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02/10/2014 | FRANCE | N°14PA00789

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 octobre 2014, 14PA00789


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2014, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Seurlin Immobilier, venant aux droits et obligations de la SAS Les Ardoines, dont le siège est 28 avenue de Messine à Paris (75008), par Me Troussier ; la société Seurlin Immobilier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208250 du 13 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle a été assujettie la société Les Ardoines au titr

e de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharg...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2014, présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Seurlin Immobilier, venant aux droits et obligations de la SAS Les Ardoines, dont le siège est 28 avenue de Messine à Paris (75008), par Me Troussier ; la société Seurlin Immobilier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208250 du 13 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle a été assujettie la société Les Ardoines au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Troussier, avocat de la société Seurlin Immobilier ;

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de la société Les Ardoines, l'administration a remis en cause le bénéfice du régime des sociétés mères, selon la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, et a notifié à cette société un rehaussement de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2007, à concurrence de la somme de 7 947 225 euros ; que la société Seurlin Immobilier, venant aux droits de la société Les Ardoines, relève appel du jugement du 13 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle a été assujettie la société Les Ardoines au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé que la société Les Ardoines n'a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement des sociétés qu'elle venait d'acquérir et ne s'est pas comportée à leur égard, comme une société mère, mais a au contraire favorisé leur disparition, que l'opération litigieuse a, grâce à la déduction immédiate d'une provision correspondant à la dépréciation des titres et à l'exonération d'impôt dont bénéficiaient, à l'exception d'une quote-part, les dividendes reçus de la société fille en application du régime des sociétés mères, permis à la société Les Ardoines d'amoindrir de façon importante ses bénéfices imposables ; qu'en outre, le jugement mentionne que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un gain de trésorerie, dès lors qu'il n'est pas contesté que le prix global d'acquisition des titres excédait celui des distributions ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de la contradiction entre la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit fondée sur la poursuite d'un but exclusivement fiscal et l'exercice d'une option prévue par la loi dont l'objet est d'accorder un avantage fiscal, ainsi qu'à l'argument tiré de l'accroissement du bénéfice comptable de la société ; que le moyen tiré de ce que le tribunal a omis de répondre aux moyens soulevés devant lui ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1 Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ; / c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...). " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charge (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. (...) / Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (...) des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères, (...) si ces (...) titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des article 20 et 21 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique des sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française ; que le fait d'acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs, dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Les Ardoines, aux droits de laquelle vient la société Seurlin Immobilier, a acquis, le 3 décembre 2007, les titres des sociétés HV Investissements, SOFADIG et CMA, pour des montants s'élevant respectivement à 4 570 600 euros, 3 286 800 euros et 1 608 100 euros ; qu'elle s'est engagée à conserver ces titres pendant une durée de deux ans et les a inscrits en comptabilité à son actif en tant que valeurs mobilières de placement ; que, le 18 décembre suivant, elle a perçu les dividendes de ces trois sociétés pour des montants s'élevant respectivement à 4 572 500 euros, 2 648 000 euros et 1 145 000 euros, qu'elle a comptabilisés en produits financiers ; que ces dividendes ont bénéficié du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts précités ; que, parallèlement, elle a déduit de son résultat imposable au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 des provisions pour dépréciation des titres en cause en application du deuxième alinéa du a ter du I de l'article 219 du même code, à concurrence des montants respectifs de 4 467 021 euros, 2 494 444 euros et 986 323 euros ; que la société Les Ardoines a ainsi dégagé, au titre de l'exercice clos en 2007, des gains fiscaux immédiats sous la forme d'économie d'impôt sur les sociétés ;

7. Considérant que le ministre fait valoir, sans être sérieusement contredit, qu'à la date à laquelle elles ont été acquises par la société Les Ardoines, les sociétés HV Investissements, SOFADIG et CMA n'exerçaient plus aucune activité et étaient dépourvues de moyens techniques et humains pour poursuivre une telle fin, leurs actifs étant essentiellement constitués de liquidités ; que les distributions de dividendes ont eu pour effet de priver ces sociétés des moyens susceptibles de leur permettre de retrouver une quelconque activité ; que si la société Seurlin Immobilier se prévaut de ce que le montant des distributions litigieuses est inférieur au prix d'acquisition des sociétés en cause, elle ne démontre pas ainsi qu'elle l'allègue, que cette circonstance résulterait d'un choix de gestion de la société Les Ardoines de conserver une partie des actifs de ses filiales dans la perspective de leur développement ultérieur ; que si la société Les Ardoines remplissait les conditions légales pour bénéficier du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts dans leur rédaction alors applicable, si elle a pris et tenu l'engagement de conserver les titres pendant deux ans et si les opérations litigieuses n'ont pas été rendues possibles par l'interposition d'une ou de sociétés spécialement créées à cette fin, il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que la société Les Ardoines n'a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement des sociétés qu'elle venait d'acquérir ; que les opérations litigieuses ont, en revanche, grâce à la déduction immédiate des provisions correspondant à la dépréciation des titres et à l'exonération d'impôt dont ont bénéficié, à l'exception d'une quote-part, les dividendes reçus des sociétés filles en application du régime des sociétés mères, permis à la société Les Ardoines de réduire substantiellement le montant de l'imposition de ses bénéfices ; que si la société requérante fait valoir que les opérations en litige ont généré un accroissement du bénéfice comptable de la société Les Ardoines, d'un montant de 417 712 euros, il n'est pas contesté que ce bénéfice comptable a uniquement été généré par la comptabilisation de dividendes qui ne constituent pas eux-mêmes un enrichissement ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les opérations litigieuses ont été inspirées par un but exclusivement fiscal et ont méconnu les objectifs poursuivis par le législateur lorsqu'il a institué le régime des sociétés mères et de ce qu'elles constituaient ainsi un abus de droit, au sens des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte ni de l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales, ni d'aucune autre disposition législative et réglementaire que l'administration ne pourrait pas appliquer la procédure de répression des abus de droit à un régime d'exonération optionnel, lorsqu'il y est recouru dans des conditions contraires à ses objectifs ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que la recherche de l'intention du législateur pour caractériser un abus de droit ne garantit pas une sécurité juridique suffisante pour les contribuables concernés ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que la société requérante ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 27 avril 1993, publiée au BOI 4H-12-93, qui, en indiquant que le régime des sociétés mères présente un caractère optionnel et a notamment pour objectif d'atténuer la double imposition des dividendes, n'énonce aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt ;

9. Considérant que le service ayant démontré, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, que les opérations litigieuses constituaient un abus de droit, au sens des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas applicable ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Seurlin Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Seurlin Immobilier est rejetée.

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N° 14PA00789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00789
Date de la décision : 02/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit et fraude à la loi.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN TROUSSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-10-02;14pa00789 ?
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