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20/12/2013 | FRANCE | N°10PA04752

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 décembre 2013, 10PA04752


Vu le recours, enregistré le 21 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0425347 du Tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2010 en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société par actions simplifiée Rueil Sports a été assujettie au titre des exercices clos les 28 février et 31 décembre 2001, ainsi que des intérêts de retard correspondants et des p

nalités de 80 % infligées en application de l'article 1729 du code général d...

Vu le recours, enregistré le 21 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0425347 du Tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2010 en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société par actions simplifiée Rueil Sports a été assujettie au titre des exercices clos les 28 février et 31 décembre 2001, ainsi que des intérêts de retard correspondants et des pénalités de 80 % infligées en application de l'article 1729 du code général des impôts se rapportant aux impositions établies au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 ;

2°) de remettre ces impositions et pénalités à la charge de la société Rueil Sports ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2013 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Rueil Sports, venant aux droits de la société SGV, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 mars 2000, 28 février 2001 et 31 décembre 2001, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des exercices clos les 28 février et 31 décembre 2001, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % en application de l'article 1729 du code général des impôts ; que, par un jugement en date du 21 mai 2010, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions litigieuses et des intérêts de retard correspondants, ainsi que la décharge des pénalités de 80 % se rapportant aux seules impositions établies au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 ;

Sur les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Rueil Sports a été assujettie au titre de l'exercice clos le 28 février 2001, ainsi que les intérêts de retard correspondants :

En ce qui concerne le moyen de décharge retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. Les titres de participation doivent représenter au moins 5 p. 100 du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des droits de la participation. / (...) / c. Les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 17 juillet 2003 adressée à la société Rueil Sports, que la société SGV a acquis le 13 juillet 2000 755 titres de la société anonyme Marien, dont elle détenait déjà 8 806 titres ; que la société SGV a appliqué aux dividendes reçus de la société Marien au cours de l'exercice clos le 28 février 2001 le régime des sociétés mères prévu par les dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts en retranchant leurs montants de son bénéfice net total, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société Rueil Sports, venant aux droits de la société SGV, a fait l'objet, le service vérificateur a remis en cause, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le bénéfice de ce régime au titre des seuls dividendes correspondant aux 755 actions acquises le 13 juillet 2000 ; que, par le jugement attaqué du 21 mai 2010, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions correspondant à ce chef de rectification, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants, au motif que l'administration n'apportait pas la preuve lui incombant de ce que l'acquisition des 755 titres litigieux et la perception des dividendes s'y rapportant avaient constitué un montage purement artificiel contraire aux objectifs poursuivis par les auteurs des articles 145 et 216 du code général des impôts ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui ne conteste pas le bien-fondé du moyen de décharge retenu par le tribunal, demande à la Cour de remettre ces impositions et les seuls intérêts de retard correspondants à la charge de la société Rueil Sports sur le fondement de l'article 145 du code général des impôts ;

4. Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts que le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent ne peut s'appliquer qu'aux produits nets des seules participations remplissant les conditions prévues à l'article 145 ; qu'ainsi, des participations non souscrites à l'émission ne peuvent ouvrir droit au bénéfice du régime des sociétés mères qu'à la condition, notamment, qu'elles aient été conservées par la société pendant un délai de deux ans, conformément à l'engagement prévu par le c. du 1. de l'article 145 du code général des impôts, et qu'elles représentent, à la date de mise en paiement des dividendes, au moins 5 % du capital de la société émettrice ;

6. Considérant qu'il est constant que les 755 actions de la société Marien, non souscrites à l'émission, ont été acquises par la société SGV le 13 juillet 2000, puis cédées le 31 octobre suivant, jour de l'encaissement des dividendes correspondants, soit au cours du même exercice et avant la date de clôture de celui-ci, qui est intervenue le 28 février 2001 ; que, les titres litigieux n'ayant pas été conservés pendant un délai d'au moins deux ans, la société SGV ne pouvait pas légalement prétendre au bénéfice, au titre des dividendes correspondants, du régime des sociétés mères prévu par les dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts, et ce, alors même qu'elle a néanmoins conservé pendant plus de deux ans 8 806 actions de la société Marien, représentant plus de 5 % du capital de cette société, le service n'ayant au demeurant pas remis en cause le bénéfice du régime des sociétés mères au titre des dividendes se rapportant à ces 8 806 titres ;

7. Considérant que les dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts étant claires, il n'y a pas lieu de se référer aux travaux préparatoires de la loi de finances rectificative pour 1991 ayant eu pour objet de transposer la directive du Conseil du

23 juillet 1990 susvisée ; que la société Rueil Sports, venant aux droits de la société SGV, ne saurait davantage utilement se prévaloir d'une méconnaissance de cette directive, qui ne concerne que le régime des sociétés mères et filiales d'États membres différents, les sociétés SGV et Marien étant des sociétés de droit français ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige :

" La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du bénéfice industriel et commercial (...) déterminé selon un mode réel d'imposition (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Rueil Sports a été mise en mesure de présenter ses observations sur la notification de redressements du 17 juillet 2003 qui lui a été adressée, que ses observations ont été rejetées le 13 octobre suivant et qu'elle a rencontré le supérieur hiérarchique du vérificateur, ainsi que l'interlocuteur régional ; que si la société Rueil Sports n'a pas été mise en mesure de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le désaccord qui l'opposait au service portait sur le bénéfice du régime des sociétés mères au titre des dividendes correspondant aux 755 titres acquis par la société SGV le 13 juillet 2000 ; qu'une telle question de droit ne relevait pas de la compétence de la commission, alors même que sa solution dépendait de l'appréciation de questions de fait ; que, dans ces conditions, la société Rueil Sports n'est privée d'aucune garantie procédurale par la substitution de base légale demandée par l'administration ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par l'administration ;

11. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés, tant en première instance qu'en appel, par la société Garnier Choiseul Holding, venant aux droits de la société Rueil Sports ;

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la société Garnier Choiseul Holding :

12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa du I de l'article 216 du code général des impôts : " La quote-part de frais et charges visée à l'alinéa précédent (...) ne peut (...) excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période " ;

13. Considérant, d'une part, que la société Garnier Choiseul Holding soutient que la société SGV a défalqué du montant des dividendes correspondant aux 755 actions litigieuses, au titre de la quote-part pour frais et charges, en application des dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts, une somme plus importante que celle qui aurait été effectivement exposée ; qu'elle demande la correction de l'erreur qui aurait ainsi été commise ; que, toutefois, il n'est établi ni que la société SGV a supporté une somme moins importante que celle qui a été défalquée, ni qu'elle a précisément supporté, ainsi que le fait valoir la société Garnier Choiseul Holding, une somme de 684 615 francs ;

14. Considérant, d'autre part, que la société Garnier Choiseul Holding ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 25 juin 1999, référencée 4 H 4-99, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

15. Considérant, en second lieu, que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il suit de là que la société Garnier Choiseul Holding ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal ;

En ce qui concerne la demande de compensation présentée par la société Garnier Choiseul Holding :

16. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande " ; qu'aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition " ;

17. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition en litige : " I- Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. / Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. / Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. / Il est reçu en paiement de cet impôt. / Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code, dans sa rédaction en vigueur lors de cette même année : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable. / (...) " ;

18. Considérant que la remise en cause du bénéfice du régime des sociétés mères au titre des dividendes se rapportant aux 755 actions litigieuses de la société Marien, société de droit français, a pour effet de réintégrer les produits nets correspondants dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 28 février 2001 de la société SGV ; que, contrairement à ce que soutient le ministre défendeur, la société SGV n'a pas pris " une décision de gestion irrévocable " en soumettant initialement ces dividendes au régime des sociétés mères ; qu'en outre, si le ministre défendeur soutient que le bénéfice d'un avoir fiscal au titre de ces dividendes résulterait d'un montage constitutif d'un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, ce moyen n'est en tout état de cause pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, la société Garnier Choiseul Holding est fondée à soutenir que la remise en cause du bénéfice du régime des sociétés mères au titre des dividendes se rapportant aux 755 actions litigieuses de la société Marien fait apparaître une double imposition ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à sa demande de compensation en réduisant la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Rueil Sports a été assujettie au titre de l'exercice clos le 28 février 2001 du montant correspondant à l'avoir fiscal se rapportant aux dividendes perçus au titre des 755 actions litigieuses de la société Marien, en application des dispositions précitées des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts ;

Sur les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Rueil Sports a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001, ainsi que les intérêts de retard et les pénalités correspondants :

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 18 décembre 2001, la société SGV a acquis 12 312 titres de la société Atelnav pour un montant de 6 559 789 francs ; que, le 21 décembre 2001, elle a perçu un dividende d'un montant de 2 770 189 francs ; que, le même jour, elle a revendu les titres de la société Altenav à la société Établissements Guy Sauzé pour la somme de 3 789 600 francs ; qu'elle a bénéficié d'un avoir fiscal, en application des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts ; que l'administration, constatant que le dividende perçu n'avait subi aucune imposition dès lors que son montant avait été exactement neutralisé par la moins-value sur titres, a réintégré l'avoir fiscal reçu sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il en est résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, majorées des intérêts de retard et des pénalités au taux de 80 % prévues à l'article 1729 du code général des impôts en cas d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, par le jugement attaqué du 21 mai 2010, le Tribunal administratif de Paris, après avoir fait droit à la demande de l'administration de substituer le fondement de la fraude à la loi à celui initialement retenu de l'abus de droit, a prononcé la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

20. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; qu'il s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, l'administration, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus-rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

21. Considérant qu'il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, alors codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes ; qu'eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition ; que le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimale de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché ; que, s'agissant des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, l'avoir fiscal, s'il constitue aussi un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre de ses résultats d'ensemble d'une année donnée ; que ces articles excluent ainsi qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt sur les sociétés dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires ; que, par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations en litige n'ont été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune des dispositions applicables aux achats et reventes de titres et aux distributions de dividendes ; que s'il est manifeste que, dans le contexte où elles ont été réalisées, et eu égard à la brièveté de la durée de détention des titres en cause, les opérations d'achat puis de revente de ces titres effectuées par la société SGV ont été inspirées par la volonté d'acquérir les moyens de payer les charges fiscales qu'elle aurait dû normalement acquitter eu égard à sa situation et à ses activités réelles, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ne prouve cependant pas que ces opérations, qui se sont traduites par l'élimination de la double imposition frappant les dividendes, auraient présenté un caractère artificiel et que la société n'aurait pas effectivement acquis la qualité d'actionnaire et n'aurait pas encouru les risques qui s'y attachent ; que, dès lors, le ministre n'établit pas que ces opérations auraient procédé de la recherche par la contribuable du bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts relatives à l'avoir fiscal, à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Rueil Sports a été assujettie au titre de l'exercice clos le 28 février 2001, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et non la seule réduction de ces impositions résultant de la compensation accordée par le présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Garnier Choiseul Holding de la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Rueil Sports a été assujettie au titre de l'exercice clos le 28 février 2001, ainsi que les intérêts de retard correspondants, sont remis à sa charge, sous réserve de la réduction de ces impositions et intérêts de retard résultant de la compensation au titre de l'avoir fiscal accordée par le présent arrêt.

Article 2 : Le jugement n° 0425347 du Tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Garnier Choiseul Holding, venant aux droits de la société Rueil Sports, sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04752
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN TROUSSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-20;10pa04752 ?
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