La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2013 | FRANCE | N°10PA04860

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 décembre 2013, 10PA04860


Vu le recours, enregistré le 30 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0710945 en date du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société anonyme Saint-Thibault Automobiles a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) à titre principal, de

remettre ces impositions et pénalités à la charge de la société Saint-Thibault Au...

Vu le recours, enregistré le 30 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0710945 en date du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société anonyme Saint-Thibault Automobiles a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) à titre principal, de remettre ces impositions et pénalités à la charge de la société Saint-Thibault Automobiles ou, à titre subsidiaire, de remettre à la charge de cette société les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt dans la limite, en bases, de 593 416 euros, assorties des seuls intérêts de retard ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2013 :

- le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Saint-Thibault Automobiles, qui avait pour activité l'achat et la vente de véhicules et d'accessoires automobiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2003, majorées des intérêts de retard et d'une pénalité de 80 % en application de l'article 1729 du code général des impôts ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat relève appel du jugement en date du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

Sur le moyen de décharge retenu par le tribunal :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. Les titres de participation doivent représenter au moins 5 p. 100 du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des droits de la participation. / (...) / c. Les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...).Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (...) des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, (...) si ces (...) titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des article 20 et 21 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française ; que le fait d'acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : / (...) / b) (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / (...) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Saint-Thibault Automobiles a acquis au cours de l'exercice clos en 2003, pour une somme de 658 913 euros, les titres composant le capital de la société Mader Promotion ; qu'elle s'est engagée à conserver ces titres de participation pendant une durée de deux ans à compter de leur acquisition ; qu'au cours du même exercice, la société Saint-Thibault Automobiles a reçu de la société qu'elle avait acquise des dividendes, à concurrence d'un montant total de 648 000 euros, auxquels elle a appliqué le régime des sociétés mères prévu par les dispositions précitées des articles 145 et 216 du code général des impôts en retranchant leurs montants de son bénéfice net total, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges ; que, parallèlement, la société Saint-Thibault Automobiles a déduit de ses résultats imposables une provision pour dépréciation des titres litigieux, à concurrence de 593 416 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 ; qu'elle a ainsi dégagé au titre de cet exercice un déficit fiscal qui lui a permis de réaliser une économie immédiate d'impôt sur les sociétés de 45 086 euros ;

6. Considérant que l'administration a estimé que les opérations susmentionnées étaient constitutives d'un abus de droit au sens des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et a, en conséquence, remis en cause la déduction de dividendes que la société Saint-Thibault Automobiles avait opérée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 sur le fondement du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société dont la société Saint-Thibault Automobiles a fait l'acquisition en 2003 avait cessé toute activité, que ses actifs étaient constitués uniquement de liquidités et qu'elle n'employait aucun salarié ; que les distributions auxquelles cette société a procédé ont eu pour effet de la priver définitivement de tout moyen susceptible de lui permettre de retrouver une activité ; que si la société Saint-Thibault Automobiles remplissait les conditions légales pour bénéficier du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts alors applicables, si elle a pris l'engagement de conserver les titres pendant deux ans et si les opérations litigieuses n'ont pas été rendues possibles par l'interposition de sociétés spécialement créées à cette fin, il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que la société Saint-Thibault Automobiles n'a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement de la société qu'elle venait d'acquérir et ne s'est pas comportée à son égard comme une société mère, mais a au contraire favorisé sa disparition ; que les opérations litigieuses ont, en revanche, grâce à la déduction immédiate de la provision correspondant à la dépréciation des titres et à l'exonération d'impôt dont bénéficiaient, à l'exception d'une quote-part, les dividendes reçus de la société fille en application du régime des sociétés mères, permis de dégager un important déficit fiscal imputable sur les bénéfices de la société Saint-Thibault Automobiles ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a jugé que l'administration n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que les opérations litigieuses avaient été inspirées par un but exclusivement fiscal et avaient méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime des sociétés mères, et de ce qu'elles constituaient ainsi un abus de droit ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés, tant en première instance qu'en appel, par la société Garnier Choiseul Holding, venant aux droits de la société

Saint-Thibault Automobiles, à l'appui de ses conclusions tendant à la réduction des impositions susmentionnées ;

Sur les autres moyens soulevés par la société Garnier Choiseul Holding :

9. Considérant, en premier lieu et en tout état de cause, que le moyen tiré de ce que l'administration aurait irrégulièrement invoqué, devant le juge, des éléments nouveaux qui n'auraient pas été soumis à la procédure contradictoire de rectification manque en fait ;

10. Considérant, en second lieu, que l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il suit de là que la société Garnier Choiseul Holding ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard devait être limité au taux annuel de l'intérêt légal ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles auxquelles la société Saint-Thibault Automobiles a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Garnier Choiseul Holding demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Garnier Choiseul Holding doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0710945 du Tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2010 est annulé.

Article 2 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Saint Thibault-Automobiles a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003, ainsi que les pénalités correspondantes, sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Garnier Choiseul Holding, venant aux droits de la société

Saint-Thibault Automobiles, sont rejetées.

''

''

''

''

5

N° 10PA04860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04860
Date de la décision : 20/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit et fraude à la loi.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN TROUSSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-20;10pa04860 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award