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09/12/2013 | FRANCE | N°11PA03409

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 décembre 2013, 11PA03409


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeA... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900608/6-3 du 16 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il a reconnu la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et non celle de l'Etablissement français du sang (EFS) et, d'autre part, qu'il a limité le montant de la créance qu'il détient à la somme de 44 006,64 euros ;

2°) de déclarer l'EFS responsable de sa contamination et de dire que les sommes d...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeA... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900608/6-3 du 16 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il a reconnu la responsabilité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et non celle de l'Etablissement français du sang (EFS) et, d'autre part, qu'il a limité le montant de la créance qu'il détient à la somme de 44 006,64 euros ;

2°) de déclarer l'EFS responsable de sa contamination et de dire que les sommes de 8 411,55 euros au titre des pertes de revenus, de 56 303,20 euros au titre de l'incidence professionnelle du dommage subi, et de 98 000 euros au titre des préjudices personnels, lui seront versées par l'ONIAM ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :

- le rapport de M. Sorin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., né en 1955, hémophile congénital, a été polytransfusé à partir de 1983, au centre hospitalier de Nantes, pour soigner les hémarthroses dont il souffrait ; qu'en 1992 a été mise en évidence une contamination par le (VHC) ; que de janvier à mai 1996, il a subi un traitement par Interféron, interrompu en raison de l'absence de réponse biochimique et du développement d'un état asthénique, puis un deuxième traitement, tout au long de l'année 2006, par Interféron, Pégyle et Ribavirine, qui s'est montré temporairement efficace, mais a été finalement arrêté pour les mêmes raisons et finalement, un troisième, à compter de mai 2007, qui a seulement eu pour objet de contenir l'évolution de la maladie ; que M.B..., qui a dû, par des arrêts de travail, interrompre son activité professionnelle de moniteur d'auto-école à compter de janvier 2006, l'a définitivement cessée à partir du 1er janvier 2009, date à laquelle il a commencé à percevoir une pension d'invalidité versée par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nantes ; qu'il a également renoncé à son mandat d'élu municipal ; qu'il interjette régulièrement appel du jugement du 16 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il n'a pas reconnu la responsabilité de l'EFS mais celle de l'ONIAM et, d'autre part, qu'il a limité le montant de la somme accordée en réparation des préjudices professionnels et personnels à 44 006,64 euros ; que l'ONIAM conclut à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions à l'exception des arrérages à échoir de la rente versée par la CPAM de Nantes, dont il demande la capitalisation ;

Sur la substitution de l'ONIAM à l'EFS :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue du II de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, entré en vigueur à la même date que le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour son application, soit le 1er juin 2010, l'ONIAM est chargé " de l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang en application de l'article L. 1221-14 " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1221-14 issu du I du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que l'ONIAM est responsable dans les conditions prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; qu'aux termes du premier alinéa du IV du même article 67 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans les contentieux entrant dans leur champ d'application, l'ONIAM est substitué à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ;

3. Considérant qu'il s'ensuit que, dans le contentieux de première instance qui opposait, à la date du 1er juin 2010, M. B...et la CPAM de Nantes à l'EFS, l'ONIAM a été substitué à ce dernier ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de l'ONIAM les indemnités dues à M. B...et à la CPAM ;

Sur le recours subrogatoire de la CPAM de Nantes :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu du I de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4 (...) " ; qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi du

17 décembre 2008 dans sa rédaction issue de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du

17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 : " (...) / Lorsque l'office a indemnisé une victime et, le cas échéant, remboursé des tiers payeurs, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du

1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute. / Les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré " ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté par l'ONIAM, et alors que l'EFS n'a pas répondu à la mesure d'instruction diligentée en ce sens par la Cour, que le centre régional de transfusion sanguine de Nantes, dont l'assureur s'est d'ailleurs manifesté en cours de première instance, disposait d'une couverture d'assurance au sens des dispositions précitées ; que, dans ces conditions, la CPAM de Nantes, subrogée dans les droits de M.B..., peut exercer une action subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM ;

