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07/03/2013 | FRANCE | N°10PA05993

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 mars 2013, 10PA05993


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2010, présentée pour la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS), dont le siège est 1 rue de la Tour à Rungis (94152), représentée par son représentant légal en exercice, par la SELARL Huglo-Lepage ; la SEMMARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707307/1 du 17 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à M. B...la somme de 91 594,93 euros assortie des intérêts aux taux légal à compter d

u 7 janvier 2004 et a mis à sa charge la somme de 2 000 euros en application des d...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2010, présentée pour la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS), dont le siège est 1 rue de la Tour à Rungis (94152), représentée par son représentant légal en exercice, par la SELARL Huglo-Lepage ; la SEMMARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707307/1 du 17 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à M. B...la somme de 91 594,93 euros assortie des intérêts aux taux légal à compter du 7 janvier 2004 et a mis à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes de M.B... ;

3°) à titre subsidiaire, de minorer la demande indemnitaire de M.B... ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner M. B...à lui restituer la somme de 36 855,07 euros ;

5°) de condamner M. B...à lui reverser l'intégralité des sommes qu'elle lui a versées en exécution du jugement du 17 septembre 2010 ;

6°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code pénal ;

Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 ;

Vu le décret-loi du 17 juin 1938 ;

Vu le décret n° 65-325 du 27 avril 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2013 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la SEMARIS et celles de Me A...pour M. B... ;

1. Considérant que M.B..., salarié de la SEMMARIS, société anonyme d'économie mixte, a été admis à la retraite le 30 juin 2001 ; que, sur la base d'un contrat conclu verbalement avec la SEMMARIS en août 2001, il a été chargé d'exercer certaines diligences dans le cadre de la renégociation des conditions d'occupation, par la SCI Pondorly et la société Total Fina Elf, d'une emprise de 14 000 m2, supportant un parking, une discothèque et une station service, acquise à la suite de l'absorption en 1994 de la Société d'aménagement et de gestion des annexes du marché d'intérêt national de Rungis (SAGAMIRIS) ; qu'en contrepartie de ses prestations, la SEMMARIS lui a versé une somme globale de 36 855,07 euros ; que, le 14 novembre 2003, M. B... a demandé à la SEMMARIS de lui régler la somme de 285 322,10 euros au titre du " solde " de sa rémunération ; que, le 7 janvier 2004, il a demandé à la SEMMARIS de lui régler la somme de 275 387,10 euros au titre du " solde de commissionnement " ; que la SEMMARIS a implicitement rejeté cette dernière demande ; que, par la présente requête, la SEMMARIS fait appel du jugement du 17 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun, d'une part, l'a condamnée à verser à M. B...la somme de 91 594,93 euros, au titre de la rémunération contractuelle qui lui était due, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 7 janvier 2004 et, d'autre part, a mis à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par la voie de l'appel incident, M. B...demande à la Cour de condamner la SEMMARIS à lui verser la somme de 163 571 euros TTC " à parfaire à raison d'une majoration mensuelle de 18 670 euros TTC du mois de mai 2011 à la date de l'arrêt à intervenir " ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M.B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 432-13 du code pénal : " Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions. ( ...) Est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé. / Ces dispositions sont applicables aux agents des établissements publics, des entreprises publiques, des sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital (...) " ;

3. Considérant que les dispositions précitées de l'article 432-13 du code pénal n'ont ni pour objet ni pour effet d'entacher de " nullité absolue " les actes pris par le président du conseil d'administration d'une société anonyme dans l'exercice de ses fonctions ; que, dès lors, et quelles que soient par ailleurs les conditions selon lesquelles M.D..., qui siégeait auparavant au Conseil d'administration de la SEMMARIS en qualité de représentant de l'Etat, a été désigné président du conseil d'administration de cette société en 2007, ce dernier avait bien en tout état de cause qualité, le 21 décembre 2010, pour représenter en justice la SEMMARIS et faire appel du jugement attaqué ; que la fin de non-recevoir opposée par M.B..., tirée du défaut de qualité pour agir du représentant de la SEMMARIS, doit par suite être écartée ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret n°63-325 du 27 avril 1965, la SEMMARIS assure l'aménagement et la gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne ; que, par une convention en date du 23 février 1967, l'Etat a mis à la disposition de cette société un ensemble de terrains lui appartenant ou à lui concédés, qui font partie du domaine public ; qu'en vertu de l'article 6 de cette convention, les bâtiments, constructions et installations réalisés ou acquis sur ces terrains par la société, qui ne peuvent faire l'objet de baux commerciaux, sont la propriété de l'Etat dès leur édification ou mise en place ou de leur acquisition ; que, dès lors, la SEMMARIS, lorsqu'elle concède à un usager la construction de bâtiments ou l'aménagement d'installations sur ces terrains, agit non pour son propre compte mais pour le compte de l'Etat auquel ces ouvrages doivent être remis ; qu'il en va nécessairement de même pour les contrats d'assistance juridique ou de conseil foncier conclus avec des tiers pour la renégociation de concessions portant sur le domaine mis à la disposition de la SEMMARIS ; que, dans ces conditions, le contrat verbal conclu par la SEMMARIS avec M. B... dans le cadre de la renégociation de conventions d'occupation de parcelles dont elle assure la gestion doit en l'espèce être regardé comme conclu pour le compte de l'Etat ; que le contrat litigieux ayant un caractère administratif, la juridiction administrative est bien compétente pour statuer sur le litige concernant l'exécution de ce contrat ;

