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03/07/2012 | FRANCE | N°10PA05741

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 juillet 2012, 10PA05741


Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2010, présentée pour M. Norbert A, demeurant au ...), par Me Laprie ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717210/2-1 du 5 octobre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2010, présentée pour M. Norbert A, demeurant au ...), par Me Laprie ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0717210/2-1 du 5 octobre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2003, 2004 et 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de Mme Versol,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

Considérant qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de M. Norbert A, qui exploitait à titre individuel une pharmacie dans le 20ème arrondissement de Paris, et du contrôle du dossier fiscal de M. et Mme B, l'administration a notifié à ces derniers des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2003, 2004 et 2005 ; que M. A relève appel du jugement du 5 octobre 2010 en tant que le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande en décharge desdits compléments d'impôt sur le revenu ;

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu à raison de la reprise de la provision pour litige constituée le 31 janvier 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-6 du code de commerce : " Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. (...) / Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 susvisée : " Il peut être constitué, pour l'exercice d'une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés en commandite par actions régies par la les dispositions du livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions du titre Ier de la présente loi (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : " La société ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu'après son agrément par l'autorité ou les autorités compétentes ou son inscription sur la liste ou les listes ou au tableau de l'ordre ou des ordres professionnels. / (...) L'immatriculation de la société ne peut intervenir qu'après l'agrément de celle-ci par l'autorité compétente ou son inscription sur la liste ou au tableau de l'ordre professionnel " ; qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ; qu'en application de ces dispositions, pour la détermination des bénéfices imposables d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) créée par apport d'un fonds de commerce d'une entreprise individuelle, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences des stipulations relatives à la constitution de la société est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la société a été légalement constituée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SELARL B et Fils a été principalement constituée par l'apport du fonds de commerce de l'entreprise individuelle de pharmacie exploitée par M. A, par un acte du 9 décembre 2004, enregistré au greffe du Tribunal de commerce de Paris le 8 mars 2005 ; qu'en application des dispositions précitées du code de commerce et de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, la constitution légale de la SELARL B et Fils n'a pu intervenir antérieurement au 8 mars 2005, date de l'immatriculation de la société selon les propres écritures du contribuable dans sa réclamation du 13 avril 2007 ; que, pour soutenir que seule cette société, soumise à l'impôt sur les sociétés, est redevable du complément d'impôt sur les sociétés résultant du redressement relatif à la provision pour litige constituée à la clôture de l'exercice le 31 janvier 2005, M. A ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la SELARL B et Fils a été destinataire d'un avis de vérification de comptabilité du 15 février 2006, portant sur la période du 1er avril 2003 au 9 février 2005 ; que si M. A se prévaut de la circonstance que l'actif net apporté a été établi à partir des comptes clos le 31 janvier 2004 et de ce que les rectifications affectant les exercices ultérieurs devaient être prises en charge par la SELARL, il résulte des termes du contrat d'apport conclu le 9 décembre 2004 que les parties ont convenu que la partie du passif fiscal qui ne serait pas prise en charge par la société compte tenu des valeurs déterminées au vu du bilan clôturé au jour de la prise de possession sera prise en charge par l'apporteur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que seule la SELARL B et Fils serait redevable du complément d'impôt sur les sociétés résultant du redressement relatif à la provision en litige ne peut qu'être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le redressement en litige, qui résulte de la remise en cause de la provision pour litige constituée le 31 janvier 2005, a été notifié à M. A le 28 juillet 2006, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que ce redressement ne procède pas d'une vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle que M. A exploitait mais de l'exploitation ponctuelle des informations recueillies lors de l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, notamment des procès-verbaux d'audition d'un représentant de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris ; que M. A ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'a pas été destinataire d'un avis de vérification portant sur l'exercice clos le 31 janvier 2005, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées par elle qu'ultérieurement, à la condition qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante ;

Considérant qu'à la clôture de l'exercice, le 31 janvier 2005, M. A a porté en comptabilité une provision pour risque et charge, intitulée " provision pour litige ", d'un montant de 331 000 euros, destinée à couvrir la réparation du préjudice subi par la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Paris à raison d'agissements frauduleux dans le cadre de l'activité exercée à titre individuel par M. A en qualité de pharmacien ; que, toutefois, la plainte de la CPAM adressée, par lettre du 31 janvier 2005, au Procureur de la République, se borne à mentionner que le préjudice est en cours d'estimation ; que, pour justifier de l'évaluation avec une approximation suffisante de la provision en litige, M. A ne peut utilement se prévaloir des chiffres mentionnés dans les ordonnances de mise en détention provisoire, du 19 février 2005, et de mise en liberté, du 20 mai 2005, actes postérieurs à la clôture de l'exercice 2005, en faisant valoir que le délai pour déposer la liasse fiscale de cessation d'activité expirait le 9 mai 2005 ou, au plus tôt, le 10 avril 2005 ; que M. A ne peut pas davantage utilement faire valoir qu'il a été informé de l'estimation par la CPAM du montant du préjudice à la date de sa garde à vue, le 18 février 2005 ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions du quatrième alinéa du a du 5 de l'article 158 du code général des impôts, alors en vigueur, que seuls les salaires déclarés spontanément par les contribuables peuvent bénéficier de l'application d'un abattement de 20 % ; qu'il résulte de l'instruction que Mme B n'a pas déclaré spontanément les traitements qu'elle a perçus au titre des années 2003 et 2004 ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que Mme B ayant interrompu son activité de professeur certifié en raison de son état de santé, l'expert-comptable consulté aurait indiqué que les traitements en cause n'étaient pas imposables ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander le rétablissement de cet abattement pour ces deux années ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100 / (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : / 40 p. 100 lorsque le document n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure notifiée par pli recommandé d'avoir à le produire dans ce délai (...) " ; qu'aux termes de l'article 201 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. / Les contribuables doivent, dans un délai de soixante jours déterminé comme il est indiqué ci-après, aviser l'administration de la cession ou de la cessation (...) / Le délai de soixante jours commence à courir : / - lorsqu'il s'agit de la vente ou de la cession d'un fonds de commerce, du jour où la vente ou la cession a été publiée dans un journal d'annonces légales, conformément aux prescriptions de l'article L. 141-12 du code de commerce (...) 3. Les contribuables assujettis à un régime réel d'imposition sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans le délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de résultat (...) " ;

Considérant que M. A a apporté le 9 décembre 2004 son activité individuelle de pharmacien à la SELARL B et Fils ; qu'il n'est pas contesté que la publication au journal d'annonces légales de cet apport est intervenu le 9 février 2005 ; que, par suite, le délai de dépôt de la déclaration de son bénéfice réel expirait le 10 avril 2005 ; que la déclaration en cause n'ayant été déposée que le 24 novembre 2005, à la suite d'une mise en demeure, M. A n'est pas fondé à soutenir que la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts n'est pas justifiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 10PA05741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05741
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LAPRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-07-03;10pa05741 ?
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