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07/02/2013 | FRANCE | N°11PA00111

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 février 2013, 11PA00111


Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Tour Pascal B, à La Défense cédex (92055) ; le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Défi France une somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa charge une

somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Tour Pascal B, à La Défense cédex (92055) ; le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Défi France une somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande tendant à l'indemnisation de la société Défi France et, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnisation accordée ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la société Défi France s'est trouvée titulaire d'une décision implicite d'autorisation en raison d'une erreur procédurale, alors que les dispositifs publicitaires en cause méconnaissaient les règles nationales et communales applicables ;

- la faute de l'administration n'est pas en l'espèce de nature à engager sa responsabilité ;

- le comportement fautif de la société Défi France est de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ;

- eu égard à l'illégalité des dispositifs publicitaires et aux risques pris par la société Défi France, il y a en tout état de cause lieu de réduire l'indemnisation accordée en première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2011, présenté pour la société Défi France, par MeA..., tendant au rejet du recours et, par la voie de l'appel incident, à ce que la somme de 582 232, 64 euros mise à la charge de l'Etat soit portée à 970 691, 04 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 28 décembre 2007, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les arrêtés de dépose des 6 juillet 2001 et 5 septembre 2002 pris par le maire de Paris au nom de l'Etat étaient illégaux ;

- ces arrêtés ont été pris après acquiescement du maire sur la mise en oeuvre des travaux d'installation ;

- il existe un lien de causalité entre les arrêtés de mise en demeure et la rupture du contrat conclu entre la société Defi France et l'enseigne Samsung ;

- elle a subi des préjudices liés à l'interruption de ce contrat et aux frais de dépose du dispositif publicitaire ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé d'indemniser le préjudice né du non-renouvellement du contrat qui la liait à la société " Cheil communications " ;

Vu la lettre en date du 4 décembre 2012 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de ce que les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas. Les travaux de dépose de la publicité litigieuse, estimés à 29 999, 67 euros, correspondant à une charge que la société Défi France aurait dû supporter au terme de l'exécution du contrat signé avec la société " Cheil communications " annonceur, filiale de la société Samsung, doivent donc être déduits du préjudice commercial indemnisable à mettre à la charge de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le décret du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération ;

Vu l'arrêté municipal du 7 juillet 1986 modifié portant règlement de la publicité et des enseignes à Paris ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de M. Even, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Défi France ;

1. Considérant que la société Défi France a déposé le 24 mai 2000 une demande d'installation d'une installation publicitaire au profit de la marque Samsung comportant deux toiles peintes sur les pignons des immeubles des 47-49 rue Fontaine et 104-106 rue Blanche et un dispositif lumineux et animé sur la toiture de l'immeuble sis 3 place Blanche à Paris (75009) ; que cette installation a été autorisée implicitement le 24 juillet 2000 du seul fait de l'expiration du délai énoncé par l'article 29 du décret du 21 novembre 1980 susvisé relatif au dossier de demande d'installation d'un dispositif publicitaire et a rendu exécutoire le contrat conclu entre la société Défi France et la société " Cheil communications ", annonceur, filiale de la société Samsung, pour une durée de 6 ans renouvelable à compter de la mise en service de cet équipement ; qu'alors même que cette décision implicite d'acceptation ne pouvait être retirée avant l'entrée en vigueur de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000, cette même demande a été rejetée par une décision expresse du maire de Paris du 25 juillet 2000 aux motifs que ce dispositif publicitaire était contraire à l'article 15 du règlement de la publicité et des enseignes à Paris du 7 juillet 1986 modifié ; que, cependant, l'installation de ce dispositif publicitaire était achevée le 12 octobre 2000 ; que, le 31 octobre 2000, la société requérante a présenté une demande d'autorisation en raison de modifications apportées au projet initial ; que cette demande a fait l'objet d'un refus du maire de Paris le 27 décembre 2000, réitéré le 28 mai 2001 ; qu'un procès-verbal d'infraction a été dressé le 25 juin 2001 ; que, par un arrêté du 6 juillet 2001, le maire de Paris a mis en demeure la société Défi France de déposer l'installation publicitaire litigieuse ; que, le 23 juillet 2002, il a été dressé un nouveau procès-verbal d'infraction pour modification des éléments du dispositif sans autorisation préalable ; que, par un arrêté du 5 septembre 2002, une nouvelle mise en demeure de déposer l'installation a été adressée à la société ; que, nonobstant l'existence d'une autorisation implicite, cette publicité a été finalement déposée avant le terme du contrat signé avec l'annonceur, lequel a été résilié à compter du 31 décembre 2003 ; que, par deux arrêts des 5 octobre 2006 et 26 avril 2007, la Cour de céans a annulé la décision du 28 mai 2001 et l'arrêté du 6 juillet 2001, pris sur le fondement du rejet exprès du 25 juillet 2000, ainsi que la mise en demeure du 5 septembre 2002 ; que, par une décision du 4 avril 2008, le ministre de l'écologie a rejeté la demande de la société Défi France tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des décisions précitées ; que le ministre de l'écologie relève appel du jugement du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Défi France une somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007 ; que, par la voie de l'appel incident, la société Défi France demande à la Cour de porter l'indemnité mise à la charge de l'Etat à la somme de 970 691, 04 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'après avoir rappelé que " la cour administrative d'appel de Paris a, par deux arrêts du 5 octobre 2006 et du 26 avril 2007, désormais revêtus de l'autorité de la chose jugée, annulé les deux arrêtés municipaux du 6 juillet 2001 et du 5 septembre 2002 par lesquels le maire de Paris a mis en demeure la société Défi France de déposer l'ensemble du dispositif publicitaire litigieux " et précisé que " ces annulations ont été prononcées pour défaut de base légale et non pour vice de procédure, contrairement à ce que soutient le ministre de l'écologie ", les premiers juges ont estimé " que l'illégalité de fond ainsi censurée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, au nom duquel le maire de Paris a agi " ; que le tribunal, qui n'était pas tenu d'exposer les raisons pour lesquelles le dispositif publicitaire litigieux aurait été irrégulier, a ainsi suffisamment motivé son jugement ;

