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06/07/2012 | FRANCE | N°11PA02042

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 juillet 2012, 11PA02042


Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°10011814 du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 27 mai 2010 refusant à M. Lotfi A la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 27 mai 2010 au

motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne ...

Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°10011814 du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 27 mai 2010 refusant à M. Lotfi A la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 27 mai 2010 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2011, présenté pour M. A par Me Gassoch-Dujoncquoy ; M. A conclut au rejet de la requête du PREFET DE POLICE et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2012 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, rapporteur,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mai 2010 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A, ressortissant tunisien né en 1971, faisant à celui-ci obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant, d'une part, que, s'il n'est pas contesté que le père de M. A, ressortissant tunisien titulaire d'une carte de résident, souffre des conséquences de lourdes interventions chirurgicales effectuées en 2008, il ne ressort en revanche pas des pièces du dossier, et en particulier des deux certificats médicaux établis les 16 mars et 25 janvier 2010 par le docteur Elfassy, médecin généraliste, que son état de santé nécessitait, à la date de l'arrêté attaqué, une assistance permanente que le requérant aurait été seul en mesure de lui apporter, alors que le préfet de police produit en appel des documents qui établissent que l'épouse du père de M. A s'est vu délivrer le 15 février 2006 une carte de résident valable jusqu'en décembre 2015 ; que, d'autre part, M. A, qui est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas d'une intégration particulière dans ce pays par les seules circonstances qu'il y séjournerait depuis l'année 2002 et y occuperait un emploi à temps partiel depuis juillet 2009 ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, pays où résident sa mère et son frère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a déjà été autorisé à résider en France, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mai 2010 au motif qu'il aurait été adopté en méconnaissance des stipulation de l'article 8 de la convention précitée ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Sur les autres moyens invoqués par M. A :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué mentionne l'ensemble des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation dudit arrêté doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A, fait valoir que la procédure suivie par le PREFET DE POLICE est irrégulière en ce que l'avis du médecin, chef de la préfecture de police ne mentionne pas s'il peut voyager ; que, toutefois, ce moyen doit être écarté comme inopérant dès lors aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposait au préfet de consulter ce médecin afin que celui-ci se prononce, en particulier, sur la capacité de l'intéressé à voyager, celui-ci n'ayant pas sollicité un titre de séjour en tant qu'étranger malade ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le père de M. A n'est pas isolé en France dès lors que son épouse, qui est titulaire d'un titre de séjour expirant en décembre 2015, demeure avec lui ; que M. A ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie ; que le moyen tiré de la violation des dispositions susmentionnées doit dès lors être écarté ; que, pour les mêmes motifs, l'arrêté du PREFET DE POLICE n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'article 2 du protocole du 28 avril 2008 font obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire"; que, d'autre part, si M. A fait valoir qu'il vit en France depuis neuf ans, qu'il est parfaitement intégré, qu'il travaille dans un secteur caractérisé par des difficultés de recrutement et déclare ces revenus, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que M. A ne justifiait pas de motifs humanitaires ou de circonstances exceptionnelles au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. A n'établissant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il remplissait effectivement les conditions prévues par ces articles, doit être écarté le moyen qu'il tire de ce que le PREFET DE POLICE aurait omis de consulter la commission du titre de séjour en violation des dispositions précitées ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "... L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; que le requérant, qui est entré en France en 2002 selon ses déclarations, ne justifiait pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date du 27 mai 2010 à laquelle l'arrêté attaqué a été adopté ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour en violation des dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mai 2010 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1011814 du 22 mars 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Lofti A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 11PA02042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02042
Date de la décision : 06/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : GASSOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-07-06;11pa02042 ?
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