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03/07/2012 | FRANCE | N°11PA04367

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 03 juillet 2012, 11PA04367


Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2011, présentée pour M. Abdelkader A, élisant domicile au cabinet de Me Adrien Mamère 2, rue du Cygne à Paris (75001), par Me Mamère ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107084/9 du 26 septembre 2011 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 septembre 2011 par lequel le préfet du Val de Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duqu

el il sera reconduit ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au pr...

Vu la requête, enregistrée le 6 octobre 2011, présentée pour M. Abdelkader A, élisant domicile au cabinet de Me Adrien Mamère 2, rue du Cygne à Paris (75001), par Me Mamère ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107084/9 du 26 septembre 2011 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 septembre 2011 par lequel le préfet du Val de Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans un délai de deux mois à compter de la notification l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de cette convention ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, et ses avenants, modifié en dernier lieu par l'avenant du 11 juillet 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :

- le rapport de M. Lercher ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 21 septembre 2011, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination ; que M. A relève appel du jugement du 26 septembre 2011, par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-1 : " I L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, que M. A fait valoir que l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision l'obligeant à quitter le territoire mentionne les textes et les motifs sur lesquels le préfet du Val-de-Marne a fondé sa décision ; que l'arrêté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il indique que l'intéressé n'a pas déféré à la précédente obligation de quitter le territoire qui lui a été notifiée le 7 mars 2008, devenue exécutoire et que cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale ; que par suite, l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient M. A, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas fait usage de son pouvoir d'appréciation, ni examiné de manière complète sa situation ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant, que M. A soutient qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire car il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement des stipulations de l'accord franco-algérien modifié ; qu'il n'est, toutefois, pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision du préfet des Yvelines du 18 février 2008 rejetant sa demande de titre de séjour, dès lors que cette décision, qui n'a fait l'objet d'aucun recours de la part de l'intéressé, était devenue définitive à la date de la décision contestée ; que si M. A fait valoir qu'il est entré régulièrement sur le territoire avec un visa Schengen de court séjour, le 26 octobre 2001, qu'il vit de manière habituelle en France depuis 10 ans et qu'il est marié avec une ressortissante française depuis le 16 août 2008, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a déclaré lui-même aux services de police lors de son interpellation qu'il ne vivait plus avec son épouse et qu'ils allaient divorcer ; que les documents qu'il produit sont insuffisants pour établir sa présence effective et continue sur le territoire depuis la date à laquelle il déclare être entré en France ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 20 ans ; que par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. A en France, la décision du préfet du Val de Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'est donc pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus du délai de départ volontaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les Etats membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les Etats membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; que le 7) de l'article 3 de la même directive définit ce " risque de fuite " comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé " éloignement " : " 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un Etat membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les Etats membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : [...] 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : [...] d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; [...] f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ; ".

Considérant que les dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 rappelées ci-dessus laissent la possibilité aux Etats membres, en cas de risque de fuite, de s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou d'accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'en estimant, dans les cas énoncés par le paragraphe II de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il existe, sauf circonstance particulière, des risques que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, le législateur a retenu des critères objectifs qui sont compatibles avec la directive du 16 décembre 2008 susvisée, et en particulier avec son article 7.4. ; qu'en décidant que dans les cas précités, l'obligation de quitter le territoire français pouvait être prise sans délai, le législateur n'a pas adopté des dispositions incompatibles avec ladite directive, que la loi du 16 juin 2011 précitée a eu pour objet de transposer ; que le moyen tiré de ce que les dispositions la loi du 16 juin 2011 précitées méconnaîtraient cette directive doit donc être écarté ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est privée de base légale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qui n'a pas indiqué aux autorités de police qui l'ont interrogé le lieu de sa résidence effective ou permanente et a déclaré lui-même être sans domicile fixe, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ; qu'en outre, il s'est soustrait à une précédente décision d'éloignement prise par le préfet des Yvelines, le 18 février 2008 ; que, dans ces conditions, le risque qu'il pouvait se soustraire à la mesure d'éloignement objet du présent litige doit être regardé comme établi ; que, dès lors, le préfet du Val-de-Marne pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ne sont assorties d'aucun moyen ; qu'elles ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 21 septembre 2011 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 11PA04367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04367
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Alain LERCHER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MAMERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-07-03;11pa04367 ?
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