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26/05/2014 | FRANCE | N°13PA03266

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 26 mai 2014, 13PA03266


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour le département du Val-de-Marne, représenté par le président du conseil général, par MeC... ; le département du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004722/6 du 7 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à Mme B...la somme de 92 728 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant du retrait d'agrément dont elle a fait l'objet ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal adm

inistratif de Melun ;

A titre subsidiaire,

3°) de constater le caractère injustifié...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour le département du Val-de-Marne, représenté par le président du conseil général, par MeC... ; le département du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004722/6 du 7 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à Mme B...la somme de 92 728 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant du retrait d'agrément dont elle a fait l'objet ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun ;

A titre subsidiaire,

3°) de constater le caractère injustifié et très excessif des sommes allouées à

Mme B...par le tribunal ;

4°) de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., pour le département du Val-de-Marne ;

Sur la responsabilité du département du Val-de-Marne :

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles en vigueur à la date de la décision de retrait de l'agrément de

Mme B...: " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " ; que, selon l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés (...) " ;

2. Considérant que, par jugement du 20 novembre 2008 devenu définitif, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du département du Val-de-Marne retirant à

Mme B...son agrément d'assistante familiale au motif que cette décision était insuffisamment motivée ; que si l'intervention d'une décision illégale constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies ; qu'à cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, notamment de suspicions d'agression sexuelle, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être ; qu'il peut en outre, si la première appréciation de ces éléments révèle une situation d'urgence, procéder à la suspension de l'agrément ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la plainte auprès des services de l'aide sociale à l'enfance d'une adolescente, accueillie chez les épouxB..., dénonçant des faits d'abus sexuels de la part d'un membre de l'entourage de MmeB..., le département du Val-de-Marne a suspendu le 20 juillet 2006 l'agrément d'assistante familiale de Mme B...avant de lui retirer le 13 novembre 2006 ; que le département, tant devant le tribunal que devant la Cour, ne fait état d'aucun élément attestant qu'une enquête administrative aurait été diligentée à la suite de la décision de suspension de l'agrément de MmeB..., qui aurait conforté la crédibilité des déclarations de l'adolescente, décrite par sa mère et par l'éducateur spécialisé qui en avait la charge comme étant susceptible de mentir pour attirer l'attention et pouvant avoir des tendances manipulatrices et par plusieurs jeunes filles accueillies dans la famille B...comme étant " jalouse et possessive " et qui, en outre, avait refusé de quitter la famille d'accueil pour une nouvelle structure d'hébergement en

juin 2006, alors qu'à cette période, les attouchements sexuels dont elle se plaignait étaient censés avoir débuté ; que dans ces conditions, même si M. B...avait été auditionné par les services de police, les renseignements recueillis par l'administration départementale à la date de la décision litigieuse ne pouvaient à eux seuls faire regarder MmeB..., bénéficiant d'un agrément depuis 1990, comme ne présentant plus les garanties requises pour l'accueil de mineurs et comme pouvant justifier légalement une mesure de retrait de l'agrément ; qu'au demeurant, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans l'environnement de Mme B...serait intervenu et alors que le Tribunal de grande instance de Créteil a rendu une ordonnance de non lieu le 20 août 2010, le président du conseil général du Val-de-Marne a, dès le 16 janvier 2009, délivré à Mme B...un nouvel agrément d'assistante familiale ; que par suite c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité pour faute du département du Val-de-Marne et ont estimé que la faute commise était à l'origine des préjudices invoqués par MmeB..., à savoir le préjudice financier résultant notamment de la perte de rémunération pendant la période où celle-ci a été privée de son agrément et le préjudice moral ;

Sur l'évaluation des préjudices de MmeB... :

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

5. Considérant qu'il résulte des bulletins de salaire versés au dossier par MmeB..., en particulier ceux couvrant la période de janvier 2006 à juillet 2006, que son salaire mensuel net était de 3 536,32 euros ; qu'il ne ressort pas des avis d'impôt sur le revenu produits que Mme B...ait reçu des indemnités de la part des organismes sociaux ni qu'elle aurait trouvé un nouvel emploi pendant cette période ; que la circonstance qu'elle exerçait un second emploi, qu'elle a, par ailleurs, continué à occuper pendant la période considérée, ne peut être regardée comme une activité ayant entraîné des gains qui devraient venir en déduction de l'indemnité qui lui est due ; que, de même, il n'y a pas lieu de déduire les indemnités habituellement versées pour l'entretien des enfants, qui ne sont pas incluses dans la rémunération de MmeB... ; que l'agrément délivré le 16 janvier 2009 ainsi que celui retiré le 13 novembre 2006 permettaient à Mme B...d'accueillir trois enfants ; que le département du Val-de-Marne n'apporte aucun élément de nature à établir que Mme B...n'aurait pas pu continuer à recevoir trois enfants pendant la période où elle a été privée de rémunération, soit entre, d'une part, le 13 novembre 2006, date à laquelle l'agrément d'assistante familiale lui a été retiré, et d'autre part, le 16 janvier 2009, date à laquelle le département du Val-de-Marne lui a délivré un nouvel agrément et non le 20 novembre 2008, date du jugement du Tribunal administratif de Melun, comme le soutient le requérant, alors surtout que l'annulation prononcée le 20 novembre 2008 par ce tribunal était fondée sur une insuffisance de motivation ; qu'enfin, Mme B...n'apporte aucune précision quant à la perte de ses droits à pension ; que, dès lors, le préjudice financier subi par Mme B...s'élève à la somme de 91 944,32 euros ; que MmeB..., qui n'a pas présenté d'observations en défense, ne conteste pas l'évaluation de son préjudice par le tribunal à la somme de 91 728 euros ; que, par suite, le département n'est pas fondé à soutenir que l'évaluation du préjudice financier par les premiers juges aurait été excessive ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère personnel :

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient le département du Val-de-Marne, en raison de la nature des faits qui ont motivé la décision de retrait de l'agrément d'assistante familiale de MmeB..., qui bénéficiait de cet agrément depuis 1990, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral qu'elle a subi en condamnant le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 1 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Val-de Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser à Mme B...la somme de 92 728 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant du retrait d'agrément dont elle a fait l'objet ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département du Val-de-Marne est rejetée.

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N° 13PA03266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03266
Date de la décision : 26/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale à l'enfance - Placement des mineurs - Placement familial.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : PLAGNOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-05-26;13pa03266 ?
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