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24/03/2014 | FRANCE | N°13PA02400

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 mars 2014, 13PA02400


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée pour la société Thomson Reuters (Scientific) SAS, dont le siège social est 141 avenue de Clichy à Paris (75017), prise en la personne de son représentant légal, par Me D... ; la société Thomson Reuters (Scientific) SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202799/3-2 du 27 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. C...A...en annulant la décision du

26 mai 2011 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour faute de l'intéressé, ensemb

le la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 14 décembr...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2013, présentée pour la société Thomson Reuters (Scientific) SAS, dont le siège social est 141 avenue de Clichy à Paris (75017), prise en la personne de son représentant légal, par Me D... ; la société Thomson Reuters (Scientific) SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202799/3-2 du 27 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. C...A...en annulant la décision du

26 mai 2011 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour faute de l'intéressé, ensemble la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 14 décembre 2011 rejetant le recours hiérarchique de M. A...;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner M. A...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2014 :

- le rapport de M. Romnicianu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Wasilewski, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., qui avait été recruté le 19 mars 2001 par la société Thomson Reuters (Scientific) dont l'objet social est la gestion de la base de données IDRAC, référence en matière d'intelligence réglementaire pour l'industrie pharmaceutique et biotechnologique, occupait, en dernier lieu, un emploi d'administrateur d'applications et de bases de données tout en ayant été désigné délégué du personnel le 6 avril 2010 ; que son employeur a sollicité, le 8 avril 2011, auprès de l'inspecteur du travail, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire et pour insuffisance professionnelle ; que, par la décision du

26 mai 2011, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement aux motifs que M. A...avait fait preuve d'insuffisance professionnelle, qu'il s'était absenté le 31 janvier 2011 après-midi sans justification et enfin qu'il avait proféré, dans le cadre de l'exercice de son mandat de délégué du personnel, des accusations de harcèlement moral à l'encontre de la directrice générale et de la responsable des ressources humaines de la société sans pouvoir en apporter la preuve et que ces faits étaient de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que cette décision a été confirmée, le 14 décembre 2011, par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui ne s'est fondé que sur le dernier motif retenu par l'inspecteur du travail ; que les deux décisions contestées ont indiqué que le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat de M. A...n'était pas établi ; que, par un jugement en date du 27 février 2013, dont la société Thomson Reuters (Scientific) relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux décisions précitées pour un motif tiré de l'irrégularité de la procédure contradictoire ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

3. Considérant, d'une part, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est

seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

4. Considérant, d'autre part, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, préalablement à l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé impose que ce dernier puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; qu'à ce titre, le salarié doit, à peine d'irrégularité de l'autorisation de licenciement, être informé non seulement de l'existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication ;

5. Considérant que la société requérante, s'appuyant sur l'attestation établie par l'une de ses directrices, MmeB..., fait valoir que les pièces que M. A...se plaint de ne pas avoir reçues, à savoir la demande d'autorisation de licenciement ainsi que les pièces produites au soutien de cette demande, ont bien toutes été " présentées " par l'inspecteur du travail et " revues avec et par " M. A...au cours de l'entretien contradictoire réunissant, en présence dudit inspecteur, MmeB..., en sa qualité de représentante de l'employeur, et le salarié protégé,

M.A... ; que ce dernier n'aurait jamais demandé à ce que lesdites pièces lui soient transmises à l'issue de l'entretien ;

6. Considérant, toutefois, que, à supposer même que l'attestation précitée soit de nature à établir que M. A...a dûment été informé de l'existence et de la teneur des pièces litigieuses, circonstance au demeurant contestée par l'intéressé, il est constant, en tout état de cause, que

M. A...n'a pas été informé de son droit à en obtenir communication ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas établi que, conformément à l'exigence jurisprudentielle sus-rappelée, le salarié protégé a été mis en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande de licenciement préalablement à la décision de l'inspecteur du travail, laquelle, par suite, doit être regardée comme ayant été adoptée au terme d'une procédure irrégulière ; que, par ailleurs, le ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail et il n'est pas établi qu'il aurait lui-même procédé à une enquête contradictoire qui aurait permis à M. A...de prendre connaissance des documents en cause ; que, partant, la décision ministérielle est entachée du même vice de procédure ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Thomson Reuters (Scientific) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 26 mai 2011 et la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 14 décembre 2011 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de

M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société Thomson Reuters (Scientific) et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Thomson Reuters (Scientific) une somme de 1 500 euros à verser à M.A..., en sa qualité de partie intimée, sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Thomson Reuters (Scientific) est rejetée.

Article 2 : La société Thomson Reuters (Scientific) versera à M. A...une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13PA02400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02400
Date de la décision : 24/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MILLE
Rapporteur ?: M. Michel ROMNICIANU
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : BERAUD-DUFOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-03-24;13pa02400 ?
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