Sur l'appel principal :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la SEMMARIS à la demande de première instance de M.B... ;

En ce qui concerne la somme due à M. B...au titre des prestations accomplies pour le compte de la SEMMARIS :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

5. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

6. Considérant que M. B...soutient en substance, dans ses écritures, que sa rémunération a été contractuellement fixée à 10 % de la redevance annuelle versée à la SEMMARIS par les deux concessionnaires du domaine public pendant toute la durée des conventions de concession, soit jusqu'en 2017, à condition, toutefois, que les redevances versées en vertu des nouvelles conventions soient supérieures à celles qui résultaient des anciennes conventions ; que la SEMMARIS fait, pour sa part, valoir que la rémunération de M. B...a été contractuellement fixée à 10 % du montant des redevances versées à la SEMMARIS en vertu des nouvelles conventions signées, pour la première année seulement, et à la même condition que le montant de ces redevances soit supérieur à celui qui résultait des anciennes conventions ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu en particulier de l'absence de contrat écrit entre les parties, que la SEMMARIS et M. B...auraient, dès l'origine, déterminé clairement et précisément les conditions de rémunération des prestations accomplies par ce dernier dans le cadre de la renégociation des deux conventions d'occupation du domaine public qu'il a menée à son terme ; qu'il en est résulté un malentendu entre les parties sur les modalités de calcul de cette rémunération ; que ni les correspondances adressées par M. B...à la SEMMARIS au cours de l'exécution de ce contrat, et en particulier les courriers du 27 septembre 2001, la facture du 27 décembre 2001, la facture du 13 décembre 2002 et la note qui y est jointe, ni les courriers envoyés par la SEMMARIS à M.B..., et notamment le règlement de certaines factures et le courrier du 2 décembre 2003 accompagnant le règlement d'une somme de 9 935 euros pour solde de tout compte, ne permettent d'identifier une commune intention des parties sur la détermination de l'assiette de la rémunération de M.B... ; que, dans ces conditions, les parties au contrat ne peuvent pas être regardées comme ayant valablement échangé leur consentement sur le prix, préalablement ou au cours de l'exécution du contrat litigieux ; que, compte tenu de ce vice, qui affecte les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, le contrat verbal conclu entre la SEMMARIS et M. B... doit être écarté pour régler le litige qui les oppose ; que M. B...n'est dès lors pas fondé à réclamer le paiement des prestations qu'il a accomplies pour le compte de la SEMMARIS sur un fondement contractuel ;

En ce qui concerne la restitution des sommes versées par la SEMMARIS à M. B... :

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la SEMMARIS a versé à M. B..., sur le fondement de ce contrat verbal, la somme de 36 855,07 euros ; qu'en exécution des articles 1er et 2 du jugement attaqué, elle a versé une somme de 109 878,26 euros, correspondant d'une part à une indemnité contractuelle complémentaire de 91 594,93 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2004, au titre des prestations effectuées, et d'autre part à la somme de 2 000 euros due en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, aucune somme n'est due à M. B...sur le fondement du contrat verbal litigieux ; que, dans ses écritures de première instance et d'appel, M. B... n'a pas fondé ses demandes indemnitaires sur un fondement quasi-contractuel ou quasi-délictuel, même à titre subsidiaire, mais sur le seul fondement contractuel ;

9. Considérant que, dans ces conditions, la SEMMARIS a droit à la restitution de l'ensemble des sommes qu'elle a versées à M. B...sur le fondement contractuel ;

En ce qui concerne la somme mise par les premiers juges à la charge de la SEMMARIS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant que, compte tenu des motifs retenus par le présent arrêt, la SEMMARIS n'est pas la partie perdante dans la présente affaire ; que, dès lors, les premiers juges ont fait une inexacte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à sa charge la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SEMMARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à M. B...la somme de 91 594,93 euros assortie des intérêts aux taux légal à compter du 7 janvier 2004 et a mis à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à demander l'annulation de ce jugement et la condamnation de M. B...à lui restituer la somme globale de 146 733,33 euros (36 855,07 euros versés en rémunération de la prestation fournie + 109 878,26 euros versés en exécution du jugement du tribunal administratif de Melun, incluant les intérêts et la somme due au titre des frais irrépétibles) ;

Sur l'appel incident :

13. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'appel incident de M. B... doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SEMMARIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande la SEMMARIS au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0707307/1 du Tribunal administratif de Melun en date du 17 septembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...présentée devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : M. B...est condamné à restituer à la SEMMARIS la somme de 146 733,33 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties devant la Cour est rejeté.

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N° 10PA05993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05993
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-09-04-02 Procédure. Tribunal des conflits. Saisine sur renvoi d'une juridiction. Prévention des conflits négatifs.


Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP HUGLO LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-07;10pa05993 ?
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