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25/03/2013 | FRANCE | N°12PA01763

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 mars 2013, 12PA01763


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril 2012 et 18 mai 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1120092/1-3 du 16 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de Mme D...A..., d'une part, annulé l'arrêté du 5 octobre 2011 refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, lui a enjoint de déliv

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 avril 2012 et 18 mai 2012, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1120092/1-3 du 16 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de Mme D...A..., d'une part, annulé l'arrêté du 5 octobre 2011 refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande de Mme D...A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2013 :

- le rapport de Mme Bailly, rapporteur ;

1. Considérant que par décision du 5 octobre 2011, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D...A..., ressortissante camerounaise née en 1957 et entrée sur le territoire français en juin 2004, a fait obligation à celle-ci de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que sur la demande de MmeA..., le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision, par jugement du 16 mars 2012, dont le préfet de police relève régulièrement appel ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux du 5 octobre 2011, le Tribunal administratif de Paris a considéré que le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, les circonstances que Mme A...ait suivi des formations, sanctionnées par un diplôme d'assistante de vie aux familles, qu'elle soit titulaire de contrats de travail et bien insérée en France ne peuvent être regardées comme constitutives, à elles-seules, de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant une admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, l'arrêté rejetant la demande de titre de séjour sollicité par de MmeA... ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeA..., devant le Tribunal administratif de Paris ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré (...) à Paris, par le préfet de police. (...) " ; qu'en application de l'article 77 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 susvisé : " Le préfet de police peut donner délégation de signature : (...) / 2° Pour toutes les matières relevant de leurs attributions : (...) / d) Aux agents en fonction à la préfecture de police (...) " ; que par arrêté n° 2010-00694 du 20 septembre 2010 accordant délégation de la signature préfectorale au sein de la direction de la police générale, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 septembre 2010, le préfet de police a donné délégation à M. B... C..., attaché principal d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques ; qu'il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces du dossier que ceux-ci n'auraient pas été absents ou empêchés ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en mentionnant que Mme A... est entrée sur le territoire français le 31 décembre 2006, selon ses déclarations, qu'elle a sollicité le réexamen de sa demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les éléments que l'intéressée fait valoir à l'appui de sa demande ne peuvent être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, que le seul fait de disposer d'un contrat de travail ne saurait constituer à lui-seul un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la situation de l'intéressée, appréciée au regard de son expérience, de ses qualifications professionnelles et des spécificités de l'emploi auquel elle postule ne permet pas d'avantage de la regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens de l'article précité, qu'enfin, elle ne justifie pas d'une ancienneté suffisante sur le territoire français ; qu'en indiquant, par ailleurs, que Mme A...ne justifie pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, que la décision attaquée ne porte pas aux droits de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et, enfin, en précisant que Mme A...n'établit pas être exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'auteur de la décision attaquée a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...soutient que le préfet de police a commis une erreur de fait en indiquant qu'elle est entrée en France le 31 décembre 2006 alors que son entrée sur le territoire date du 8 juin 2004 et qu'elle n'est retournée que pour un mois en décembre 2006 dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que, eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressée, le préfet de police aurait pris une autre décision s'il avait tenu compte de l'ancienneté sur le territoire français depuis 2004 de l'intéressée ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que Mme A...soutient que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2004 et qu'elle vit auprès de deux de ses filles, dont l'une est titulaire d'une carte de séjour temporaire et l'autre possède la nationalité française ; qu'elle a définitivement quitté son époux il y a de nombreuses années, qu'elle maîtrise parfaitement la langue française et est intégrée dans la société française grâce notamment à ses activités professionnelles où ses qualités humaines et professionnelles ont été saluées ; que, toutefois, elle ne conteste pas avoir conservé des attaches dans son pays d'origine où résident cinq de ses enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans ; que, par suite, la décision de refus de séjour du 5 octobre 2011 n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 313-11 7° précitées ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que Mme A...soutient que l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui impose que les décisions d'éloignement indiquent leurs motifs de fait et de droit ; que, toutefois, aux termes de l'article L. 511-1 I précité, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ; qu'ainsi qu'il a été dit, la décision litigieuse comporte l'ensemble des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de la contrariété de l'article L. 511-1 I du code précité et des objectifs de la directive et du défaut de motivation manque en fait ; qu'il doit donc être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions de Mme A...dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit Mme A...ne conteste pas avoir conservé des attaches dans son pays d'origine où résident cinq de ses enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans ; que, par suite, la décision de refus du 5 octobre 2011 n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant que les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions, invoquée à l'appui des conclusions de Mme A...dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2011 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1120092 du Tribunal administratif de Paris du 16 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 12PA01763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01763
Date de la décision : 25/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: Mme Pascale BAILLY
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : BOUYSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-25;12pa01763 ?
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