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07/12/2011 | FRANCE | N°10PA03207

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 décembre 2011, 10PA03207


Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0917765 du 30 avril 2010 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a, d'une part, par son article 1er, annulé l'arrêté d'expulsion pris le 4 novembre 2009, à l'encontre de M. Mounir A et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2010, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0917765 du 30 avril 2010 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a, d'une part, par son article 1er, annulé l'arrêté d'expulsion pris le 4 novembre 2009, à l'encontre de M. Mounir A et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;

Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, entre le gouvernement de la République française et le Royaume du Maroc, relatif au séjour et à l'emploi, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble et en tant que de besoin l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et l'arrêté interministériel du 10 avril 1984 relatif aux conditions d'entrée des étrangers sur le territoire métropolitain et dans les départements d'outre-mer français ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Bernardin, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que M. A, né le 10 septembre 1978 au Maroc, pays dont il est ressortissant, est entré en France, selon ses déclarations, en 1985 ; qu'ayant fait l'objet de diverses condamnations pour des délits dont il s'est rendu coupable entre 1999 et 2001, il a été placé sous mandat de dépôt et incarcéré à la maison d'arrêt de Rennes pour s'être rendu l'auteur, le 30 septembre 2001, de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'une incapacité supérieure à huit jours, et, le 29 septembre 2001, de prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui ; qu'ayant été condamné, le 24 novembre 2004, à douze ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises d'Ille-et-Vilaine pour un viol en réunion commis le 12 mai 2000 et pour un viol commis le 27 septembre 2001, M. A, successivement incarcéré aux maisons d'arrêt de Rennes puis de Fresnes, au centre pénitencier de Liancourt dans l'Oise, puis de nouveau à la maison d'arrêt de Fresnes et, enfin, à compter de novembre 2006, au centre de détention de Melun, en Seine-et-Marne, a été admis au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 15 octobre 2008 ; que, par la présente requête, le PREFET DE POLICE relève régulièrement appel du jugement rendu le 30 avril 2010 par le Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a, d'une part, par son article 1er, annulé l'arrêté d'expulsion pris le 4 novembre 2009, à l'encontre de M. A et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2,

L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2°L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ; qu'aux termes de l'article R. 522-1 du même code : L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1, après accomplissement des formalités prévues à l'article L. 522-1, est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant les premiers juges, M. A a soutenu avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis 1985 ; que, s'il a présenté différents témoignages et rapports à l'appui de cette affirmation, il n'a, toutefois, produit aucun document probant de nature à établir sa présence effective et continue sur le territoire français sur la période antérieure à 1988 ; que, s'agissant de la période allant de 1991 à décembre 1998, il s'est borné à présenter des attestations établies en 2009 par des membres de sa famille affirmant qu'il serait arrivé en France à l'âge de 7 ans et y résiderait depuis lors, ainsi qu'une attestation établie en janvier 2003 par un ressortissant communautaire affirmant l'avoir hébergé de 1990 à 1996 ; que le caractère effectif et continu de la présence de l'intéressé sur le territoire français depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans, soit antérieurement à septembre 1991, ne peut davantage résulter des rapports produits à cette fin, établis respectivement les 14 février 2008 et 30 mars 2009 par la conseillère d'insertion et de probation du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Seine-et-Marne, saisie dans le cadre de la demande de libération conditionnelle présentée par M. A et par le directeur des affaires sanitaires et sociales de Paris dans le cadre de la procédure d'expulsion, qui se bornent à reprendre les assertions de l'intéressé à cet égard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé, tout en prenant acte de la faible valeur probante de certaines pièces du dossier, sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté d'expulsion pris le 4 novembre 2009 par le PREFET DE POLICE à l'encontre de M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par ce dernier devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, que M. Jacques B, directeur de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté en litige, disposait, à la date du 4 novembre 2009, d'une délégation de signature à cet effet, qui lui a été consentie par l'arrêté n° 2009-00565 du PREFET DE POLICE du 21 juillet 2009 et a été régulièrement publiée au bulletin officiel municipal de la Ville de Paris du 28 juillet 2009 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : /

1° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...). / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ;

Considérant qu'il est constant qu'après avoir fait l'objet de diverses condamnations pour des délits dont il s'est rendu coupable entre 1999 et 2001, M. A a été définitivement condamné, le 24 novembre 2004, à douze ans de réclusion criminelle par la Cour d'assises d'Ille-et-Vilaine pour un viol en réunion commis le 12 mai 2000 et pour un viol commis le 27 septembre 2001 ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE a pu, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 521-2 précité, légalement prendre l'arrêté en litige, nonobstant la circonstance que l'intéressé soit père d'un enfant français mineur résidant en France et qu'il vivrait en concubinage avec une personne de nationalité française ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir la durée de sa résidence en France où est présente la totalité de sa famille, sa qualité de père d'un enfant français né d'un premier mariage, son concubinage avec une française et son comportement durant son incarcération ainsi que depuis sa libération ; que, toutefois, l'intimé, âgé de 31 ans à la date de l'arrêté litigieux, n'établit pas la durée de résidence alléguée, ni la particulière intensité des liens qu'il entretenait à la date de l'arrêté avec les membres de sa fratrie installés en France, d'autant qu'il est constant qu'il a été en détention de 2001 à 2008 ; qu'il n'est de surcroît ni établi, ni même d'ailleurs allégué que, pendant toutes ces années, sa famille lui aurait rendu visite ; que, s'il est le père d'un enfant né de son premier mariage et vivant en Seine-Saint-Denis, M. A est séparé de son épouse depuis 2006 et n'établit pas pourvoir à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; qu'en outre, la vie maritale avec une française dont il fait état est récente et que l'intensité des liens qui l'unissent à cette personne n'est nullement établie ; qu'il n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches au Maroc, aucune justification de la résidence régulière en Italie ou en Espagne des autres membres de sa fratrie n'étant notamment apportée ; qu'enfin, postérieurement à sa libération conditionnelle, en octobre 2008, l'intéressé a été interpellé et placé en garde à vue en août et septembre 2009 en Bretagne, région où il a commis ses crimes et délits ; que, dans ces conditions, et eu égard à la gravité particulière des faits réitérés dont l'intéressé s'est rendu l'auteur, en particulier des faits de viols, et nonobstant la présence en France de certains membres de sa famille, le PREFET DE POLICE n'a pas, en adoptant l'arrêté litigieux, porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale en France garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée au but poursuivi ;

Considérant, enfin, alors que la circonstance que M. A a bénéficié, à compter du 3 octobre 2008, d'une libération conditionnelle est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse ; que, par ailleurs, en estimant que, compte tenu de la gravité des faits reprochés à celui-ci, sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public, le PREFET DE POLICE n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 avril 2010, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté d'expulsion qu'il avait pris le 4 novembre 2009 à l'encontre de M. A et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0917765 du 30 avril 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a, d'une part, par son article 1er, annulé l'arrêté d'expulsion pris par le PREFET DE POLICE le 4 novembre 2009 à l'encontre de M. A et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 10PA03207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA03207
Date de la décision : 07/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. André-Guy BERNARDIN
Rapporteur public ?: M. EGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-07;10pa03207 ?
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