Sur les préjudices de M.B... :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant à la perte de revenus :

6. Considérant, en premier lieu, que si M. B...établit avoir été placé en arrêt de travail du 2 janvier au 31 décembre 2006 puis du 1er janvier au 31 juillet 2007, il n'apporte, en revanche, aucun élément permettant de justifier la réalité de l'arrêt de quatre mois qu'il aurait subi durant l'année 1996, les relevés de la CPAM ne faisant état que des arrêts de 2006 et 2007 ; que si le rapport d'expertise relève que le premier traitement, débuté en janvier 1996, a nécessité " un arrêt de travail dès le mois de mars ", il ne précise pas la durée de cet arrêt et aucune autre pièce du dossier ne vient corroborer cette affirmation ; que les indemnités journalières que la CPAM de Nantes lui a versées au titre des périodes susmentionnées de 2006 et 2007, soit 16 800,36 euros, n'ayant pas réparé l'intégralité de la perte de revenus qu'il a subie dès lors que son salaire théorique au cours des périodes en cause se serait élevé à la somme de

20 827,23 euros, M. B...a droit à la différence entre ces deux sommes, soit 4 026,87 euros ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 20 juin 2008, que la contamination par le virus de l'hépatite C dont a été victime M. B...est la conséquence des transfusions subies au cours des années 1980 au centre hospitalier régional de Nantes ; que, toutefois, M. B...souffrait d'autres pathologies et notamment d'une hémophilie congénitale à l'origine de multiples hémarthroses à l'épaule droite (récidivantes avec séquelles fonctionnelles), aux coudes (récidivantes sans séquelles fonctionnelles), au genou droit et aux deux chevilles ; qu'il y a lieu, par suite, de déterminer la part des dommages indemnisables directement imputable aux conséquences de la contamination transfusionnelle et de ses suites directes ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si M. B...a cessé définitivement toute activité professionnelle à compter du 1er janvier 2009, l'hémophilie congénitale sévère dont il souffre, qui a été à l'origine de multiples hémarthroses à l'épaule, aux coudes, au genou droit et aux deux chevilles et qui a nécessité, notamment, la réalisation d'une arthrodèse du genou droit le 23 décembre 1980 et le suivi d'un traitement anti-hémophilique spécifique, ne l'a pas empêché de poursuivre son activité professionnelle de moniteur d'auto-école au moins jusqu'en 2006 ; qu'en outre, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, les opérations d'arthrodèse de la cheville gauche et d'installation d'une prothèse à la cheville droite, un temps envisagées, n'ont pas été réalisées, ces opérations ne pouvant par suite être regardées comme étant à l'origine de l'arrêt définitif de l'activité professionnelle de l'intéressé ; que, par ailleurs, il résulte tant du rapport de l'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal administratif de Paris que du rapport de l'expertise médicale privée réalisée le 8 juillet 2009 par le docteur Kalfon et non contesté sur ce point, que M. B...a souffert des effets secondaires, qualifiés par l'expert judiciaire de " lourds et invalidants ", des traitements entrepris en 1996 et en 2006 contre le VHC, se traduisant par une asthénie importante aggravée par une forte anémie, un amaigrissement de quatorze kilogrammes en cinq mois et par des troubles neuropsychologiques caractérisés par des épisodes dépressifs, des pertes de mémoire et des difficultés de concentration ; que M. B...est aujourd'hui atteint d'une hépatite chronique C active et fibrosante qui, compte-tenu de l'intolérance aux traitements existants, ne peut être soignée et qui, selon l'expert judiciaire, présente un risque d'évolution " vers la cirrhose et ses complications avec au premier plan l'émergence d'un carcinome hépatocellulaire particulièrement élevé en l'absence de guérison virale " ; que l'arrêt de l'activité professionnelle de M. B...trouve ainsi en partie son origine tant dans la maladie dont il souffre que dans les effets secondaires des traitements subis ; que, cependant, il résulte des deux rapports d'expertise que l'évolution des hémarthroses de M. B...peut également être à l'origine de la cessation de son activité professionnelle ; que, dans ces conditions, cette cessation doit être regardée comme résultant, à parts égales, des conséquences de son hémophilie congénitale et de celles des traitements qu'il a subis contre le VHC ; qu'il y a ainsi lieu d'imputer à ces traitements une part de 50% dans la cessation de son activité professionnelle ;

