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31/07/2013 | FRANCE | N°12PA00818

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 juillet 2013, 12PA00818


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié..., par Me B... ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102120/6-2 du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2011 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de

police de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à interv...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié..., par Me B... ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102120/6-2 du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2011 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cet arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, son conseil renonçant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juillet 2013 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- et les observations de MeC..., pour M. D... ;

1. Considérant que M. A... D..., ressortissant de la Fédération de Russie et d'origine tchétchène, entré en France en janvier 2008 selon ses déclarations, a sollicité le 29 janvier 2008 une carte de séjour au titre de l'asile ; que, par une décision du 11 mai 2010, le préfet de police a refusé son admission provisoire au séjour par application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 3 novembre 2010, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), statuant selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du même code, a rejeté sa demande tendant à obtenir le statut de réfugié ; que M. D... a introduit un recours à l'encontre de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, par un arrêté du 6 janvier 2011, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. D...relève appel du jugement du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'en mentionnant que M. D... est entré en France le

19 janvier 2008 selon ses déclarations, qu'une décision de refus de refus de séjour lui a été notifiée le 11 mai 2010 au titre de l'article L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé la qualité de réfugié par une décision du 3 novembre 2010 notifiée le 9 novembre 2010, que le recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif et enfin, que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale, le préfet de police a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé, alors même que la décision litigieuse ne fait pas état de la présence en France des deux enfants du requérant ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions mêmes de la décision contestée du

6 janvier 2011 que, contrairement à ce que soutient M. D..., le préfet de police a procédé à l'examen de sa situation personnelle et familiale et ne s'est pas fondé sur le seul motif que la demande de ce dernier tendant à obtenir le statut de réfugié avait été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police se serait cru à tort en situation de compétence liée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 du même code : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) / 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. " ;

5. Considérant que dès lors que le préfet de police avait refusé l'admission au séjour de l'intéressé au titre de l'asile par décision du 11 mai 2010 sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que la demande d'asile de ce dernier a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 3 novembre de la même année, le préfet était tenu de rejeter la demande de délivrance de titre de séjour formée par M. D... au titre de l'asile ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué à l'encontre de la décision distincte portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté ;

7. Considérant que comme il a déjà été dit, il ressort des mentions de la décision contestée du 6 janvier 2011 que le préfet de police a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé et ne s'est pas estimé lié par le rejet prononcé par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

8. Considérant que si M. D... fait valoir qu'il ressort de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides que la réalité de ses craintes au regard des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine est établie, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne lui impose pas de retourner en Russie ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant que M. D... fait valoir qu'il vit en France depuis plus de quatre ans à la date de la décision litigieuse avec ses deux enfants nés en 1997 et 1999 qui l'ont rejoint en 2009 et y sont scolarisés et pour lesquels, étant divorcé, il assume seul l'autorité parentale ; qu'il ressort toutefois du dossier que ses enfants sont placés en famille d'accueil depuis le

27 juin 2011 à sa demande ; que M. D... ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que sa vie familiale se poursuive dans un autre pays où ses deux enfants pourraient suivre leur scolarité ; que, dans ces conditions, la décision de refus du 6 janvier 2011 n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.D... ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " 1° Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

12. Considérant que comme il a été dit, il n'est pas démontré que le requérant serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France avec ses enfants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intérêt supérieur de ceux-ci n'ait pas été pris en compte par le préfet de police ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

14. Considérant que l'arrêté contesté fixe le pays dont M. D... a la nationalité comme pays de destination où il pourra être reconduit d'office, soit la fédération de Russie ; qu'il ressort en particulier de la décision du 3 novembre 2010 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, que celle-ci tient pour établies les responsabilités de l'intéressé en qualité de commandant durant la première et la seconde guerres russo-tchétchènes, compte tenu de son récit circonstancié recoupé avec ses propres sources, et conclut que cet engagement et la rupture de son accord de collaboration avec les autorités russes ne laissent aucun doute sur les craintes de persécution auquel l'intéressé s'expose en cas de retour en Fédération de Russie ; que cette appréciation est corroborée par les pièces versées en appel par le requérant consistant en une attestation d'une organisation non gouvernementale, un communiqué d'une radio locale pendant le conflit et une attestation délivrée par un rédacteur en chef d'une autre radio ; que dès lors le requérant est fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2011 du préfet de police, qu'en ce que celui-ci fixe le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ;

16. Considérant que le présent arrêt n'implique pas que le préfet de police délivre un titre de séjour à M. D... ni qu'il réexamine sa situation ; que ces conclusions doivent également être rejetées ;

Sur l'application de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 :

" Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. " ;

18. Considérant que Me B... demande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 précitées pour lui accorder une allocation au titre des frais irrépétibles et précise qu'elle renoncera dans ce cas au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions et de condamner l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à payer à Me B... une somme de 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2011 par lequel le préfet de police a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, ensemble cette décision sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Maître B...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

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N° 10PA03855

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N° 12PA00818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00818
Date de la décision : 31/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés MOREAU
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : VITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-07-31;12pa00818 ?
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