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15/04/2014 | FRANCE | N°13PA04447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 avril 2014, 13PA04447


Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2013, présentée par le préfet de police de

Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308694/6-3 du 24 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 7 février 2013 par lequel il a refusé à

M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A...dans le

délai de trois mois à compter du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2013, présentée par le préfet de police de

Paris ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308694/6-3 du 24 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du 7 février 2013 par lequel il a refusé à

M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A...dans le délai de trois mois à compter du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ledit tribunal ;

Le préfet de police soutient que :

- la présence de M. A...en France constitue une menace pour l'ordre public ;

- il ne justifie pas de l'existence de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2013, présenté pour M. D...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A...demande le rejet de la requête du préfet de police et la confirmation du jugement attaqué ; il demande également qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il ne représente aucune menace pour l'ordre public ;

- le préfet de police a commis à cet égard une erreur manifeste d'appréciation ;

- il justifie de l'existence de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires ;

- le préfet de police a commis à cet égard une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire est fondée sur un refus de séjour illégal ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis à cet égard une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2014 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller ;

- et les observations de MeC..., substituant MeB..., pour M.A... ;

1. Considérant que le préfet de police fait appel du jugement n° 1308694/6-3 du

24 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé son arrêté du

7 février 2013 par lequel il a refusé à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A...dans le délai de trois mois à compter du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.(...) " ;

3. Considérant que M. A...a présenté une demande de carte de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a reconnu, lors de cette demande, avoir utilisé une fausse carte de résident à deux reprises afin de pouvoir exercer une activité salariée en France ; que le préfet a rejeté cette demande en estimant que la sauvegarde de l'ordre public inclut la lutte contre la fraude et que l'usage de faux documents révèle des manoeuvres frauduleuses pour séjourner et travailler en France de nature à s'opposer à toute admission exceptionnelle au séjour ;

4. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision en litige est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

5. Considérant, en l'espèce, que le préfet de police se prévaut devant la Cour d'un autre motif, tiré de ce que M. A...ne justifiait pas, à la date de la mesure en litige, de l'existence de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires ; que l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet qu'un titre de séjour peut être délivré à un étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ; que, si l'intéressé a fait valoir son intégration sociale et professionnelle sur plus de dix ans à la date de l'arrêté du

7 février 2013, en produisant ses feuilles de paie depuis 1999 et une promesse d'embauche en qualité de cuisinier, en date du 25 mars 2012, de son dernier employeur, employeur qui s'était séparé de lui faute d'autorisation de travail, la présence en France de son épouse et de leurs deux enfants, le décès de son père en Chine, la résidence de sa mère à Taiwan et la résidence de son frère en Italie, ces circonstances ne sauraient être regardées comme des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 précité, alors même que le métier de cuisinier connaitrait, selon les employeurs, des difficultés de recrutement ; que M. A...ne répond dès lors pas aux conditions prévues par ledit article ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se fonder sur ce seul motif, qui était de nature à justifier légalement l'arrêté contesté ; que la substitution de ce motif à celui initialement retenu par le préfet n'a pas pour effet de priver M. A...d'une garantie de procédure ; que, par suite, l'arrêté en litige ne méconnaît pas l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 7 février 2013 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autre moyens présentés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de la substitution de motif retenue

ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles : " La carte de séjour temporaire peut être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public " est, en tout état de cause, inopérant ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ;

9. Considérant que, si M. A...se prévaut de ce qu'il est marié avec une compatriote depuis 2008 avec laquelle il a eu deux enfants, nés en France, dont l'ainée, née en 2008, est scolarisée, son épouse est en situation irrégulière sur le territoire français ; que rien ne fait obstacle à la poursuite de la vie familiale en Chine, dont les époux sont originaires, alors même que le père de l'intéressé serait décédé, que sa mère résiderait à Taiwan et que son frère résiderait en Italie ; qu'ainsi, et alors même qu'il maîtrise le français et paierait ses impôts, l'arrêté en litige n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, cet arrêté ne saurait être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'indiqués précédemment, la décision en litige ne méconnait ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne saurait être regardée comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, M.A..., n'étant pas père d'enfant français, ne saurait se prévaloir des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 février 2013, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. A...dans le délai de trois mois à compter du jugement et, enfin, a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A...ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1308694/6-3 du 24 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 avril 2014.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 13PA04447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04447
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : TERREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-15;13pa04447 ?
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