9. Considérant qu'il y a lieu, sur les bases non contestées par l'ONIAM d'un revenu annuel de 13 154 euros et du taux de rente de 10,115, de fixer le montant de la perte salariale subie par M.B..., à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'à l'âge de 65 ans, à

133 052,71 euros ; que, pour calculer le montant resté à la charge effective du requérant, il y a lieu de déduire de cette somme le montant capitalisé des pensions d'invalidité versées par la CPAM de Nantes au cours de la même période soit, sur la base d'un montant annuel de

7265,37 euros et du même taux de 10,115, la somme de 77 130,62 euros ; que la somme restant à la charge de M. B...s'élève donc à 55 922,09 euros ; qu'il résulte de ce qui précède que

M. B...a droit à 50% de cette somme, soit 27 961 euros, et que la CPAM de Nantes a droit à 50% de la somme exposée au titre des pensions d'invalidité, soit 38 565,31 euros ;

Quant à l'incidence professionnelle :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...percevra une retraite annuelle d'un montant de 7 954,68 euros alors qu'il aurait perçu une retraite d'un montant de 9115,08 euros s'il avait pu continuer à travailler ; qu'il y a lieu de capitaliser viagèrement la différence entre ces deux montants de pension et d'évaluer l'incidence professionnelle du dommage subi par M. B...à la somme de 17 096,17 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

11. Considérant que M. B...est aujourd'hui atteint d'une hépatite chronique C active et fibrosante qui, compte-tenu de l'intolérance aux traitements existants, ne peut être soignée et qui, ainsi qu'il a été dit, présente un risque important d'évolution vers la cirrhose ; que son affection et les traitements suivis sont à l'origine, outre d'un état permanent d'anxiété lié à l'évolution de sa maladie, de troubles de la concentration et de la mémoire qui ont entraîné pour lui des préjudices d'agrément, notamment l'impossibilité de poursuivre son mandat d'élu local, et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en les fixant à la somme de 30 000 euros ; qu'il sera par ailleurs fait une juste appréciation du pretium doloris, évalué par l'expert à 3/7, et du préjudice esthétique, évalué à 2/7, endurés par l'intéressé en les fixant respectivement à 3 000 et 1 500 euros ; qu'au total, le montant des préjudices personnels subis par M. B...s'élève à la somme de 34 500 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'ONIAM à verser à M. B...la somme de 83 584,04 euros et à verser à la CPAM de Nantes, au fur et à mesure de leur engagement et au vu de justificatifs, les arrérages de la pension d'invalidité versée à M. B...dans la limite de la somme de 38 565,31 euros telle qu'évaluée au point 9 ; que s'agissant de cette dernière indemnité, si l'ONIAM conteste une telle modalité de paiement en indiquant lui préférer la capitalisation, il ne justifie pas sa demande sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros chacun à M. B...et à la CPAM de Nantes au titre des frais exposés par eux dans cette instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'ONIAM est condamné à verser à M. B...est portée à 83 584,04 euros (quatre-vingt-trois mille cinq cent quatre-vingt-quatre euros et quatre centimes).

Article 2 : L'ONIAM versera à la CPAM de Nantes les arrérages à échoir de la pension d'invalidité versée à M. B...au fur et à mesure de leur engagement et au vu de justificatifs, dans la limite du montant de 38 565,31 euros.

Article 3 : Le jugement 0900608/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. B...et à la CPAM de Nantes, pris séparément, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

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N° 11PA03409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03409
Date de la décision : 09/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Julien SORIN
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : MAROT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-09;11pa03409 ?
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