Sur le fond :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;

3. Considérant que, si l'illégalité du refus exprès d'octroi de l'autorisation demandée en raison de l'existence d'une décision implicite d'acceptation antérieure, du rejet de la demande de régularisation présentée par la société Défi France et des mises en demeure de déposer l'installation litigieuse peuvent constituer des fautes susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'elles entraînent un préjudice direct et certain, elles ne sauraient donner lieu à réparation si un refus exprès aurait pu légalement être opposé à la demande de cette société ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la publicité objet du présent litige comportait deux toiles peintes apposées sur les pignons des immeubles situés 47-49 rue Fontaine et 104-106 rue Blanche à Paris, dépassant la limite supérieure du mur qui les supportait, ainsi qu'un dispositif lumineux animé en rotation, composé d'un téléphone portable géant, entouré d'une sphère métallique ajourée de 6 mètres de diamètre, fixé sur la toiture de l'immeuble situé 3 place Blanche, émettant des éclairs intermittents et provoquant d'importantes nuisances lumineuses et sonores ; que cette installation avait fait l'objet d'un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France au motif qu'elle portait une atteinte à l'environnement urbain incompatible avec la protection du cadre de vie mentionnée à l'article 2 de la loi du 29 décembre 1979, aujourd'hui repris à l'article L. 581-2 du code de l'environnement, et ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article PE15 du règlement de la publicité et des enseignes à Paris du 7 juillet 1986 modifié en raison de son caractère disproportionné par rapport au volume des immeubles lui servant d'implantation ; que la circonstance qu'une décision implicite d'acceptation ait été acquise est sans incidence sur le fait que le dispositif était non conforme aux dispositions législatives et réglementaires alors en vigueur et aurait pu donner lieu à un rejet exprès légal de la demande présentée par la société Défi France ; que, dès lors, le préjudice allégué qu'aurait subi ladite société en raison de la rupture anticipée du contrat conclu avec la société " Cheil communications ", annonceur, et de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir la reconduction de ce contrat, résulte de l'application même des dispositions législatives et réglementaires alors en vigueur et ne saurait, par suite, être regardé comme la conséquence de l'illégalité des arrêtés et décisions du maire de Paris des 25 juillet 2000, 28 mai 2001, 6 juillet 2001 et 5 septembre 2002 portant respectivement refus exprès d'octroi de l'autorisation demandée, rejet de la demande de régularisation présentée par la société Défi France et mises en demeure de déposer l'installation litigieuse ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé de l'écologie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Défi France une somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident présentées par la société Défi France devant la Cour et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0807650/7-2 du Tribunal administratif de Paris du 5 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Défi France devant le Tribunal administratif de Paris, ses conclusions d'appel incident présentées devant la Cour et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société Défi France.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Lackmann, président,

M. Even, président assesseur,

M. Bergeret, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 février 2013.

Le rapporteur,

B. EVENLe président,

J. LACKMANNLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11PA00111
Date de la décision : 07/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Décisions implicites.

Affichage et publicité - Affichage - Régime de la loi du 29 décembre 1979.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme LACKMANN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme VIDAL
Avocat(s) : GALLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-02-07;11pa00111 ?
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