 2ème division - pour avoir paiement des cotisations et majorations restant dues en

matière de taxe d'habitation au titre des années 1992 et 1993, e...

Vu le recours, enregistré le 21 mai 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0600023 du 23 mars 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'obligation de payer dont procèdent les avis à tiers détenteur et les commandements de payer, décernés à l'encontre de Mme respectivement les 16 juillet et 9 août 2004 par le trésorier principal du 9ème arrondissement de Paris - 2ème division - pour avoir paiement des cotisations et majorations restant dues en matière de taxe d'habitation au titre des années 1992 et 1993, en matière d'impôt sur le revenu au titre des années 1989, 1990 et 1992 et en matière de contributions sociales au titre de l'année 1990 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que le conjoint de Mme a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par jugement du 4 novembre 1993 du Tribunal de commerce de Paris ; que le comptable public a, les 30 mars 1994, 11 avril 1994 et 31 janvier 1995, déclaré auprès du mandataire liquidateur les créances fiscales qu'il estimait alors détenir sur les époux ; que le trésorier principal du 9ème arrondissement de Paris - 2ème division, constatant que son droit de poursuite individuel demeurait suspendu à l'égard de M. faute de jugement prononçant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, a décerné à l'encontre de Mme , prise en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, les dix avis à tiers détenteurs et les quatre commandements de payer litigieux, respectivement les 16 juillet et 9 août 2004, pour avoir paiement des sommes restant dues au titre de la taxe d'habitation afférente aux années 1992 à 1998, de l'impôt sur le revenu afférent aux années 1989, 1990, 1992, 1996 et 1997 et des contributions sociales afférentes à l'année 1990 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement du 23 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées par les avis à tiers détenteur et les commandements de payer litigieux, en tant qu'elles sont afférentes à la taxe d'habitation établie au titre des années 1992 et 1993, à l'impôt sur le revenu établi au titre des années 1989, 1990 et 1992 et aux contributions sociales établies au titre de l'année 1990 ;

En ce qui concerne le recouvrement des cotisations de taxe d'habitation :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public : (...) sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du même code : Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. Cette disposition ne fait pas obstacle à l'application des articles R. 533-1 et R. 541-3 (...) ; qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire (...) ; qu'il résulte des dispositions précitées que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs au recouvrement des impôts locaux autres que la taxe professionnelle ;

Considérant que le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur un litige relatif au recouvrement de cotisations de taxe d'habitation, est rendu en premier et dernier ressort et n'est susceptible d'être contesté que par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat ; qu'il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat ;

En ce qui concerne le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales :

Considérant que Mme se prévalait devant les premiers juges, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dont la garantie qu'elles prévoient a été étendue au recouvrement de l'impôt par l'article 47 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de la documentation administrative référencée 12 C 6221, à jour le 30 octobre 1999 ; qu'il résulte du paragraphe 153 de ladite documentation que le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription à l'égard du débiteur principal ou de l'un des codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le paragraphe susmentionné ne saurait avoir pour objet de priver l'administration qui bénéficie, tant à l'égard du contribuable placé en liquidation judiciaire que de son conjoint, d'une suspension de la prescription en raison de la déclaration de sa créance auprès du mandataire chargé de la procédure collective, du pouvoir d'invoquer cette suspension auprès dudit conjoint ; qu'il suit de là que le tribunal administratif ne pouvait, par le jugement attaqué, après avoir indiqué que la prescription était suspendue à l'égard de Mme en l'absence de jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire, juger, sur le terrain de la doctrine administrative susrappelée, que la prescription de l'action en recouvrement était acquise à l'intéressée lorsque le trésorier principal du 9ème arrondissement de Paris - 2ème division lui a notifié les dix avis à tiers détenteur et les quatre commandements de payer litigieux, émis respectivement les 16 juillet et 9 août 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour de céans, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : 1. Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation. 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. ; qu'aux termes de l'article 1206 du code civil : Les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. ; qu'aux termes de l'article 47, alors en vigueur, de la loi du 25 janvier 1985 susvisée : Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. Il arrête et interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions dont ils sont solidairement responsables ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par jugement du 4 novembre 1993 du Tribunal de commerce de Paris, M. a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ; que le comptable public a produit au mandataire liquidateur, par bordereaux des 30 mars 1994, 11 avril 1994 et 31 janvier 1995, les créances qu'il estimait détenir sur M. au titre de l'impôt sur le revenu afférent aux années 1989, 1990 et 1992 et des contributions sociales afférentes à l'année 1990 ; que les déclarations de créances fiscales par le comptable public auprès du mandataire liquidateur ont eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription de quatre ans ; que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la date de clôture de la procédure collective ; qu'il résulte en outre de ce qui précède qu'en l'absence non contestée de jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire, le délai de prescription des créances fiscales du Trésor n'avait recommencé à courir ni à l'encontre de M. , ni, contrairement à ce que soutient Mme , à son encontre, lorsque le trésorier principal du

9ème arrondissement de Paris - 2ème division a décerné à cette dernière les dix avis à tiers détenteur et les quatre commandements de payer litigieux, respectivement les 16 juillet et

9 août 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que le comptable du Trésor était fondé à poursuivre le paiement des créances fiscales à l'encontre de Mme , en tant que débitrice solidaire de l'imposition, alors même que le droit de poursuite individuelle du comptable était suspendu à l'encontre de M. ;

Considérant, en troisième lieu, que si Mme soutient que les dispositions législatives susrappelées, en conséquence desquelles l'interruption de la prescription qui procède de la déclaration de créances produite par le comptable public dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire concernant exclusivement son époux lui est opposable alors qu'elle ne bénéficie pas, à la différence de ce dernier, de la suspension des poursuites durant cette procédure de liquidation, méconnaissent les principes communautaires d'égalité, de sécurité juridique et de confiance légitime, un tel moyen doit en tout état de cause être écarté sans qu'il soit besoin, ainsi que le demande Mme , de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dès lors, d'une part, que l'intéressée, qui ne fait pas l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, ne se trouve pas dans la même situation que son époux, et d'autre part, que les dispositions législatives critiquées ont pour objet et pour effet, non pas, contrairement à ce que soutient Mme , de supprimer le bénéfice de la prescription aux dépens d'un redevable de l'impôt codébiteur d'un contribuable faisant l'objet d'une procédure collective, mais de combiner les règles de recouvrement propres à l'impôt avec celles qui régissent la procédure collective ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et de remettre à la charge de Mme l'obligation de payer la somme qui lui a été réclamée à raison des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1992 et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1990 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT tendant à l'annulation du jugement n° 0600023 du 23 mars 2010 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a prononcé la décharge de l'obligation de payer la somme réclamée à Mme à raison des cotisations de taxe d'habitation dues au titre des années 1992 et 1993 sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 0600023 du 23 mars 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a déchargé Mme de l'obligation de payer la somme qui lui a été réclamée à raison des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1992 et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1990.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Paris tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme qui lui a été réclamée à raison des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1992 et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1990 sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de Mme tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 10PA02526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02526
Date de la décision : 09/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Avocat(s) : CELIMENE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-11-09;10pa02526 ?
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