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04/04/2013 | FRANCE | N°12PA02600

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 04 avril 2013, 12PA02600


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012 présentée pour Mme E...A..., élisant domicile..., par MeB... ; Mme A...demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 1102612/3-3 du 24 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2010 par lequel le préfet de police, a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2) d'annuler ledit arrêté ;

3) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une

carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours, à ...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2012 présentée pour Mme E...A..., élisant domicile..., par MeB... ; Mme A...demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 1102612/3-3 du 24 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2010 par lequel le préfet de police, a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2) d'annuler ledit arrêté ;

3) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :

- le rapport de M. Lercher,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 29 septembre 2010, le préfet de police a refusé l'admission au séjour de Mme A...au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ; que l'intéressée relève appel du jugement du 24 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant que l'arrêté contesté, qui se prononce sur une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile vise les dispositions de droit applicables et rappelle que la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été refusés à Mme A...par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il suit de là que cette décision n'est pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation et que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., de nationalité malienne, née le 11 mars 1975, est entrée en France en avril 2005 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité le 11 mai 2010 la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire en faisant valoir les risques qu'encourait sa fille, née le 3 mars 2010, en cas de retour au Mali ; que sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 août 2010 ; que le préfet de police était donc tenu de refuser à Mme A...la carte de résident en qualité de réfugié ou la carte de séjour temporaire correspondant au bénéfice de la protection subsidiaire qu'elle sollicitait sur le fondement des articles L. 314-11 8° et L. 313-13 10º code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si MmeA..., née en 1975, soutient résider en France depuis le 26 avril 2005, elle ne produit aucun élément suffisamment probant permettant d'attester de sa résidence habituelle en France avant le mois de mai 2008 ; que si elle soutient vivre en concubinage avec M. D...C..., compatriote disposant d'un titre de séjour en qualité de salarié, avec lequel elle a eu une fille, née en mars 2010 et décédée en juillet de la même année, la réalité de la communauté de vie avec M. C...n'est pas démontrée avant l'année 2010 ; que par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée de séjour en France et au caractère récent de la communauté de vie avec un compatriote, le préfet de police, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de police n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

6. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que Mme A...réside en France en compagnie de son concubin et compatriote M.C..., avec lequel elle a eu une fille née le 3 mars 2010 et décédée le 20 juillet de la même année ; que sa fille a été inhumée au cimetière de Pantin le 4 août ; que très éprouvés par la mort de leur enfant unique, son compagnon et elle ont été pris en charge par un psychologue de la caisse d'allocations familiales de Paris ; que, si lorsqu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour, le préfet peut assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire, il n'est pas tenu de prononcer une mesure d'éloignement ; que, dans les circonstances de l'espèce, en faisant obligation à Mme A...de quitter le territoire par décision du 29 septembre 2010, moins de deux mois après l'enterrement de son enfant décédée à l'âge de 4 mois et demi, le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation particulière de MmeA... ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision du préfet de police du 29 septembre 2010 lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer dans cette mesure ledit jugement et d'annuler l'article 2 de l'arrêté du préfet de police du 29 septembre 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que le dernier alinéa de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à la suite de l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

9. Considérant que si la présente décision rend impossible l'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de MmeA..., elle n'implique pas par elle-même, eu égard à son objet, la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de Mme A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de la munir, pendant la durée de cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E:

Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du préfet de police du 29 septembre 2010 portant obligation pour Mme A...de quitter le territoire est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police, de se prononcer sur la situation de Mme A...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de la munir, pendant la durée de cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à MeB..., avocate de MmeA..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le jugement n° 1119228/2-1 du tribunal administratif de Paris en date du 27 mars 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

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N° 12PA02600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02600
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Alain LERCHER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOCIETE D AVOCATS AURELIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-04;12pa02600 ?
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